Lost river

Lost river
Titre original:Lost river
Réalisateur:Ryan Gosling
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:08 avril 2015
Note:

Dans une ville qui se meurt, Billy, mère célibataire de deux enfants, est entraînée peu à peu dans les bas-fonds d’un monde sombre et macabre, pendant que Bones, son fils aîné, découvre une route secrète menant à une cité engloutie. Billy et son fils devront aller jusqu’au bout pour que leur famille s’en sorte.

Critique de Mulder

De nombreux comédiens expérimentés sont tentés un jour ou l’autre de passer derrière la caméra afin d’exorciser leurs démons intérieurs ou défendre une cause qui leur tient à cœur. Après Clint Eastwood (35 films à ce jour dont récemment American Sniper (2015) ), Kevin Costner (3 films dont Danse avec les loups (2003) ), Sean Penn (5 films dont Into the Wild (2007)), Dennis Hopper (7 films dont Easy Rider (1968)), Mel Gibson (4 films dont La passion du Christ (2004)) ou plus récemment Ben Affleck (3 films dont Argo (2012), il faudra maintenant inclure Ryan Gosling parmi ceux ayant réussi avec succès leur passage derrière la caméra. Ne cherchant pas forcément la simplicité, son premier essai se révèle être aussi original qu’envoûtant. Ainsi dans un quartier qui se meurt de la ville de Détroit, une mère célibataire Billy (Christina Hendricks) tente d’élever seule ses deux enfants et de garder leur maison malgré des dettes qui s’entassent. Son fils ainé, Bones (Iain De Caestecker) quant à lui doit tenir tête f à un personnage abject et incontrôlable, Bully (Matt Smith).

Loin de ces films des grands studios américains souvent pro formatés, Ryan Gosling préfère nous présenter des personnages attachants en proie à des forces maléfiques comme dans un conte urbain moderne. Cette famille monoparentale souvent présentée dans des films familiaux des années 80 et chers à Steven Spielberg (œuvres produites par le studio Amblin) se retrouve ici confrontée à un milieu naturel hostile (ville en ruine) mais aussi à des forces malfaisantes illustrées par ce club digne du Théâtre du Grand-Guignol. Son film à l’ambiance aussi malsaine qu’envoûtante nous rappelle par bien des aspects le cinéma de David Lynch (Eraserhead (1977), Twin Peaks: Fire Walk with Me (1992)..) mais aussi le cinéma horrifique de John Carpenter (Halloween, la nuit des masques (1978), Fog (1980)). On pense également au cinéma de Nicolas Winding Refn, Terence Malick et Guillermo Del Toro auxquels le réalisateur dédie son premier film. Pour maximiser cette ambiance, Ryan Gosling s’appuie notamment sur la photographie de Benoît Debie (Enter the void (2009), Spring Breakers (2012)) mais aussi sur la musique de Johnny Jewel (Drive (2011)). Le réalisateur semble ainsi nettement privilégié la forme qu’au récit pur et dur quitte à perdre une partie de son public. Nous sommes en effet loin des films qui ont fait la renommée de Ryan Gosling (N'oublie jamais (2004), La Faille (2007), Drive (2011).. Constamment Lost river semble montrer le pessimisme rare d’un comédien affecté par le fait que certains quartiers américains des grandes villes tentent à disparaître. Il est également difficile de donner une époque précise à son film. Volontairement le scénariste et réalisateur tente de brouiller les cartes à l’image de la grand-mère de Rat (Saoirse Ronan) interprétée par Barbara Steele symbole féminin du cinéma d’horreur des années 70.

Pourtant malgré la volonté de l’auteur de créer un espace vénimeux, le scénariste et réalisateur n’oublie en rien l’intrigue et joue constamment sur les contrastes. A l’image de l’innocence infantile représentée par le petit frère de Bones jouant avec le faux sang utilisée par le personnage de Cat dans son show macabre. Passionné par son projet, le réalisateur embarque avec lui un casting intéressant faisant notamment appel à des comédiens très hétéroclites allant de Reda Kateb (parfait dans le rôle d’un chauffeur de taxi) à des comédiennes donnant une réelle épaisseur à leurs caractères (Eva Mendes, Christina Hendricks, Saoirse Ronan). Saoirse Ronan découverte dans Lovely Bones (2009) et Byzantium (2012) représente à elle seule l’innocence bafouée d’une Amérique confrontée aux pires faiblesses humaines. La scène du rat entre son personnage et celui de Bully est représentative de la volonté du réalisateur de jouer constamment sur cette dualité humaine.

Certes imparfait par son rythme lent et un scénario manquant de piquant, le réalisateur Ryan Gosling semble avoir corrigé la première version de son film et celle que nous avons pu découvrir est plus courte d’une dizaine de minutes. Même si la durée du film renforce cette ambiance désirée par le réalisateur, il manque pourtant de scènes fortes autres que celles violentes et poétiques de ce théâtre macabre. Il semble également vouloir proposer le genre de films qu’il aimerait réellement découvrir au cinéma et qui a marqué son enfance. Il n’en oublie pourtant pas, loin de là, son expérience acquise auprès des réalisateurs avec lesquels il a travaillé. Il reste ainsi influencé par ses deux films avec le réalisateur Nicolas Winding Refn et cela se ressent tout au long de ce film. Brillant exercice de style, le film aurait gagné à reposer sur un scénario plus abouti. Il reste indéniable que pour un premier film le résultat est plus que recommandable et mérite réellement d’être découvert en salles pour en maximiser son efficacité.

Vu le 06 avril 2015 à la Salle Elysées Biarritz, en VO

Note de Mulder: