Titre original: | Affaire SK1 (L') |
Réalisateur: | Frédéric Tellier |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 120 minutes |
Date: | 07 janvier 2015 |
Note: |
En 1991, le jeune inspecteur Franck Magne prend ses fonctions au bureau de Carbonel, à la police judiciaire à Paris. Comme tous les nouveaux de la brigade criminelle, il doit éplucher les affaires non résolues du bureau, afin d’aborder d’un œil neuf des crimes jamais élucidés. Magne s’intéresse surtout au cas de Pascale Escarfail, une jeune femme violée et sauvagement assassinée quelques mois plus tôt. Malgré de nouvelles pistes, son enquête n’aboutit à rien, jusqu’à ce que d’autres meurtres au mode opératoire semblable laissent supposer qu’il s’agirait d’un tueur en série.
Comment appréhender une série de crimes abominables et le monstre qui l’a commise, sans tomber dans le piège de la diabolisation primaire ? Le premier film de Frédéric Tellier tente de répondre à cette question à travers une composition triangulaire de personnages. Cette dernière s’avère en fin de compte plus ou moins pertinente et efficace, voire bancale. Elle réussit toutefois à distiller le malaise certain qu’inspirent ces meurtres sauvages, grâce à une variété de points de vue complémentaires. Tandis que celui de l’assassin lui-même est curieusement le plus anodin d’entre eux, celui du jeune fonctionnaire de police, qui fonde sa réputation sur son entêtement à résoudre une affaire jugée trop opaque par ses collègues, trouve un contrepoint pas sans intérêt sous forme de l’approche circonspecte de l’avocate, qui accepte de défendre l’indéfendable. Ni l’un, ni l’autre ne correspond au cliché du flic vertueux ou du défenseur dépourvu de scrupules : une petite différence qui constitue la qualité principale de L’Affaire SK1.
Car le suspense est maintenu d’une manière un peu trop artificielle, à notre goût, dans cette histoire qui avait défrayé la chronique il y a vingt ans. Le problème de la notoriété de l’accusé et des faits qui lui sont reprochés est contourné par la narration à travers une structure en parallèle, qui se soldera de part et d’autre par les aveux plus ou moins larmoyants de l’assassin. Ce n’est donc pas tellement la conclusion – connue a priori d’avance car de notoriété publique –, qui importe ici, mais la méthode de travail, policière et judiciaire, pour y parvenir. A ce niveau-là, le récit emploie une remarquable neutralité de propos, qui confère au travail presque terne dans les bureaux exigus sous les combles du 36 quai des Orfèvres et devant le tribunal du Palais de justice avoisinant une étonnante sobriété. Les émotions des proches des victimes et les frustrations enrageantes des enquêteurs n’y sont que rarement exprimées. Ce qui compte davantage, ce sont la hargne usante de Magne et la posture dubitative de l’avocate Pons, toutes les deux des manifestations poignantes de l’incapacité des agents de notre système légal d’enrayer la barbarie.
En somme, derrière sa façade d’une énième reconstitution de faits divers sanglants issus de l’Histoire récente, ce film fait tranquillement honneur au genre du policier. Il en use adroitement les codes, tout en ne perdant jamais de vue la pesanteur d’un quotidien, à l’héroïsme quasiment inexistant, mais ponctué par d’incessants dilemmes moraux. L’ensemble très solide de comédiens, de Raphaël Personnaz à Nathalie Baye, en passant par Olivier Gourmet et William Nadylam, contribue sans fausse pudeur à ce constat accablant sur la lenteur et l’efficacité toute relative d’un appareil judiciaire français, toujours en retard sur l’imagination machiavélique des assassins.
Vu le 15 décembre 2014, à la Salle Pathé François 1er
Note de Tootpadu:
Note de Mulder: