Temps des aveux (Le)

Temps des aveux (Le)
Titre original:Temps des aveux (Le)
Réalisateur:Régis Wargnier
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:17 décembre 2014
Note:

Au début des années 1970, l’ethnologue français Lok Bizot travaille au Cambodge à la restauration des temples d’Angkor. Bien que la paix soit menacée par les attaques des Khmers rouges dans ce pays indépendant depuis peu de temps, Bizot continue ses recherches, même dans les territoires peu sûrs, car déjà occupés par les rebelles. Lors d’une de ces excursions, il est arrêté à un barrage routier en compagnie de deux assistants. Accusé à tort d’être un espion à la solde des Américains, il risque d’être exécuté sur-le-champ. Il ne doit alors sa survie qu’à l’intervention du jeune commandant Douch, qui s’attend en échange à des aveux détaillés de sa part.

Critique de Tootpadu

Quand il a commencé la production de son neuvième long-métrage, le réalisateur Régis Wargnier n’avait probablement aucun contexte d’actualité précis en tête. Son retour en Asie devait avoir plutôt comme finalité commerciale de lui permettre de renouer avec le succès, rencontré par Indochine il y a plus de vingt ans. Depuis le tournage, la situation géopolitique a été suffisamment bouleversée pour pouvoir déceler au moins accessoirement dans Le Temps des aveux une parabole sur les atrocités qui sont commises ces temps-ci par l’Etat islamique. Le règne aussi bref que sanglant des Khmers rouges et cette nouvelle manifestation de la barbarie à l’état brut se différencient certes par de nombreux détails. Ils ont néanmoins en commun l’application d’un endoctrinement draconien, à l’opposé de la valeur fondamentale de liberté. Cette dernière est d’ailleurs si chère à la propagande plus ou moins larvée avec laquelle nous abreuve la culture américaine, qu’on pourrait presque s’interroger pourquoi Hollywood ne met pas plus souvent en scène ce conflit historique. Sans doute parce que le rôle américain dans cette révolution était loin d’être sans reproche. Il revient donc à l’infatigable Rithy Panh, producteur sur ce film et à l’origine d’un documentaire sur le tortionnaire Douch sorti en 2012, de veiller sur la mémoire de son pays, avec l’occasionnel coup de main bienveillant de la part du cinéma français.

La condescendance post-coloniale n’est heureusement pas du tout à l’ordre du jour dans ce film sobre. Les personnages français y endossent le rôle d’immigrés respectueux et ouverts envers la culture autochtone. Le protagoniste manie ainsi sans difficulté la langue du pays et s’est intégré au point d’avoir fondé sa famille au Cambodge. Rien dans son état d’esprit ou son comportement ne trahit une quelconque lubie de supériorité et encore moins un goût exacerbé pour l’exotisme. Ce n’est pas non plus un héros démesuré, qui se sacrifierait pour ses amis après avoir affronté vaillamment les forces du mal. En termes dramatiques, il agit davantage comme l’observateur prudent des changements douloureux que traverse son pays d’adoption. Tandis que son geôlier aimerait bien l’amener jusqu’à l’aboutissement d’un lavage de cerveau manichéen, Bizot ne devient pas non plus son complice involontaire, comme l’a été l’officier britannique dans le camp de prisonniers japonais dans Le Pont de la rivière Kwai de David Lean.

Le hic assez conséquent, c’est que cet empressement sensible de ne surtout pas tomber dans l’excès et le cliché, à travers cette description pittoresque d’un destin personnel, conduit directement le film vers la mollesse. Ce défaut n’est pour une fois pas imputable à la mise en scène de Régis Wargnier, peut-être trop soignée et calme pour rendre palpables les conditions de détention misérables que le protagoniste a dû subir pendant un certain temps. Il prend son origine dans une structure scénaristique truffée de problèmes, qui s’improvise en grand fresque nostalgique, avant de se terminer sur une note si anodine, qu’elle nous aurait presque pris au dépourvu. L’envergure rachitique du récit-cadre ne justifie guère la réflexion sur la monstruosité cachée de l’adversaire. L’ambiguïté morale de ce dernier rejoint certes celle de sa proie, mais les outils cinématographiques pour les expliciter restent beaucoup trop frileux et réfléchis pour en faire un conte historique poignant.

 

Vu le 24 novembre 2014, à la Salle Gaumont - Louis Feuillade, en VO

Note de Tootpadu: