On l'appelle Trinita

On l'appelle Trinita
Titre original:On l'appelle Trinita
Réalisateur:Enzo Barboni
Sortie:Cinéma
Durée:115 minutes
Date:21 juillet 1971
Note:

Le vagabond Trinita est connu comme la main droite du diable. La main gauche, c’est son frère Bambino, un bandit devenu presque malgré lui shérif d’une bourgade. Le Major y fait la guerre à des paysans mormons, qui occupent les terres dont il aurait besoin pour ses chevaux. Même si Bambino voit d’un mauvais œil l’arrivée de son frère trublion, il l’embauche comme adjoint. C’est fini alors avec le calme relatif qu’il faisait régner dans la région, en attendant que ses comparses le rejoignent pour un nouveau casse. Car Trinita est très sensible à la cause des colons pacifiques, depuis qu’il est tombé sous le charme de deux jeunes femmes qui en font partie.

Critique de Tootpadu

Les années 1970 étaient tout sauf une période faste pour le genre du western. A l’image du déclin physique de sa figure de proue américaine, John Wayne, il s’était engagé dans une lente agonie de laquelle seules les épopées élégiaques de Sam Peckinpah, Sergio Leone et Clint Eastwood le sortaient sporadiquement. Pendant cette époque moribonde, les vautours opportunistes ne se sont pas faits attendre. Et c’est donc du côté de la persiflage qu’il fallait chercher les rares succès commerciaux, souvent d’origine européenne, avant la disparition pure et nette de cette machine à mythes de la conquête de l’ouest. Aussi improbable que cela puisse paraître aujourd’hui, un film inégal comme On l’appelle Trinita figurait parmi les premiers à exploiter le filon de la comédie burlesque sur fond de décors poisseux et de personnages à contre-courant de la légende édifiante sur laquelle s’était fondée la nation américaine.

Tandis que le début du film s’inscrit encore sobrement dans la tradition esthétique du jeune western spaghetti, le scénario ne tarde pas à s’essouffler, faute d’enjeux dignes d’intérêt. Si tout le récit avait fait preuve de la même tension que l’affrontement après le générique de début, on aurait pu considérer le film de Enzo Barboni comme un digne représentant du western transalpin. Baroque par son style, ce dernier était simultanément empressé de salir l’image proprette que Hollywood préférait alors donner de cette époque charnière de l’Histoire américaine. L’introduction d’un élément de dérision dès les premiers plans, où l’on voit Trinita en train de fainéanter abondamment, aurait pu déboucher ici sur une relecture ironique de la disposition manichéenne entre les bons et les méchants, qui caractérise le genre. Il n’en est hélas pratiquement rien, parce que la faiblesse des personnages – des truands protégés par l’insigne du shérif et un homme d’affaires sans scrupule et sans charme machiavélique – ne permet à aucun moment au ton de quitter le terrain inoffensif du divertissement superficiel.

De même, l’interaction entre Bud Spencer et Terence Hill ne produit pas non plus les étincelles escomptées. Ils ressemblent à un étrange croisement entre Astérix & Obélix et Laurel & Hardy, le tout transposé dans un environnement de western qui accumule les références, comme le gardien de prison directement inspiré par Stumpy dans Rio Bravo de Howard Hawks, sans jamais trouver sa propre voie. L’antagonisme fraternel entre Trinita, vaniteux comme un paon et pourtant habillé comme un clochard, et Bambino, bougon par excellence, ne suffit pas pour meubler les longueurs croissantes d’une intrigue, qui n’a plus rien de consistant à dire après l’exposition. La grande bagarre finale est par conséquent une mince consolation pour près de deux heures d’un humour un peu rance, très loin de l’ironie satirique de Mel Brooks, qui avait réellement su mettre les conventions du western sens dessus dessous trois ans plus tard dans Le Shérif est en prison.

 

Vu le 5 novembre 2014, au Grand Action, Salle Henri Ginet, en VO anglaise

Note de Tootpadu: