Queen and country

Queen and country
Titre original:Queen and country
Réalisateur:John Boorman
Sortie:Cinéma
Durée:115 minutes
Date:07 janvier 2015
Note:

En 1952, le jeune Bill Rohan est appelé pour effectuer deux ans de service militaire. Alors que ses camarades partent sur le front de la guerre de Corée, Bill et son meilleur ami Percy restent en Angleterre, pour y devenir des instructeurs improbables de dactylographie. Leur quotidien de soldats planqués pourrait être des plus doux, s’il n’y avait pas leur supérieur, le psychorigide sergent-major Bradley. Heureusement, Bill trouve une distraction amoureuse en dehors du camp, en la personne de l’énigmatique Ophélia, rencontrée lors d’un concert.

Critique de Tootpadu

La guerre de Corée n’a pas été plus absurde ou cruelle qu’une autre. On y mourrait par milliers dans la même logique cynique qui est à l’origine de chaque conflit armé d’envergure. Et pourtant, ce chapitre presque secondaire de la Guerre froide est surtout resté présent dans la mémoire collective grâce au film MASH de Robert Altman et à la série à succès qui en est inspirée. L’esprit irrévérencieux des aventures d’un camp de médecins hauts en couleur souffle aussi en quelque sorte sur ce retour en beauté de John Boorman, quoique avec un spleen forcément plus anglais. Ainsi, Queen & country joue sur plusieurs tableaux – le récit autobiographique, la satire de guerre, le conte romantique – avec une aisance et une vivacité d’esprit, qui nous rappellent avec éloquence à quel point son réalisateur mérite la place de choix, injustement recouverte d’une légère couche de poussière, qu’il occupe au sein de la cinématographie britannique.

Conçue dans la continuité temporelle de Hope & glory, même si près de trente ans séparent les deux films, cette histoire sur le service militaire de John Boorman affiche une cinéphilie mesurée. Elle ne se lance point dans une déclaration d’amour frénétique au cinéma dès le plus jeune âge du protagoniste, comme a pu le faire Agnès Varda pour Jacques Demy dans Jacquot de Nantes. Les références au Septième art sont cependant nombreuses, y compris le dernier plan, qui pourrait nous donner l’espoir que Boorman va suivre l’exemple de feu Youssef Chahine et mettre désormais en scène sa propre vie de cinéaste, s’il n’était pas déjà octogénaire. Néanmoins, la nostalgie de ses années d’apprentissage rocambolesques ne relève nullement du chant de cygne solennel. Elle s’inscrit davantage dans le même genre de lucidité espiègle, qui avait rendu son enfance en temps de guerre si attachante.

De la guerre, on n’en voit ici que le monstre bureaucratique, qui administre mollement et surtout inefficacement les batailles loin de la mère patrie. L’humour cinglant qui tourne en dérision la hiérarchie militaire et son règlement ahurissant trouve un pendant romantique pas moins savoureux sous forme du coup de foudre que le personnage principal éprouve pour une femme qui lui est en fin de compte inaccessible. Mais là encore, la narration fait preuve d’une remarquable élégance pour ne pas trop insister sur le côté mélodramatique de l’affaire. Elle reste ainsi fidèle à un regard rétrospectif, qui ne regrette strictement rien, même pas le fait que ces années folles sont définitivement révolues et que ce nouveau signe de vie de la part de John Boorman pourrait bien rester le dernier. Espérons qu’il n’en sera rien et que cette comédie douce-amère sera pour lui le point de départ fulminant d’une deuxième ou troisième partie de carrière, digne de la longévité d’un Manoel De Oliveira !

 

Vu le 10 décembre 2014, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: