Incomprise (L')

Incomprise (L')
Titre original:Incomprise (L')
Réalisateur:Asia Argento
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:26 novembre 2014
Note:

A neuf ans, Aria est une fille comme les autres. Elle fait encore la gamine avec sa meilleure copine Angelica, mais en même temps elle est tombée amoureuse d’Adriano, le plus beau garçon de son école, hélas inaccessible. A la maison, Aria souffre : des disputes incessantes de ses parents, un comédien et une pianiste, et des brimades de ses demi-sœurs aînées. Elle écrit alors ses rêves inassouvis dans son journal intime, parmi lesquels le fait d’être aimée, ne serait-ce que par un chat qu’elle appellerait Dac.

Critique de Tootpadu

Aussi improbable que cela puisse paraître, Asia Argento n’a pas réalisé de film depuis dix ans. L’enfant terrible du cinéma italien au tournant du siècle a certes mis en scène deux, trois courts-métrages entre-temps et a joué dans des films plus ou moins confidentiels d’autres réalisateurs. Mais dans l’ensemble, l’expérience de son dernier film n’a semble-t-il pas seulement été pénible pour les spectateurs soumis à ce conte d’un narcissisme difficile à supporter. Autant écrire que ce hiatus temporel ne nous a pas inquiétés plus que ça, vu que l’esthétique très appuyée de la réalisatrice est largement passée de mode au fil de la décennie passée. Les retrouvailles circonspectes se sont finalement passées mieux que prévu, même si Asia Argento persévère encore dans un état d’esprit pop et kitsch hautement subjectif.

Néanmoins, la pose artistique artificielle d’alors s’est éclipsée dans L’Incomprise au profit d’une sensibilité presque attachante. Le destin de cette jeune fille ordinaire aurait même quelque chose de tragique, si ce n’était justement pour le décalage de son regard, inhérent au point de vue d’un enfant au bord de l’adolescence. L’innocence lui fait déjà un peu défaut, contrairement à son acolyte plus respectable et coincé, qui s’insurge parce que leurs jeux de poupées Barbie se soldent invariablement par un viol. Mais en même temps, elle se prend à rêver encore d’une idylle familiale et amoureuse que la réalité plus cruelle ne lui réserve à aucun point du récit. Il y a sans doute du ressenti d’un véritable enfant d’artiste dans ces situations cocasses de discorde conjugale, où la mégalomanie lunatique de la mère se heurte invariablement à la superstition caricaturale du père. Ce qui n’empêche pas la narration d’y puiser une mélancolie profonde, à la fois de l’époque révolue des années 1980 et d’une enfance éprouvante, parce que truffée d’aventures plus ou moins plaisantes.

Entre les parents hauts en couleur, interprétés avec exubérance par Charlotte Gainsbourg et Gabriel Garko, et les camarades de classe pas moins excentriques, Aria se retrouve dans un état de solitude intense. Asia Argento ne s’en sert point pour écouler son surplus de dispositifs formels alambiqués. Elle ne fait pas non plus preuve d’une sobriété réaliste. Disons plutôt que la pause créative lui a permis de gagner en maturité, pour mieux accorder sa sensibilité artistique avec les histoires d’enfants émotionnellement mal traités qui paraissent lui tenir à cœur. Ce qui est largement suffisant pour se faire pardonner ses erreurs de jeunesse et envisager plus sereinement son avenir de réalisatrice hors des sentiers battus, quoique pas forcément enfermée dans un vocabulaire filmique inaccessible.

 

Vu le 29 octobre 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu: