Charlie's country

Charlie's country
Titre original:Charlie's country
Réalisateur:Rolf de Heer
Sortie:Cinéma
Durée:108 minutes
Date:17 décembre 2014
Note:

Le vieux Charlie habite seul dans un petit abri de fortune dans une réserve d’aborigènes. Il s’accommode tant bien que mal de cette existence régulée par les blancs, qui n’a plus rien à voir avec le mode de vie traditionnel de ses ancêtres. Faute d’obtenir une maison rien que pour lui, Charlie rêve de repartir dans le bush. La confiscation de ses armes par la police locale lui fait franchir le pas.

Critique de Tootpadu

Le fait de vieillir n’est marrant pour personne, peu importe le milieu et la culture dont on est issu au moment d’entamer la dernière partie de sa vie. Il s’agit invariablement d’un lent déclin vers la mort, physique ou mentale, qui peut dans le meilleur des cas revêtir l’habit trompeur de la sagesse et de la nostalgie. Que ce mouvement universel de régression soit animé par un humour libérateur est par contre beaucoup plus rare. Dans toute sa tristesse et sa résignation, ce film australien se démarque par un esprit frondeur, qui trouve toujours une bouée de sauvetage comique même dans les moments les plus désespérants. Ainsi, la plupart des défaites de Charlie contre un système conçu pour le museler et l’enfermer dans un conformisme enfantin à la civilisation occidentale sont ponctuées par de brefs sursauts de dérision. Cet ancien guerrier, condamné à une existence sous assistance vitale par une politique australienne, qui sait uniquement tenir en tutelle la population autochtone du pays, s’amuse presque à multiplier les pieds de nez pour narguer justement ce statu quo en sa défaveur.

Pour chaque blague savoureuse de vieillard, comme le constat que les braconniers ont beau avoir perdu leur proie, cette dernière ne tardera pas à infester le poste de police, Charlie’s country porte également un regard rempli de compassion sur cet homme qui fait sciemment fausse route. Car le scénario n’est guère agencé sous forme d’un récit édifiant, à l’exception de la toute dernière partie. Il s’emploie davantage à promouvoir une forme de résistance et de désobéissance civile, qui ne produit aucun résultat palpable autre que la mise en évidence de l’absurdité du modèle répressif australien. Le personnage principal y agit avant tout comme le vestige encore passablement digne d’une culture aborigène, solidaire et attachée à des valeurs ancestrales, qui manque cruellement de repères dans son rapport de force inéquitable avec une population blanche, qui se croit depuis longtemps chez elle. La polémique s’y propage avec une certaine insistance, notamment parce que tous les personnages blancs y sont décrits au mieux comme des hypocrites, au pire comme des occupants sans scrupule. Or, rien que la prise de position sans réserve de la part de la narration en faveur de la cause aborigène dénote positivement dans le cadre d’une cinématographie nationale qui ne s’en préoccupe plus tellement.

Enfin, l’esthétique visuelle employée par le réalisateur Rolf De Heer est sensiblement moins contemplative que dans son dernier film sorti en France, il y a huit ans déjà. Le noir et blanc soigné d’alors est remplacé ici par des couleurs chaudes, qui ne visent cependant pas à enjoliver artificiellement le destin éprouvant de Charlie. La perspective frontale de la caméra y participe plutôt à embrasser sans trop de préjugés la route semée de détours d’un homme, qui – même à son âge avancé – n’a pas perdu une certaine rage de vivre. Celle-ci s’exprime avec une conviction jamais prise en défaut par le biais du jeu naturel de David Gulpilil, ce porte-parole filmique de son peuple depuis plus de trente ans, qui porte une fois de plus toute la noblesse bafouée des siens sur ses maigres épaules.

 

Vu le 8 décembre 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu: