Imitation game

Imitation game
Titre original:Imitation game
Réalisateur:Morten Tyldum
Sortie:Cinéma
Durée:113 minutes
Date:28 janvier 2015
Note:

En 1951, un cambriolage est signalé dans la maison du professeur Alan Turing. Rien n’a visiblement été volé, mais l’attitude peu coopérative de la victime, ainsi que l’absence de documents officiels à son sujet éveillent les suspicions de la police. Convoqué au commissariat, Turing se voit obligé de conter l’incroyable histoire de son activité d’espion pendant la guerre. Pour le compte des services secrets britanniques, ce mathématicien surdoué et solitaire avait alors comme objectif de déchiffrer le code Enigma, grâce auquel les Allemands pouvaient communiquer librement leurs stratégies, sans devoir craindre que leurs ennemis en trouvent la signification.

Critique de Tootpadu

Derrière l’Histoire officielle se cache parfois une toute autre histoire. Avec cette affirmation, nous ne faisons pas référence à la vision subjective des faits, qui ramène chaque événement majeur à une échelle plus personnelle. Elle doit davantage être comprise comme une indication que l’écriture de la version communément admise du passé ne dit pas toujours toute la vérité. La prérogative des vainqueurs, de pouvoir façonner à leur guise la trace historique de leurs faits et méfaits, sert en effet de temps en temps à omettre volontairement des détails gênants dans le canevas édifiant sur leur héritage glorieux. Les adeptes plus ou moins illuminés de la théorie du complot se sont emparés depuis longtemps de cette faille inhérente à toute retranscription partielle d’un présent à jamais furtif et inachevé. Dans des cas très isolés, il arrive cependant que la vérité soit rétablie et que les héros méconnus bénéficient de la reconnaissance qu’ils méritent, quitte à ce qu’elle soit exprimée de façon posthume. Pendant des décennies, l’exploit du mathématicien Alan Turing est ainsi resté dans l’ombre, avant que son nom et sa contribution assez directe à la victoire des Alliés dans la Seconde Guerre mondiale ne soient réhabilités.

En dépit de son caractère académique et un brin trop respectable, Imitation game s’attache admirablement à rendre justice à cet homme, certes pas exemplaire, mais tombé prématurément victime d’une époque, qui ne savait pas quoi faire de cet esprit en avance sur son temps. Le récit n’ose à aucun moment une mise en abîme directe avec notre ère actuelle, où des informaticiens gays font tout naturellement partie du paysage social. Il préfère le dispositif plus sûr et convenu du retour en arrière à partir de l’interrogatoire au commissariat de police. L’essentiel y est néanmoins sauf : le regard rétrospectif – à mi-chemin entre la nostalgie et l’amertume – d’une existence vécue dans le déni de soi. La brillance intellectuelle du protagoniste est sans cesse muselée par la nécessité de travailler en équipe, voire plus généralement par l’impératif de réprimer sa propre personnalité au profit d’une tâche immense, qui dépasse largement les états d’âme d’un homosexuel frustré.

La narration de Morten Tyldum s’acquitte avec une certaine élégance de la structure romanesque de l’intrigue. Au fil des trois niveaux temporaires qui constituent les périodes charnières de la vie de Turing (son adolescence avec le premier coup de foudre forcément tragique, sa vie d’adulte sous le signe des services secrets pendant la guerre, la fin marquée par la décrépitude physique et l’ostracisme social), elle dresse le portrait saisissant d’un homme qui a été l’artisan d’une incroyable prouesse stratégique, que nombre d’individus plus opportunistes que lui n’ont pas tardé à s’attribuer eux-mêmes. Constamment à cheval entre la compréhension plutôt sincère du contexte précaire au cours de la première moitié du siècle dernier et l’indignation face au génie ignoré de Turing le misanthrope, la délicatesse du ton tend à manquer de mordant pour rendre son histoire réellement palpitante. Elle paraît bien plus intéressée à recréer fidèlement une époque révolue, dans la plus pure tradition des drames historiques, instructifs mais trop distants pour éveiller chez nous une quelconque réaction viscérale. Dépourvu d’une cause clairement établie, le scénario pèse par conséquent avec un peu trop de recul le pour et le contre du traitement honteux qu’a subi le personnage principal, à l’époque et jusqu’à un rétablissement très tardif de son rôle décisif dans le déroulement de la guerre.

Enfin, si elle nous a parfois laissés perplexes, l’interprétation de Benedict Cumberbatch est relativement courageuse. L’acteur y tente une symbiose osée entre Dustin Hoffman dans Rain man de Barry Levinson et Peter O’Toole dans Lawrence d’Arabie de David Lean, pour arriver en fin de compte à un personnage moins attachant qu’entier dans ses défauts psychologiques, qui ne sont heureusement attribués à aucun moment à l’appropriation tortueuse de ses préférences sexuelles.

 

Vu le 6 novembre 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

« Les tentatives de création de machines pensantes nous seront d'une grande aide pour découvrir comment nous pensons nous-mêmes. » Alan Turing

Alan Turing fait partie des grands hommes du 20ème siècle en étant tout simplement le père de l’informatique moderne. Mathématicien, informaticien et cryptologue, il fut assisté pour créer le premier ordinateur (la machine de Turing). Leur création Lui permit de décrypter la machine Enigma utilisée par les forces armées nazis pendant la seconde guerre mondiale. Cette réussite permit aux forces armées anglaises de gagner des batailles en Angleterre et sur l’Atlantique notamment. Considérée comme secret militaire absolu, sa technique de déchiffrage ne fut déclassée qu’en 2000. Condamné pour indécence manifeste et de perversion sexuelle relative à son homosexualité en 1950, il sera écarté des plus grands travaux scientifiques des années 50. Il mourra à l’âge de 41 ans (la théorie de son suicide ou non reste d’actualité).Il sera gracié par la reine Élisabeth II à titre posthume en 2013.

Pour réussir un film sur ce scientifique surdoué et sur son déchiffrement d’Enigma, il fallait non seulement un excellent scénariste, un réalisateur en phase avec le sujet et surtout un comédien capable de donner une certaine profondeur à celui-ci. En adaptant le livre d’Andrew Hodges Alan Turing: The Enigma (1983), le scénariste Graham Moore en tire une histoire captivante et surtout trace le portrait d’un homme torturé et blessé moralement par une expérience passée douloureuse (mort de son meilleur ami de classe). Le réalisateur norvégien Morten Tyldum signe avec Imitation Game son premier film en langue anglaise après trois films réalisés en Norvège (Buddy (2003), Varg Veum - Falne engler (2008) et Headhunters (2011)). Il témoigne ici d’un talent de conteur rare et réussit à rendre fluide un film ponctué de scènes du passé d’ Alan Turing. Le réalisateur réussit à recréer les années 40 d’une manière réaliste et donne à son film un charme véritable.

Mais la réussite fondamentale de ce film revient à la présence du comédien Benedict Cumberbatch. Découvert en 2004 par le téléfilm Hawking sur le scientifique Stephen Hawking et souvent crédité dans les seconds rôles (Reviens-moi (2007), Deux soeurs pour un roi (2008), Creation (2009)). C’est son rôle de Sherlock Holmes dans la série culte de la BBC One (2010- ) qu’il s’imposa comme l’un des meilleurs comédiens actuels. Les films qui suivirent le consacrèrent comme l’un des comédiens britanniques les plus appréciés (Le Cinquième pouvoir (2013), Star Trek Into Darkness (2013), 2 Years a Slave (2014)..) . Il donne dans le rôle d’Alan Turing une composition si parfaite qu’elle mérite amplement sa nomination au Golden lobe 2015 (meilleur acteur dans un film dramatique) et on s’en doute une nomination aux Oscar 2015. On retiendra également dans le premier rôle féminin la sublime Keira Knightley et dans les seconds rôles masculins Mark Strong et Charles Dance.

En traitant de l’homosexualité dans le contexte des années 40, le film ouvre une page sur une Angleterre guère ouverte d’esprit. Considérée illégal jusqu’en 1967, l’homosexualité pouvait broyer même le meilleur des scientifiques, véritable héros de guerre dans un système pouvant ruiner une carrière. La composition de Benedict Cumberbatch tout en retenu témoigne à quel point ce comédien s’investti dans des rôles difficiles et loin de chercher à empiler blockbusters sur blockbusters préfère des rôles intéressants.

Alan Turing a marqué son époque et continue à avoir une influence importante dans le milieu scientifique. Il a inspiré les plus grands scientifiques, véritable précurseur de notre informatique, ce film magnifique lui rend le plus beau des hommages et s’impose comme l’un des meilleurs films de l’année 2015 (le film sort en salles le 28 janvier 2015). Cette véritable histoire a été passée sous silence pendant 50 ans, ce film est ainsi un hymne à la résistance et au dépassement de soi.

Vu le 18 décembre 2014 au Forum des images salle 5 en vo

Note de Mulder:

Critique de Marty

La seconde guerre mondiale, à l'instar de la première, est l'un des événements les plus marquants de l'Histoire Mondiale du vingtième siècle. Depuis la fin de la guerre, les cinéastes nous ont proposés de nombreux films retraçant les événements aussi tragiques qu'ignobles. Certains offrent, par exemple, des longs métrages sur l'ensemble de la guerre comme Le jour le plus long de Ken Annakin (l'un des castings les plus fous du cinéma des années 60 avec Henry Fonda, John Wayne, Robert Mitchoum, Sean Connery ou Bourvil) ou Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg (et son incroyable scène du débarquement qui vous glace le sang). D'autres réalisateurs se penchent sur les événements tragiques comme l'extermination des juifs par l'armée nazie ; La liste de Schindler de Steven Spielberg ; pendant que d'autres dévoilent des événements de la seconde guerre mondiale comme David Ayer avec son dramatique, Fury. De temps en temps, d'autres réalisateurs relatent des éléments extérieurs, loin de la guerre Européenne, avec l'épopée des Indiens Navajos recrutés par l'armée américaine et affectés aux postes d'opérateurs radio (Windtalkers de John Woo avec Nicolas Cage) ou s'attachent à démontrer la protection des juifs avec Monsieur Batignole de Gérard Jugnot ou encore avec l'un des témoignages de l'atrocité de la guerre, avec la Rafle de Rose Bosch, avec Mélanie Laurent.

La guerre a toujours été une espèce de source d'inspiration pour les réalisateurs du Monde tant il y a des choses à dire sur cet événement marquant. Il est coutume de dire que certains événements, liés à la politique extérieure, sûreté de l'état, sécurité publique (...), sont avouables 50 ans après les faits. C'est ainsi qu'est né le film Imitation Game (tiré de la biographie de Alan Turing) où il est présenté ce mathématicien, spécialiste en cryptologie, qui changea, par son talent, la tournure finale de la guerre et permis de la survie de milliers/millions de personnes. A l'instar des Navajos qui cryptaient les messages américains, les allemands utilisaient une machine pour crypter leur ordre de combat. Alan Turing fut l'un des créateurs de la machine permettant décrypter la machine allemande, Enigma. 

Réalisé par le norvégien, Morten Tyldum, qui signe pour le coup, son premier long-métrage bénéficiant d'une sortie mondiale, le film Imitation Game s'offre le luxe d'être nominer, à huit reprises pour les prochains Oscars. Avec, en outre, celui de meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleur musique ou encore meilleure actrice dans un second rôle. Avant la sortie du film et à la vue de l'histoire ou du premier trailer, le film avait tout du film à Oscars... En sortant de la salle, on s'accorde à estimer qu'il en a, en effet, toute la panoplie.  Ambiance forte, histoire prenante, basée sur des faits réels, casting éclectique, réalisation soignée et bande-originale envoûtante. 

La principale attraction du film vient du rôle d'Alan Turing joué par l'un des acteurs-caméléons, Benedict Cumberbatch. Une énième fois, l'acteur anglais démontre qu'il a un talent fou et qu'il peut aussi bien jouer l'extraterrestre (Star Trek: Into Darkness), le riche propriétaire de plantation en Louisiane (12 Years a Slave), un journaliste à scandale (Le cinquième pouvoir), un enquêteur de talent (Sherlock Holmes), un Necromancier (Hobbit) et il sera, d'ici 2016, le fameux Dr. Strange dans l'adaptation du comic éponyme. Ici, il dévoile à merveille le rôle de ce génie incompris dont le nom restera cacher pendant 50 ans. Sa performance de mathématicien perturbé associée ses tocs et son secret, en font un des favoris pour l'Oscar du meilleur acteur. Un rôle initialement prévu, pour Leonardo DiCaprio ; indisponible pour cause de tournage ; et qui pourrait s'avérer lui coûter cher ! A ses côtés, le britannique est associé à la divine Keira Knightley, qui obtient, une nouvelle nomination pour les Oscars. Elle y campe le rôle de Joan Clarke. Égérie de Turing, elle devient l'un des éléments clés de la cryptologie, en canalisant les idées de Turing. Elle joue le rôle d'une femme forte, à l'instar de son rôle de Domino, et joue sur son joli minois pour plaire ; comme elle a toujours su le faire. On remarque, aussi, la présence de Mark Strong dans le rôle de l'agent du MI6, toujours aussi, discret et sérieux. Charles Dance, quant à lui, continue d'alterner les seconds rôles du cinéma et les séries-télévisées. N'oublions pas qu'il est connu pour son rôle de Clemens dans Alien 3, Benedict dans  Last Action Hero et reconnu pour son rôle de Tywin Lannister dans la terrible série culte, Game Of Thrones. 

Alexandre Desplat agrémente le tout en produisant une bande-originale agréable et un thème récurrent. Thème évidemment nominé aux Oscars. Cette musique contribue à faire du film, une excellente découverte. D'une part, on prend connaissance de l'existence d'Alan Turing, de son travail, de son passé et de son destin funeste dans lequel Benedict Cumberbatch excelle. Et d'autre part, on prend conscience du lourd tribut porté par ses hommes et cette femme. La solution trouvée, en milieu de guerre, ne pouvait pas être dévoilée sans que l'ennemi change sa façon de faire. Il fallait donc accepter de lourdes pertes pour être sûr d'emporter la guerre, quitte à sacrifier des proches. De lourds décisions à prendre mais au final, leurs travaux auront permis de sauver 14 millions de vies humaines... Un travail inconnu dévoilé dans un film talentueux avec une interprétation brillante et pour lequel, on l'annonce, déjà, en tant que grand vainqueur des prochains Oscars. 

Imitation Game est à film à voir pour notre Histoire. 

Vu le 31 janvier, en salles 10, au Pathé Conflans.

Note de Marty: