American Sniper

“ My regrets are about the people I couldn’ save —Marines, soldiers, my buddies. I still feel their loss. I still ache for my failure to protect them.” “Just because war is hell doesn’t mean you can’t have a little fun.”
Chris Kyle – American Sniper

Le nouveau film de Clint Eastwood a récolté six nominations aux Oscar cette année (Meilleur film, Meilleur acteur, Meilleur montage, Meilleur montage de son, Meilleur mixage de son et Meilleur scénario adapté). Sur la base du livre autobiographique de Chris Kyle co-écrit par ce dernier et Scott McEwen et Jim DeFelice, le scénariste Jason Dean Hall a réussi à en capter toute l’essence. Initialement avant d’être réalisé par Clint Eastwood, le film devait l’être par Steven Spielberg. L’excellent accueil public et les critiques dithyrambiques en font le plus grand succès de Clint Eastwood en tant que réalisateur juste devant Gran Torino (2008).

Après avoir été longtemps un comédien aussi à l’aise dans des comédies, de films d’action et autres thrillers, c’est en 1971 qu’il passe devant et derrière la caméra avec le film Un frisson dans la nuit. Certains aspects de ce film rappellent en effet aussi bien Le maître de guerre (1986) que son diptyque Mémoires de nos pères / Lettres d'Iwo Jima (2006). Son approche réaliste de la guerre donne à ce film une version quasi documentaire et la violence de certaines scènes témoigne de l’engagement du réalisateur à coller au plus près à la réalité. Le portrait qu’il dresse de Chris Kyle commence dès l’enfance de celui-ci (une partie de chasse). Tireur d’élite, ce Navy Seal confirmé deviendra au fil des missions le meilleur rempart pour protéger les soldats. Au fur et à mesure qu’il devient une vraie légende comme sniper, il se déshumanisera et rencontrera des difficultés pour se réinsérer dans sa vie de famille. Le réalisateur se révèle une nouvelle fois aussi à l’aise pour filmer les scènes de vie ordinaire, le traumatisme persistant du personnage principal et les scènes de guerre.

C’est au comédien Bradley Cooper (Trilogie Very Bad Trip (2009-2013), Happiness Therapy (2012), American Bluff (2013)) que revient la lourde tâche d’incarner ce tireur d’élite. Aussi à l’aise dans une comédie qu’un film d’action et une dramatique, il se révèle ici être un excellent comédien s’effaçant totalement devant son personnage. Pour cette raison, le film s’impose comme une réussite exemplaire et comme une œuvre en plein cœur de l’actualité.

Le film nous présente donc une vision juste et patriotique des Navy Seals, des soldats ayant subi un entraînement lourd parfaitement montré dans le film et de leurs combats en zone de guerre en Irak. Si le film est porteur de polémique actuellement c’est dû à la violence des scènes de guerre et de la vision que le public a des snipers. Face à cette dure réalité, ni les soldats américains devenus de vraies machines à tuer ni les irakiens capables de faire tuer leurs propres enfants n’en sortent réellement vainqueurs. La vision du réalisateur est la même qu’un journaliste de guerre, c'est-à-dire montrant des scènes fortes que toute guerre est nécessairement lié à une volonté de survivre par les moyens. American Sniper est donc le film à découvrir d’urgence en salles. C’est également une nouvelle réalisation parfaite de l’un des derniers grands réalisateurs de l’âge d’or d’Hollywood.

Vu le 18 février 2015 au Gaumont Disney Village, Salle 02

Note de Mulder:

Agé de 84 ans, le réalisateur Clint Eastwood, ancien maire de la petite commune de Carmel (superbe, soit dit au passage), dévoile, en cette année 2015, son nouveau film, American Sniper. Le film s'inspire de la vie de Chris Kyle, ancien cowboy, reconverti en soldat d'élite après les attentats du 11 septembre. Après sa formation militaire, il intègre la respectueuse, et mondialement reconnue, institution des Navy SEALs. Il s'engage, par la suite, sur des zones de combats, dans lesquelles il obtient le statut de meilleur sniper de l'histoire américaine, avec des frappes à 2000 mètres (en réalité 1600m) et de très nombreuses victimes à son actif. Il est aussi connu pour avoir sauvé de très nombreuses vies américaines grâce à sa précision et son talent. L'homme aura passé 1000 jours sur le terrain et dévoilera une autobiographie déroutante sur ses actions et son combat. Ironie du sort, cette grande légende des SEALs sera abattue sur le sol américain alors qu'il intègre une association dédiée à l'aide aux vétérans... Au travers de son autobiographie, Chris Kyle ne s'était jamais imaginé être une légende ni être un surhomme. Il évoque, d'ailleurs, ces innombrables injections d'antidouleurs liées aux nombreuses blessures de guerres dont Eastwood ne fait pas allusion. 

Pour précision, les SEALs est la principale force spéciale de la marine américaine et elle est un peu plus connue que l'unité des Rangers, qui présente l'unité d'élite de l'armée de terre américaine. Les SEALs, c'est la crème de la crème. Connus pour leurs exploits, ils ne sont que très rarement représentés dans les films tant leurs missions sont secrètes et organisées pour n'obtenir que des succès. Rappelons, entre autre, leur importance dans le film Zero Dark Thirty, dans lequel on découvre le fonctionnement de cette élite et rappelons, par ailleurs, que l'excellent film Act of Valor de  Mike McCoy, disponible en VOD/DVD, présente admirablement les SEALs et plus généralement le réel fonctionnement des forces spéciales et surtout celui qui est le plus proche de ce qui se passe, réellement, sur le terrain. En aparté, précisons qu'en France, le film Forces Spéciales de Stéphane Rybojad est l'un des plus proches des actions terrains des unités françaises. 

Notre cher maître Yoda avait coutume de dire "Personne par la guerre ne devient grand" et pourtant Chris Kyle est une grande légende de la guerre, au même titre, entre autre que Winston Churchill, Napoléon ou De Gaulle. Des "guerriers", qui, dans leur domaine respectif, sont devenus des légendes dans l'art de la guerre ou du combat. Le rôle de sniper est l'un des rôles les plus difficiles des forces armées. Caché, esseulé et solitaire, ils ont pour mission d'une part de protéger les troupes alliées au sol en éliminant les cibles dangereuses, de protéger les populations locales des éventuels attentats et d'autre part de déloger les éventuels snipers adverses. Des points évoqués dans le film de Clint Eastwood et dans le roman autobiographique de Chris Kyle. 

Le film American Sniper nous propose une histoire sous deux axes. Le premier propose la partie militaire dans laquelle ce texan, part au combat pour l'honneur de son pays et de sa patrie bafouée par les attentats de 2001. On l'y voit grandir et s'affirmer dans ce rôle, en devenant la légende des tireurs d'élites de l'armée américaine. La seconde partie du film nous dévoile les relations familiales et les démons qui persistent lors de ses permissions. Le réalisateur s'attache à dévoiler un film fort et dévoile, peu à peu, les relations conflictuelles liées au stress post-traumatique des combats. Il ne s'attarde pas à évoquer des faits du livre comme les blessures, la violence qui l'anime, l'enfer de la guerre, son désir d'être sur le terrain pour en découdre et le plaisir de faire ce qu'il avait à faire...  

Côté casting, Clint Eastwood cible un acteur aussi prometteur que talentueux, Bradley Cooper. Celui-ci, nominé aux Oscars pour ce film, est impressionnant tant physiquement que techniquement. D'une part, il a augmenté sa masse physique pour avoir le profil des SEALs et d'autre part, il a travaillé sa tenue d'arme afin d'être aussi crédible que possible et pour rendre un hommage à Chris Kyle. Il n'a, certes, pas été récompensé cette année, aux Oscars, le film ayant apporté une certaine polémique, mais il rend hommage à l'autobiographie et pour le coup, à celle de Chris Kyle. Sienna Miller, quant à elle, se cale sur la relation qu'elle a entretenue avec la veuve de Kyle. En brune, elle dénote et offre une prestation plutôt honorable. On peut regretter, toutefois, l'absence des disputes qui éclatent dans le couple à la suite des traumas ou accès de colère. Le réalisateur s'attache à en montrer des tensions relativement inquiétantes mais tellement compréhensibles quand on connait l'univers de la guerre et la difficulté pour les vétérans de revenir à la vie de tous les jours. 

Clint Eastwood signe un film fort sur une légende des SEALs. Les scènes finales sont riches en émotion et en souvenirs puisque ce sont des images d'archives, sans musique, qui dévoilent l'intensité de la cérémonie et l'enterrement au cimetière militaire d'Arlington. Un film qui rend hommage à un soldat dont la légende perdure encore. Clint Eastwood s'appuie principalement sur le livre tout en exagérant certaines scènes dans le but de rendre le personnage plus mythique (par exemple, la scène d'ouverture avec l'enfant ou l'encerclement final qui n'a jamais existé). La polémique lancée par certains médias et politiques n'a que peu d'intérêt. Une fois n'est pas coutume, un film sur la guerre ou sur les armes fait polémique... dans un pays où les armes font des victimes tous les jours et où le lobby est tellement fort que personne ne peut s'y opposer. 

American Sniper n'est, certes, pas le film de l'année et Bradley Cooper ne méritait pas forcément l'Oscar suprême pour sa prestation, mais il a le mérite de rendre hommage à un des hommes de l'ombre des forces spéciales américaines. Le film était prévu avant l'assassinat de Chris Kyle et fait du hasard ou non, son assassin a été jugé, aujourd'hui, 25 février, et condamné à perpétuité pour son crime. Personnellement, j'estime, malgré quelques longueurs, qu'American Sniper est une franche réussite... 

Vu le 21 février 2015, au Pathé Conflans, en VF (salle 10)

Note de Marty: