Hippocrate

Hippocrate
Titre original:Hippocrate
Réalisateur:Thomas Lilti
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:03 septembre 2014
Note:

Benjamin n’a que vingt-trois ans, quand il commence son stage d’interne dans le service de son père, le professeur Barois, à l’hôpital Poincaré. D’abord un peu perdu, il finit par trouver ses repères dans le quotidien hospitalier, entre la convivialité des autres internes à la cantine et les nuits de garde exténuantes. L’arrivée d’un nouvel interne, Abdel, venu en France pour valider ses diplômes algériens, permet à Benjamin de se sentir rassuré dans son choix professionnel. Mais les décisions difficiles ne tardent pas à surgir, mettant le jeune homme face à ses responsabilités. Les cas d’un ivrogne et d’une vieille dame en fin de vie le laissent particulièrement douter de sa capacité d’enfiler la blouse blanche du médecin.

Critique de Tootpadu

Personne n’aime aller à l’hôpital. Cette aversion collective ne risque pas trop de s’évaporer après cette plongée assez dure dans un monde professionnel, où les occasions pour se réjouir sont apparemment plutôt rares. En effet, le poids du nouveau travail de Benjamin ne provient pas principalement de l’omniprésence de la mort et de la maladie en milieu hospitalier, mais de la pression incessante qui accable le personnel soignant. Le regard de Thomas Lilti se démarque ainsi par un refus catégorique des poncifs les plus courants, notamment employés dans les séries télé à succès. Aucun des personnages de Hippocrate n’est un héros, qui pourrait se targuer de sauver des vies à un rythme soutenu. Ce sont au contraire des hommes et des femmes tout à fait ordinaires, confrontés à des situations épineuses qui aggravent encore leur état de fatigue mentale et physique.

Car l’assistance publique paraît dangereusement mal en point dans ce récit, qui n’adopte pas pour autant un ton alarmiste. Les médecins et les infirmières y font de leur mieux avec les moyens du bord, sans que cette éthique de la débrouillardise ne les mette à l’abri de quelques erreurs lourdes de conséquences. Après avoir étudié avec une certaine légèreté le mode opératoire de cet univers clos au décor passablement délabré, la narration se concentre sur deux cas de conscience, qui finiront par avoir raison de l’optimisme un peu mou du personnage principal. Ce sont deux exceptions, qui n’ont pourtant rien d’extraordinaire dans le contexte d’un service, où le rendement financier doit cohabiter avec l’intérêt et les droits du patient. Bien que la dénonciation de l’affaiblissement de l’offre publique en termes de soins médicaux ne fasse pas partie des priorités de ce deuxième film poignant, elle demeure présente à l’arrière-plan, tel une force antagoniste contre laquelle toute tentative de révolte doit paraître vaine. Citons en tant que preuve le brouhaha des revendications du personnel à la fin du film, qui restera presque sans résultat palpable, tout comme cette drôle de grève, qui exprime un sérieux ras-le-bol, muselé par une législation sans véritable marge de manœuvre.

Enfin, le côté humain de l’intrigue lui permet de ne pas sombrer dans un pessimisme lugubre. L’amitié parfois conflictuelle entre Benjamin et Abdel sert de fil rouge à ce portrait franc d’une profession peut-être adulée à tort. Ni l’un, ni l’autre est sans reproche dans l’exercice d’un métier, qui exige pourtant une précision sans faille. Or, ils sont de temps en temps les seuls à ne pas perdre complètement de vue la santé et la qualité de vie de leurs patients, alors que leurs collègues plus aguerris ont déjà perdu cette forme innocente de la compassion. Quitte à être admis un jour à l’hôpital, nous préférerions donc être pris en charge par ce genre d’hommes scrupuleux à nous voir broyés à petit feu par une routine terne et très pauvre en vestiges d’un traitement humain.

 

Vu le 28 octobre 2014, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 22

Note de Tootpadu: