Something must break

Something must break
Titre original:Something must break
Réalisateur:Ester Martin Bergsmark
Sortie:Cinéma
Durée:85 minutes
Date:10 décembre 2014
Note:

Sebastian aimerait tant devenir Ellie, sa sœur imaginaire. Il assume parfaitement sa part de féminité, quitte à se faire agresser par des partenaires peu délicats dans des lieux publics. Lors d’une de ces altercations, Andreas prend sa défense. Sebastian tombe sous le charme de ce jeune adulte punk, qui ne voit d’abord en lui qu’un ami. Mais Sebastian/Ellie finit par le séduire, même si son nouvel amant n’est pas à l’aise dans cette relation transgenre.

Critique de Tootpadu

Depuis quelque temps déjà, une nouvelle tendance se met en place dans le cinéma gay. Pas tant du côté américain, plutôt moribond alors que l’homosexualité y trouve progressivement un niveau d’acceptation sociale plus important, mais à l’international, où les choses varient selon les pays, d’où sans doute un certain recul du militantisme. Alors que nous attendons toujours en vain la perle rare du film, qui célébrerait d’une manière tout à fait décomplexée l’amour entre hommes ou entre femmes, la tragédie fait une fois de plus intrusion dans cet univers de niche, qui risque de le rester encore pour longtemps. Désormais, le désarroi romantique ou libidineux des personnages gays ne naît plus de l’impossibilité d’affirmer leurs propres préférences sexuelles, mais des frustrations qui vont nécessairement de pair avec le coup de foudre pour un individu inaccessible. Cette tentative maladroite de sortir du ghetto, pour mieux convertir de pauvres hétérosexuels en doute sur leur sexualité, se solde bien sûr par de nombreux rejets et des larmes encore plus abondantes. Elle reflète en même temps un changement irréversible de mentalité, qui permet aux jeunes générations d’envisager sereinement leur vie amoureuse, en dehors des catégorisations établies du temps d’une répartition de compartiments identitaires mutuellement exclusifs.

Ce film suédois conte ainsi l’histoire d’amour impossible entre un gay aux traits androgynes et son preux chevalier, à la fois attiré par cet individu mystérieux et fermement décidé de ne pas se considérer comme homosexuel, en dépit des moments de jouissance érotique partagés. Cette trame tortueuse, la mise en scène de Ester Martin Bergsmark l’illustre avec une mollesse narrative et visuelle, qui sied peut-être aux errements existentiels des personnages, mais qui nous inspire très tôt une grande indifférence envers eux. Alors que Sebastian affiche une vague envie de rompre avec les conventions sociales, de ne plus travailler pour mieux voler en magasin par exemple, cette attitude iconoclaste et rebelle ne trouve guère d’écho dans le ton léthargique de Something must break. L’ambiance générale tend davantage vers l’univers glauque et désespérant, en marge d’une société condescendante ou hostile, qui a hélas été omniprésent dans le cinéma gay depuis plus de trente ans déjà.

Il n’y a que trois brèves parenthèses de poésie filmique, qui rendent tant soit peu la vision supportable. D’abord, les premiers rapports sexuels entre les deux amoureux récalcitrants, qui s’adonnent pourtant à une sensualité sans tabou, en rupture avec les divagations hésitantes qui y ont précédé. Et puis, à l’inverse, deux instants où la rupture se profile avec une cruauté remarquable : lorsque Sebastian allume deux cigarettes en même temps, à la Paul Henreid dans Une femme cherche son destin de Irving Rapper, alors que Andreas prend sans broncher l’une des siennes, et par le biais du karaoké où le choix de la chanson, entonnée avec un certain pathos, en dit long sur les différences au sein du couple volatil. C’est hélas trop peu pour renverser la tendance au sein d’un film trop absorbé dans le narcissisme du personnage principal pour poser une quelconque question pertinente sur ce que cela signifie d’être pédé ou transgenre aujourd’hui, en Suède ou ailleurs.

 

Vu le 12 novembre 2014, au Latina, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: