Merveilles (Les)

Merveilles (Les)
Titre original:Merveilles (Les)
Réalisateur:Alice Rohrwacher
Sortie:Cinéma
Durée:111 minutes
Date:11 février 2015
Note:

Dans un village en Ombrie, c’est la fin de l’été. Gelsomina vit avec ses parents et ses trois jeunes sœurs, dans une ferme délabrée où ils produisent du miel. Volontairement tenues à distance du monde par leur père, qui en prédit la fin proche et prône un rapport privilégié à la nature, les filles grandissent en marge. Pourtant, les règles strictes qui tiennent la famille ensemble vont être mises à mal par l’arrivée de Martin, un jeune délinquant accueilli dans le cadre d’un programme de réinsertion, et par le tournage du « Village des merveilles », un jeu télévisé qui envahit la région.

Critique de Balrog

Née en Italie, Alice Rohrwacher est une jeune réalisatrice à qui l’on doit son premier film notable, « Corpo Celeste ». Présenté à la quinzaine des réalisateurs lors du Festival de Cannes en 2011, ce film est récompensé par le « Nastro d’Argento » et sort sur nos écrans la même année. De retour, au Festival de Cannes 2014, la réalisatrice présente « Les Merveilles » qui est nominé, et reçoit le « Grand Prix ». Avec seulement deux films, on constate déjà que Alice Rohrwacher se concentre et s’engage dans un cinéma très intimiste. Elle consacre toute son énergie pour dépeindre avec attention le milieu sociétal d’une Italie au cœur de laquelle elle a grandi. Elle pose un regard juste et inquiétant d’une société bancale où l’enfance représente une étape difficile.

L’histoire de « Les Merveilles » raconte l’errance de Gelsomina, fille aînée d’une famille marginalisée dans un cadre rurale rustique, qui plus est vétuste. Le personnage de Gelsomina (interprété par Maria Alexandra Lungu) aspire à autre chose qu’à l’isolement social qu’impose le patriarche à toute la famille. Maria Alexandra Lungu joue avec justesse et avec un naturel presque emphatique son personnage qui cherche ce qui pourrait la soustraire à son quotidien. Tous les autres personnages sont joués avec justesse et incarnent sans détour le caractère profondément authentique d’une famille vivant en autarcie. Le film est emprunt d’une atmosphère pesante et d’une mise en scène si réelle que le tout participe à ce qui pourrait être un tableau autobiographique d’une famille lambda existante au cœur de la Ombrie. Alice Rohrwacher connait bien la campagne italienne décrite dans ce film avec une volonté de préserver le rapport à la nature, aux plaisirs simples et à l’éloignement du monde urbain.

Dans son cinéma, la réalisatrice Alice Rohrwacher éprouve le travail d’acteur et les aide à retranscrire aux mieux leurs personnages. Par exemple, le personnage de Gelsomina aide son père apiculture à fabriquer le miel. C’est pourquoi les acteurs ont appris les bons gestes de l’apiculture pour les besoins du film. J’ai été sensible au travail réalisé en amont pour coller à la réalité des personnages. Tout comme le jeu d’acteur, l’image colle à la réalité. Il n’y a pas de filtres, de saturation de couleur et autre effet superfétatoire. Le spectateur est basculé d’un plan à un autre et sous le l’œil avisé d’Alice Rohrwacher la caméra s’attarde sur les personnages pour renforcer leur expressivité. « Les Merveilles » est le genre de film où le rôle du spectateur est de comprendre la détresse émotionnelle de Gelsomina sans quoi il risque de passer à côté. Pour accompagner cette démarche, la vie de la jeune ombrienne va être bouleversé par l’arrivée d’un jeune délinquant nommé Martin en programme de réinsertion et le tournage d’une télé réalité dans le village de la Ombrie. Ces deux évènements ont pour rôle de mettre en exergue l’errance de la jeune Gelsomina et de l’emmener sur le chemin de la différence, d’être une personne moralement libre. Ce qui aide la jeune fille à croire que la vie n’est pas qu’affaire de famille et de réclusion marginalisée.

Cependant, ce qui aurait du être un révélateur ou une audacieuse tournure scénaristique n’est qu’une force invisible. Gelsomina n’est assurément pas portée par les évènements. Le film conserve la même tonalité du début à la fin et sans décoller véritablement. Est-ce une volonté d’Alice Rohrwacher ou une mise en scène incomprise pour ma part ? J’attends la montée en puissance mais le film ne décolle jamais. La démarche est forte intéressante mais le film souffre d’une langueur monotone qui épuise la curiosité du spectateur jusqu’au bout. « Les Merveilles » ne parvient pas à creuser l’écart pour comparer les différentes étapes du film. L'histoire de la télé-réalité et l'arrivée du jeune Martin ne suffisent pas à alerter le spectateur, malgré quelques moments d'une frêle poésie.

 

Vu au Club de l’étoile, le mercredi 7 janvier en VO

Note de Balrog: