Normal heart (The)

Normal heart (The)
Titre original:Normal heart (The)
Réalisateur:Ryan Murphy
Sortie:Cinéma
Durée:127 minutes
Date:03 décembre 2014
Note:

En 1981, l’écrivain gay Ned Weeks rend visite à son ancien amant Craig pour fêter son anniversaire sur Fire Island, une oasis de sexe débridé entre hommes. Sur le chemin du retour, il lit un article sur une nouvelle forme de cancer dont seuls des homosexuels seraient atteints. Ned cherche alors à en savoir plus sur cette maladie mystérieuse. Mais ses tentatives d’alerter les médias et la classe politique échouent à cause de l’indifférence des autorités et de la peur des gays d’en faire leur cause. Avec quelques activistes-amis, il fonde néanmoins une association d’entraide et de défense des malades, qui se comptent bientôt par dizaines.

Critique de Tootpadu

A la toute fin des années 1980, l’épidémie du sida avait déjà fait l’objet de nombreux films indépendants. Ceux-ci tenaient tant bien que mal compte d’une maladie mortelle dont la communauté gaie était principalement atteinte. Avant que le cinéma hollywoodien ne s’approprie le sujet tardivement, sous une forme dès lors aseptisée au possible, à travers Philadelphia de Jonathan Demme, un film comme Un compagnon de longue date de Norman René avait amplement évoqué l’horrible sentiment d’impuissance, de peur et d’incompréhension qui paralysait les victimes et leurs proches aux débuts du phénomène. Le téléfilm Les Soldats de l’espérance de Roger Spottiswoode concluait en quelque sorte ce cycle cinématographique autour d’un traumatisme social et moral, qui avait comme seul avantage face à l’hécatombe de faire avancer la reconnaissance des revendications gaies et lesbiennes.

Depuis, on ne meurt plus du sida, en tout cas dans les pays privilégiés, où le système médical est assez bien loti pour transformer le fléau en une simple maladie chronique. L’attention des médias se porte à un rythme accéléré sur la nouvelle épidémie à la mode, qui est à l’heure actuelle l’Ebola. Le déroulement de cette dernière rappelle en de nombreux points l’ostracisme et les préjugés qui étaient hélas déjà largement répandus pendant la première moitié des années ’80, avant que la disparition de l’acteur Rock Hudson ne donne au grand public un visage familier à mettre sur la maladie du sida. Trente ans plus tard, à quoi bon revenir sur cette époque pénible, où le parcours de santé des hommes séropositifs revenait à une condamnation à une mort certaine ?  Ou bien, The Normal heart vise-t-il plus haut qu’un mélodrame de maladie larmoyant, du côté d’une célébration nuancée de l’Histoire du mouvement gay, encore à ses balbutiements à ce moment-là ?

Les bonnes intentions ne font en effet pas défaut au réalisateur Ryan Murphy et au scénariste Larry Kramer, qui avertissent subtilement à quel point les droits plutôt égalitaires, dont jouissent désormais les couples de personnes de même sexe dans de nombreux pays, ne doivent pas être considérés comme acquis. Car au début de l’ère Reagan, il existait certes une subculture homosexuelle importante aux Etats-Unis. Mais dès que ses membres osaient sortir ne serait-ce que partiellement du placard, toute la hargne puritaine d’une société aussi coincée que frileuse s’abattait sur eux. Le sexe libre était alors la seule et unique valeur sous laquelle les différents courants pouvaient se rassembler. D’où l’impact néfaste qu’y a eu l’apparition d’une maladie transmissible par voie sexuelle. Ce contexte historique, qui doit paraître presque archaïque aux yeux d’une jeune génération qui vit sa sexualité d’une façon infiniment plus décomplexée de nos jours, est plutôt fidèlement retranscrit par ce film, qui est à la base, lui aussi, produit pour la télévision. Il lui manque cependant un véritable air du temps, de plus en plus difficile à recréer, au fur et à mesure que les faits contés s’éloignent dans le temps.

Notre plus grand reproche à l’égard de la narration se situe par contre du côté de son manque de précision. Admettons que les personnages avancent à tâtons en raison du brouillard épais de l’ignorance que seule la recherche médicale allait tant soit peu dissiper quelques années plus tard. Cela n’excuse, ni n’explique l’éparpillement préjudiciable du fil narratif dans une succession approximative de défaites frustrantes et de deuils déchirants. Rapidement, le but principal de chaque séquence paraît être de donner l’occasion aux comédiens de se lancer à tour de rôle dans des coups de colère ou des crises de nerfs théâtrales. Cette quête constante de la surenchère dramatique leur a certes valu une flopée de nominations aux Emmys. Elle participe par contre aussi à notre épuisement émotionnel, seulement ravivé par le récit cruel de la disparition d’un des malades, traité comme un lépreux à l’hôpital de province où il avait la malchance de s’éteindre. Dommage que la rage et l’indignation soulevées par cet incident en particulier, et par la lutte pour un peu de reconnaissance en général, soient autrement absentes de ce film bien intentionné, mais exécuté d’une manière assez bancale.

 

Vu le 3 novembre 2014, à la Salle Warner, en VO

Note de Tootpadu: