Calvary

Calvary
Titre original:Calvary
Réalisateur:John Michael McDonagh
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:26 novembre 2014
Note:

Le père James entend en confession un homme de sa petite paroisse en Ireland, qui lui fait part des sévices sexuels qu’il avait subis en tant qu’enfant d’un prêtre entre-temps décédé. Alors que le père James ne peut proposer à la victime que sa compassion et ses regrets, son interlocuteur avait pensé à une forme plus radicale de pénitence : il menace de tuer James huit jours plus tard, le dimanche suivant, sur la plage. Le futur meurtrier considère la mort d’un homme bon et juste comme un châtiment adéquat pour l’expérience traumatisante de sa jeunesse. Le père James ne sait pas comment réagir face à cet ultimatum morbide.

Critique de Tootpadu

Dans leur « Petite théologie du cinéma », paru en mai dernier aux Editions du Cerf, les auteurs Jean Collet et Michel Cazenave soutiennent le point, peut-être pas très original mais toujours bon à rappeler, que ce ne sont pas forcément les films qui affichent avec le plus d’ostentation leurs valeurs religieuses qui s’avèrent les plus édifiants pour l’âme. Dans ce sens, Calvary appartient indubitablement à la première catégorie, puisqu’on y parle beaucoup de toutes sortes d’interrogations existentielles, mais qu’en fin de compte, il n’en sort rien de particulièrement spirituel. A moins que le but du réalisateur John Michael McDonagh ait été précisément de démontrer à quel point l’église catholique en Ireland, et à peu d’exceptions près dans le reste du monde, est engagée depuis des années sur la pente raide du déclin vers l’insignifiance dérisoire. En effet, le thème omniprésent dans cette histoire macabre est la faute impardonnable de la pédophilie, qui a discrédité durablement tous les hommes du clergé. Or, il est loin d’être sûr que le cadre d’un policier soit la forme dramatique la plus habile pour tenir compte de ce fléau toujours en attente d’un véritable travail de reconnaissance et de mémoire de la part de Rome et ses sous-fifres.

Car, de surcroît, ce long compte à rebours jusqu’à l’exécution annoncée manque de panache pour nous la faire anticiper fiévreusement. Il y a certes les indications successives des jours, si espacées les unes des autres que nous craignons parfois d’en avoir raté une, avant d’être rassuré que le temps à l’extrémité ouest de l’Europe s’écoule très doucement. Mais aucune tension narrative n’est amorcée crescendo pour symboliser l’étau, imaginaire ou réel, qui se resserre autour du personnage principal. Ses rencontres, en apparence fortuite ou dans le cadre de son travail, ont d’ailleurs la fâcheuse tendance d’égarer le propos du film. Elles font passer en revue toute une série de personnages secondaires, dont bon nombre de suspects potentiels, qui n’ont pour finalité que de souligner à quel point le père James est véritablement un homme de Dieu. Contrairement aux prêtres de carrière, comme son confrère et son supérieur, il prêche une approche pragmatique de la vie, ferme dans ses convictions et pourtant nullement oublieux de la faiblesse morale propre à l’homme. D’où une certaine léthargie de la prémisse aux pieds d’argile, qui s’attaque contre toute raison à un homme, qui se trouve aux antipodes de tout ce que l’on peut légitimement reprocher à l’église catholique.

Alors que l’interprétation est des plus solides, notamment de Brendan Gleeson, né pour ce genre de rôle monolithique au cœur sensible, elle ne peut complètement faire oublier la pesanteur passagère du scénario. Cette remarque ne concerne pas tant le choc continu entre la sagesse calme du prêtre et le désespoir mondain de ses proches, que la description assez pénible de sa relation avec sa fille dépressive. C’est même lors de toutes ses interactions avec des personnages féminins – l’épouse infidèle, la veuve française, la gamine en vacances – que le ton se crispe étrangement. L’avantage supposé d’avoir eu une vie conjugale avant de suivre sa vocation religieuse s’estompe alors pour le père James et le laisse de plus en plus désemparé face à la tragédie qui l’attend. Un peu comme nous, en fait, qui restons plutôt circonspects face à ce film, qui manque plus souvent sa cible qu’il ne l’atteint.

 

Vu le 19 novembre 2014, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le réalisateur irlandais John Michael McDonagh s’est fait connaître en 2011 par son premier film l’Irlandais. Trois ans plus tard il retrouve le comédien principal de celui-ci, Brendan Gleeson, pour nous dresser le portrait d’un homme de religion, Le père James. Dès la première scène, à l’image des tragédies grecques, ce personnage apprend lors d’une confession que l’homme qu’il écoute a décidé de l’assassiner dans huit jours…
 
Tourné principalement dans le comté de Sligo et dans la ville de Easkey, le film gagne une réelle intensité en nous présentant une galerie de personnages frappé par la tragédie. On sent que le réalisateur et scénariste a pu construire librement son film et donner à ses comédiens de vrais rôles parfaitement aiguisés. Le personnage du Père James Lavelle interprété par Brendan Gleeson (Le Général (1998), Mission: Impossible II (2000), Saga Harry Potter (le professeur Alastor 'Fol-Oeil' Maugrey, 2005-2011)…) devant enquêter et chercher à savoir qui est celui qui a décidé de le tuer est l’élément principal de ce film. Il sert de catalyseur non seulement pour faire le lien entre les différents personnages mais aussi pour nous présenter des thèmes importants au réalisateur (l’Irlande, la famille, la solitude..).
 
En retournant à un cinéma dépouillé et créant une véritable ambiance désespérée à ces personnage, le réalisateur a pu s’entourer d’un vrai casting donnant ainsi à Kelly Reilly (Eden Lake (2008), Flight (2012)..), Aidan Gillen (12 Rounds (2009), Blitz (2011)..) et surtout la comédienne Marie-Josée Croze qui trouve ici dans le personnage de Teresa un second rôle magnifique. En reposant sur un casting parfaitement  maîtrisé, le réalisateur nous livre une histoire forte, un thriller lent et implacable teinté d’un pessimisme rare. 
 
Loin de vouloir nous livrer un film consensuel et naviguant sur un sentier banalisé par des thématiques universelles, le réalisateur dynamise la frontière entre les genres et nous livre une comédie, une dramatique, un thriller parfaitement unifiés. En nous invitant à la méditation sur la foi, le pardon et la sérénité, le réalisateur fait de son second film une réussite indéniable.
 
Vu le 19 novembre 2014, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Mulder: