Titre original: | Quand vient la nuit |
Réalisateur: | Michaël R. Roskam |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 107 minutes |
Date: | 12 novembre 2014 |
Note: |
Depuis le bar qu’il tient pour son cousin Marv, lui-même à la solde de la mafia tchétchène, Bob Saginowski observe d’un œil impassible les agissements illégaux qui s’y passent. A intervalles irréguliers, chaque bar du quartier sert de point de chute temporaire pour l’argent sale du crime organisé. Quand Bob et Marv se font braquer un soir, ils craignent les représailles de leur patron, même si la somme dérobée ne s’élève qu’à quelques milliers de dollars. En même temps, Bob recueille un chiot maltraité qu’il a trouvé par hasard dans la poubelle de la serveuse Nadia.
La stupidité fait toujours autant recette chez le réalisateur belge Michaël R. Roskam, qui réussit une entrée convaincante sur le marché américain – et donc international – dès son deuxième film. Comme dans l’histoire du paysan flamand dopé aux hormones, le doute persiste quant à l’intelligence du personnage principal de Quand vient la nuit. Le caractère solitaire de Bob y dépasse aisément son poste de barman, omniprésent mais toujours à l’écart des affaires louches qui se trament à son insu. Alors que l’étau se resserre imperceptiblement autour de lui, tout ce qui paraît le préoccuper est l’avenir de son chien, un substitut d’enfant dont il se sent d’emblée incapable de s’occuper. De même, sa piété, sa façon très simple de s’exprimer et son regard fuyant font de cet homme effacé non pas une menace, mais un protagoniste atypique dans le cadre d’un film de gangster, où les bonnes actions et les bonnes manières ne sont guère monnaie courante. Le revirement final du film nous donne in extremis raison de nous en méfier. Il n’empêche que l’agencement du récit semble souligner naturellement à quel point ce personnage central paraît se satisfaire de sa position de subordonné inoffensif.
Le caméléon Tom Hardy incarne ce rôle d’un lâche avec une telle justesse, qu’il efface d’un seul trait les souvenirs déplaisants que ses interprétations grandiloquentes de ces dernières années nous avaient laissés. La sobriété de son jeu d’acteur est d’autant plus appréciable qu’elle ne vise point à maintenir le suspense quant aux véritables intentions de Bob, mais à le laisser exister librement dans ses limites intellectuelles. A ses côtés, le reste de la distribution est tout aussi brillant, surtout parce que ni Noomi Rapace, ni le regretté James Gandolfini, ni Matthias Schoenaerts ne cherchent à tirer artificiellement la couverture à soi. Ils participent au contraire tous à une représentation d’ensemble des plus cohérentes, loin des clichés du film de gangster auxquels le réalisateur aurait facilement pu s’adosser pour se conformer aux règles narratives en vigueur dans sa nouvelle patrie artistique.
Or, Michaël R. Roskam manie avec une élégance indéniable cette histoire, où les relations tendues entre les personnages prévalent sur d’éventuelles explosions de violence. En cela, il reste fidèle au ton émotionnellement austère de l’écrivain Dennis Lehane, déjà adapté au cinéma par Clint Eastwood, Ben Affleck et Martin Scorsese. Comme dans ces films-là, ce n’est pas tant la nature du crime qui importe ici, mais l’attitude plus ou moins tortueuse que les participants adoptent afin d’y faire face. L’intensité narrative y naît de l’enchaînement implacable de faits et de décisions pas toujours heureux, qui préserve au moins dans le cas présent un ton assuré et ferme, contrairement aux excès mélodramatiques et à la structure temporelle convulsée, qui plombaient il y a près de trois ans le premier film du réalisateur.
Vu le 30 octobre 2014, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu:
Note de Mulder: