Smell of us (The)

Smell of us (The)
Titre original:Smell of us (The)
Réalisateur:Larry Clark
Sortie:Cinéma
Durée:88 minutes
Date:14 janvier 2015
Note:

A Paris, sur le parvis du Palais de Tokyo, un groupe de jeunes se retrouve tous les jours pour faire du skate et se défoncer. La plupart des garçons se prostituent, avec des clients masculins ou féminins qui ont au moins le double de leur âge. Alors que Toff filme leurs exploits avec sa caméra ou son téléphone, les amis Math et JP partagent leurs histoires sordides de gigolos.

Critique de Tootpadu

Ce n’est pas à 70 ans passés que l’on changera soudainement de point de vue sur le monde. Désormais septuagénaire, Larry Clark reste par conséquent fidèle à ses obsessions personnelles, qui portent exclusivement sur la jeunesse, souvent dévêtue mais jamais dénigrée. L’exil artistique en France n’y change pas grand-chose, puisque les adolescents de chez nous s’adonnent apparemment avec la même volupté trash à l’oisiveté lascive que leurs pendants américains. Pour dresser un résumé préliminaire de The Smell of us : on y voit un groupe de jeunes gens gâtés céder à tous les vices, des jeux sexuels aux drogues en tout genre, en passant par un vandalisme gratuit et l’exercice passagère du skate. A première vue, le film s’inscrit donc dans la continuité des œuvres scabreuses précédentes de Larry Clark, toujours sur le même ton de la provocation, qui montre beaucoup, mais qui ne dit rien sur les implications plus larges du nihilisme de cette adolescence perdue.

Le malaise existentiel des personnages reste en effet tangible, en dépit de leur froideur sentimentale manifeste. Il n’y a qu’un seul parmi eux pour qui les rapports avec ses proches relèvent d’autre chose que d’une mécanique érotique dégradante, c’est JP, qui est amoureux de son ami Math. Sauf que ce dernier, la gueule d’ange de service, devient de plus en plus apathique, au fur et à mesure de se rendre compte que ce rôle du « petit garçon » qui se laisse faire ne mène nulle part. Ce n’est qu’un des aspects de la déchéance qui s’empare globalement du groupe, déjà trop abruti à l’intérieur pour y réagir d’une façon constructive ou au moins créative. Le seul moyen d’expression de cette génération pervertie par la facilité est de perpétuer le modèle de la destruction vécu auparavant par les adultes, montrés ici sous un jour très défavorable. Or, il n’en résulte que de la stérilité, comme ces enregistrements incessants par Toff, qui enrichissent tant soit peu la palette esthétique du film, mais dont on ne voit aucune autre utilité.

Enfin, nous sommes ressortis de ce film avec un sentiment distinct de saleté, comme si nous étions cette loque humaine de Rockstar sur le corps allongé duquel les jeunes font leurs acrobaties au début du film. Le seul mérite du cinéma de Larry Clark est en effet de titiller nos instincts les moins avouables pour nous mettre face aux côtés déplaisants de l’humanité. Dommage que cette démarche de trublion dépravé passe par une forme narrative si éprouvante. Car si on enlevait du film tous les gros plans de corps nus, il n’en resterait pratiquement plus rien. Au mieux, on peut y voir un rapport artistique décomplexé avec la sexualité masculine, puisque la caméra s’attarde bien plus souvent sur les garçons que sur les filles. Au pire – et hélas plus probablement –, il s’agit de l’expression répétitive, car obsessionnelle, d’une lubie de vieillard, qui dispose certes d’un talent visuel, mais qui le met au profit de ses fantasmes à l’antipode de la bienséance et d’un érotisme désirable.

 

Vu le 25 novembre 2014, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: