Birdman

Birdman
Titre original:Birdman
Réalisateur:Alejandro Gonzalez Iñarritu
Sortie:Cinéma
Durée:119 minutes
Date:25 février 2015
Note:

À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego… S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir... 

Critique de Balrog

Alejandro González Iñárritu est un réalisateur mexicain éprouvé dont les réalisations ne cessent de marquer les esprits depuis ces quinze dernières années. Ce réalisateur mexicain a contribué au 7e art avec quatre films au succès international : Amours chiennes (2000), 21 grammes (2003), Babel (2006), Biutiful (2010). Iñárritu présente son cinquième film : Birdman. Dans ce film, le spectateur suit le récit de Riggan Thomson, un acteur déchu. Connu pour avoir incarné un super-héros nommé Birdman, il espère retrouver sa gloire passée. Alors qu’il monte une pièce de théâtre à Broadway non sans heurts et conflits personnels et professionnels, Riggan Thomson devient la proie de ses démons intérieurs.

Birdman s’impose par une vision théâtralisée émergeant à la fois du scénario et de la mise en scène. Face à une relation évidente entre le cinéma, le théâtre et une construction narrative filmée en huis-clos, Alejandro González Iñárritu privilégie un long plan séquence sur la presque totalité du film. Il se produit alors une ambiance haletante, parfois angoissante pendant près de deux heures. Le réalisateur focalise notre regard sur les coulisses alambiquées d’un théâtre qui s’impose comme une cartographie du cerveau où chaque personnage devient une connexion. Riggan Thomson est un personnage torturé et hanté par un passé qui ne lui laisse que peu de répit. L'aspect narratif et la mise en scène marquent brillamment l'état psychologique du personnage principal. Birdman réussit sur le plan artistique à dépeindre le parcours tourmenté et parfois soumis du personnage de Riggan Thomson. La caméra capte l’intensité du récit à la manière d’un théâtre classique selon les unités de lieu, d’action et de temps. Et bien que les heures et les jours passent, Iñárritu filme avec astuces les évènements de manière à ne créer qu’une seule unité de temps pour se perdre davantage.

Les performances d’acteurs reposent sur un casting soigneusement bien pensé (Edward Norton, Naomi Watts, Emma Stone, Andrea Riseborough, Zach Galifianakis...). Outre le talent des acteurs dirigés par une main de maître, le film est porté par une interprétation exceptionnelle de Michael Keaton. Le rôle de Riggan Thomson est taillé sur mesure pour cet acteur qui a coutume de jouer des personnages déjantés (Beetlejuice – 1988), torturés (Batman – 1989), ou de psychopathes (Fenêtre sur Pacifique – 1990, L'Enjeu – 1998). Michael keaton est vraiment bon car son personnage dénote un caractère prépondérant et fragile à la fois. La maturité et le charisme de l’acteur forcent l’admiration. Son personnage déambule dans le cadre parfois oppressant qu’offre le décor exigu et sombre du théâtre. Le personnage est pris en étau entre la projection récurrente de sa gloire passée (Birdman) et de ce qu’il aspire à être. Le réalisateur n’hésite pas à utiliser quelques effets surnaturels pour semer le doute dans l’esprit du spectateur. Sans être redondant, cela fonctionne parfaitement bien, car il se dégage du film une ambiguïté frustratrice. Qui est vraiment Riggan Thomson ? Quel mystère entoure ce personnage ? Est-il vraiment doté de pouvoir fabuleux ? Un mystère qui puise toute l’énergie dans une mise en scène qui n’est pas sans évoquer l’imaginaire de l’étrange et du fantastique dans les grands classiques du genre comme Iñárritu le suggère si bien en arrière-plan avec le fantôme de l’opéra.

Dans une époque où le cinéma nous berce de grosses productions sur les super-héros, Alejandro González Iñárritu détourne un concept poussif pour dompter une dimension plus intimiste. Birdman n’est pas un film de super-héros, mais un drame baroque introspectif qui flirte avec un aspect fantaisiste qui n’entache jamais la bonne compréhension et l’intérêt du film. À côté de cela, Iñárritu parvient à semer le doute jusqu’au bout. Si Birdman mérite un regard attentif, il convient de dire que son rythme et sa mise en forme risque de déplaire aux néophytes, car Birdman mélange efficacement les genres classiques dont le film s’inspire. Alejandro González Iñárritu prouve une fois de plus qu'il est l'un des réalisateurs les plus doués de sa génération. Birdman a obtenu six récompenses dont le Golden Globes 2015 du meilleur scénario.

Vu le jeudi 22 janvier 2015 au Club de l'étoile en VO

Note de Balrog:

Critique de Mulder

De nombreux films ont proposé une analyse des studios américains ou  sur le métier de comédiens dans notre société actuelle (notamment l’excellent The Player de Robert Altman (1992)). Il en ressort pour la plupart du temps une volonté de supprimer toute forme de magie souvent associée à cet art pour dresser un état plutôt inquiétant ou intéressant de la manière dont Hollywood est passée d’une manière de concevoir ses films sous un angle artistique à une industrie lourde reposant sur une approche marketing aiguisée. Dans une telle industrie certains comédiens après avoir interprété un rôle mémorable semblent ne plus trouver leur place dans un tel modèle. Le réalisateur et coscénariste Alejandro González Iñárritu (21 grammes (2003), Babel (2006)) épaulé par Nicolás Giacobone, Alexander Dinelaris et Armando Bo partent ainsi de la nouvelle de Raymond Carver publiée en 1981, Parlez-moi d'amour (What We Talk About When We Talk About Love) pour nous livrer une étude puissante du métier d’acteur et du cinéma américain proposant sans cesse de nouvelles suites à des films de super héros certes très réussies mais manquant par moment d’originalité.
 
Le personnage Riggan Thomson a été plusieurs fois au cinéma Birdman, un super héros. En abandonnant ce rôle, il a pourtant continué à l’habiter comme un costume taillé sur mesure que nous ne pouvons plus quitter. En tentant un come-back, il décide de monter sa propre pièce de théatre à Broadway afin de regagner les faveurs de son public. Ce film nous présente donc cet homme marqué par l’un de ses rôles qui va se retrouver confronter à son passé, à ses collaborateurs et à son ex-femme et leur fille.  Birdman tient pratiquement du miracle par sa volonté de ne pas vouloir à tout prix plaire. Le réalisateur nous montre dans son film l’envers du décor, la vraie image de certains comédiens. Ce n’est donc pas un hasard de retrouver Edward Norton qui se fait un malin plaisir à jouer de son image réelle pour interpréter un comédien aussi impressionnant que totalement incontrôlable (Mike Shiner). On retrouve également dans d’excellents seconds rôles Zach Galifianakis, Emma Stone et Naomi Watts. Leur plaisir de jouer des rôles consistants se ressent à chacune de leur apparition. 
 
Le réalisateur Alejandro González Iñárritu profite de ce film pour traiter intelligemment des sujets qui lui tiennent à cœur, notamment la question de la célébrité et de l’image fausse que peut donner le cinéma des comédiens. Il explore ici avec brio la thématique de l’illusion. Que cela soit le personnage de Riggan Thomson pensant avoir des super pouvoirs , ou de l’utilisation massive des réseaux sociaux pour donner un autre sens à certains faits ( la scène dans laquelle Riggan traverse en sous- vêtement une partie de Boadway est un parfait exemple). Le réalisateur réussit également l’exploit de donner l’impression que son film est un seul et unique plan. Cette manière d’avoir un film en temps réel et de suivre son comédien principal en continuité est impressionnante et témoigne de l’attachement du réalisateur à privilégier autant l’écriture que la forme de son œuvre. On rentre ainsi dans les répétitions d’une pièce de théâtre, dans les coulisses de celle-ci. Le film devient donc l’instrument parfait pour connecter le cinéma et le théâtre et présenter un film magnifique et ambitieux.
 
Le film est surtout le moyen de retrouver l’un des meilleurs comédiens actuels, Michael Keaton. A lui seul, il justifie de découvrir le meilleur film à ce jour de Alejandro González Iñárritu. Sa longue collaboration avec Tim Burton (Beetlejuice (1988), Batman (1989), Batman le défi (1992)) et sa manière de préférer des films indépendants mais réussis (La Voix des morts (2004), The Last Time (2006)..) n’ont pas permis de lui laisser une place importante parmi les comédiens les plus suivis. Après ses deux participations à des films plus importants l’année dernière (Robocop (2014), Need for Speed (2014)) on retrouve donc ce grand comédien dans un rôle fait sur mesure pour lui et dans lequel il confirme son immense talent. L’association de Batman et Birdman n’est pas un hasard et ce comédien nous renvoie par son personnage à ces films de super-héros ayant apporté la gloire à des comédiens avant de les oublier en chemin. Cette gloire est souvent due en partie aux critiques de construire ou détruire une carrière. En cela le personnage interprété par Lindsay Duncan, Tabitha, traduit l’importance que porte le réalisateur et sa méfiance également envers les critiques.  Birdman montre bien que tout est interconnecté, les arts, les médias, les réseaux sociaux et que ceux-ci doivent pouvoir s’exprimer librement.
 
Les prouesses du point de vue de la réalisation magnifiées par une post-production impressionnante nous interpelle autant qu’elles nous montre que les grands réalisateurs comme Alejandro González Iñárritu sont des précurseurs dans notre cinéma de demain. De la même manière que la fin du film laisse une libre part à sa propre interprétation, une chose est définitivement sûre, le réalisateur est un surdoué et Michael Keaton mérite amplement son Golden Globe et part dans les favoris pour obtenir l’Oscar du meilleur comédien.
 
Vu le 22 janvier 2015  au Club de l’Etoile , en VO

Note de Mulder:

Critique de Marty

Qu'il est difficile de faire une critique d'un film que l'on n'a pas aimé alors qu'une partie de la presse comme des spectateurs est dithyrambique sur celui-ci. Il est encore plus difficile d'émettre un avis négatif sur un film qui vient d'être primer à quatre reprises lors des derniers Oscars (dont celui du meilleur film, celui du meilleur scénario et du meilleur réalisateur). Et pourtant, le dernier film d’Alejandro González Iñárritu est, à mes yeux, un navet incommensurable. Réalisateur des films chocs tels qu'Amours chiennes, 21 grammes, Babel et Biutiful, il est reconnu pour être un réalisateur de talents avec des acteurs au rôle aussi fort que difficile. Il marquera d'ailleurs son retour en 2016 avec The Revenant avec Leonardo DiCaprio et Tom Hardy. Un film déjà pressenti pour les Oscars... 

Birdman est-il un film autobiographique de la vie de Michael Keaton ? L'acteur a campé le premier Batman de l'histoire du cinéma (on n'oublie pas celui d'Adam West dans la série éponyme des années 60) et a disparu au fil du temps de la circulation pour être reléguer au statut de petits rôles dans Very Bad Cops avant de revenir en force dans le remake de Robocop en 2014. Le protagoniste principal est un acteur qui a campé un rôle de super-héros, oublié de tous, et qui revient sur le devant de la scène théâtrale avec une pièce à succès. Il est associé à un Edward Norton ; complètement barré ; un Zach Galifianakis ; méconnaissable depuis sa terrible perte de poids ; une Naomi Watts ; vieillissante mais toujours attractive et une Emma Stone ; fraîche, pimpante et adorable... comme toujours... 

Certes le travail technique et artistique lié au plan-séquence est exceptionnel mais le film (et ses récompenses) doit-il se résumer à ce plan ? Oui, Michael Keaton est immense dans le film, son rôle est sur-mesure, il lui colle à la peau comme son costume de Birdman (ou Batman en fonction de), ses crises de colère sont démentielles et il aurait, peut-être, mérité son Oscar du meilleur acteur (où il s'est d'ailleurs fait remarqué à l'annonce d'Eddie Redmayne pour son rôle de Stephen Hawkins, pour lequel il a l'Oscar du meilleur acteur). Bien sûr, je reconnais qu'Edward Norton y apporte une prestation à la hauteur de sa nonchalance habituelle et réitère ses prestations théâtrales qu'il avait proposé à Deauville lors de son passage, il y a quelques années ; comme je reconnais aussi que le casting est parfait pour le film et qu'il est difficile de pas être sous le charme d'Emma Stone ou celui de Naomi Watts, sans oublier cette ville incroyable qu'est New York et son quartier de Broadway. 

Oui, mais voilà... A mes yeux, le film s'arrête là. Durant les 120 minutes que composent Birdman, j'ai eu l'impression de subir le film plus que de le vivre. Les longueurs en sont insoutenables et le film devient très vite un calvaire. Pour preuve, séance de pleine journée un samedi, 30 personnes dans la salle, au bout d'une heure, nous n'étions plus que 15 et avons fini le film à 7... Birdman est un beaucoup de bruit pour rien. Un film neutre, ambiance feutré, long, pénible (...) qui n'offre que quelques secondes de plaisirs fantasmagoriques quand Birdman prend le relais. L'histoire est cousue de fil blanc, on voit venir la scène théâtrale finale dès la réplique d'Edward Norton et la métaphore finale sur l'envol de Keaton est un flop. 

Bref, Birdman rentre en première place de mon classement flop 2015. 

Vu au Pathé Conflans, le dimanche 01 mars, en salle 6, en VF.

Note de Marty: