Interview qui tue (L')

« Have fun with the war » 

Dave Skylark 

 

Rares sont les films qui ont défrayé la chronique longtemps avant leur sortie en salles. Le nouveau film du tandem Evan Goldberg et Seth Rogen (C’est la fin (2013) a provoqué longtemps avant sa sortie les foudres de laa Corée du Nord et surtout est à l’origine d’une contre-attaque informatique le 24 novembre dernier orchestrée par un groupe de pirates (GOP – Guardians of Peace) en représailles à la sortie annoncée en salles aux Etats-Unis. Sony Pictures Entertainment a donc dû annoncer que la sortie du film annoncée pour 25 décembre 2014 allait être annulée pour éviter tout acte terroriste puis s’est rétracté en proposant ce film que dans un nombre limité de salles et surtout en VOD au Canada et aux Etats-Unis sur Google Play, YouTube et Microsoft Xbox. 

 

Le film satirique aux Etats-Unis a toujours su trouver sa place quitte à se provoquer les foudres de certains mouvements. En découvrant L’interview qui tue (son titre américain est nettement plus sobre The Interview), on repense ainsi au film de Charlie Chaplin Le Dictateur (1945) mais également à des films plus récents comme Team America police du monde (2005) qui parodiait quant à lui Kim Jong Il. Le scénario du film est assez simpliste vu qu’il traite d’un animateur d’un talk-show racoleur (Dave Skylark / James Franco) et de son producteur (Aaron Rappaport / Seth Rogen) qui se voient accorder la possibilité d’interview un dictateur et se retrouvent par la même occasion impliqués dans un complot de la CIA pour l’assassiner. Après une présentation sommaire des deux personnages principaux et de leur émission dans laquelle on croisera dans leur propre rôle Eminem (qui avoue son homosexualité), Rob Lowe (sa calvitie) et Joseph Gordon-Levitt (ses chiens), le film envoie ses deux personnages en Corée.

 

Les trois scénaristes Evan Goldberg, Seth Rogen et Dan Sterling ont réussi à créer avec le personnage interprété par James Franco, Dave Skylark une parodie très réussie de ces talk-shows plus proches de la ligne rédactionnelle de journaux people que d’un vrai journalisme d’investigation. Ce personnage nous rappelle par l’accentuation de certains de ces postures et de son esprit assez simpliste  le personnage de Les Grossman producteur prêt à tout du film Tonnerre sous les tropiques (2008). Le comédien James Franco prend un vrai plaisir à incarner ce personnage et surtout l’a repris dans une émission diffusée en aout dernier sur MTV Today Dave Skylark's Very Special VMA Special (https://vimeo.com/104052297). 

 

Le film aurait pu connaître une sortie traditionnelle s’il ne caricaturait pas un des plus grands dictateurs actuel en nous en proposant son portrait plus vrai que nature. Un personnage se croyant irréprochable et comme ici montré dans le film de manière assez réaliste et comme un passionné de voitures de courses et même de char, écoutant Katy Perry (titre Firework). Le choc de deux mondes, de deux cultures va permettre au film de trouver sa tonalité entre film d’espionnage et comédie culte à la ZAZ (Top Secret!).

 

Alors que les comédies américaines ont plutôt tendance à s’ancrer vers une direction aseptisée au possible et pouvant plaire à tous, les scénaristes nous proposent ici une successions de dialogues savoureux parfaitement amenés et partis pour devenir culte. Ces comédies ont également une durée mécanique de quatre-vingt-dix minutes alors que L’interview qui tue tient pratiquement sur deux heures sans aucune perte de rythme. Les scènes baignées dans un humour débridé à l’image de celle du char, de la partie de basketball et de l’interview finale tout simplement irrésistible. A cela rajouter des citations multiples à la première trilogie du Seigneur des anneaux dont le personnage de Dave Skylark est un fan absolu et vous aurez tout simplement une des meilleures comédies américaines vues depuis trop longtemps. On pourrait presque arriver à penser que pour ce film c’est un devoir patriotique pour chaque spectateur  de le voir et ainsi défendre la liberté d’expression. 

 

Si vous avez aimé la folie du film C’est la fin, premier essai très réussi. Vous ne pourrez qu’apprécier ce film interprété parfaitement par un duo de comédiens irrésistibles et fonctionnant parfaitement. Ce film aurait mérité une sortie en salles et non un simple direct vidéo car il s’agit d’une comédie satirique et non d’un tract pro américain comme l’a perçu la Corée du Nord.

 

Vu le 27 décembre 2014 en VOD et en VO