Knight of Cups

Knight of Cups
Titre original:Knight of Cups
Réalisateur:Terrence Malick
Sortie:Cinéma
Durée:118 minutes
Date:25 novembre 2015
Note:

« Il était une fois un jeune prince que son père, le souverain du royaume d’Orient, avait envoyé en Égypte afin qu’il y trouve une perle. Lorsque le prince arriva, le peuple lui offrit une coupe pour étancher sa soif. En buvant, le prince oublia qu’il était fils de roi, il oublia sa quête et il sombra dans un profond sommeil… » Le père de Rick lui lisait cette histoire lorsqu’il était enfant. Aujourd’hui, Rick vit à Santa Monica et il est devenu auteur de comédies. Il aspire à autre chose, sans savoir réellement quoi. Il se demande quel chemin prendre.

Critique de Mulder

Il y a matière dans le refus d’un cinéma traditionnel de Terrence Malick une volonté palpable d’anti-conformisme. Par-delà chacune de ses œuvres propose le véritable regard d’un réalisateur visionnaire cherchant constamment à tenter de nouvelles expériences quitte à donner un aspect élitiste et novateur à ses films . Chacun de ses sept films en quarante-deux ans de carrière (La Balade sauvage (1973), Les Moissons du ciel (1978), La Ligne rouge (1998), Le Nouveau Monde (The New World) (2005), The Tree of Life (2011), À la merveille (To the Wonder) (2012)) reflète totalement le perfectionnisme exacerbé d’un grand maître du cinéma nettement plus attaché à la force des images et à la volonté d’immersion plutôt qu’au scénario. Toujours fidèle à des thématiques qui lui sont chères telles la place de l’homme sur terre, la nature sauvage et la famille, son nouveau film ne déroge pas à celles-ci.

Comme dans ses films précédents, le réalisateur donne à la voix off du film une véritable importance. Celle-ci est omniprésente tandis que les personnages ont tendance à ne pas arriver à communiquer entre eux soit comme le personnage principal à chercher sa place parmi les siens. Peu de dialogues sont présents dans le film. Le réalisateur préfère créer une expérience cinématographique envoûtante et dérangeante par moment. Son approche quasi-documentaire de l’histoire racontée créé une réelle proximité entre les spectateurs et le personnage principal Rick. Celui-ci est un auteur de comédies à succès qui recherche réellement sa place dans la société. Tiraillé dans sa famille entre son père qui se sent responsable de la mort de son autre fils Billy, son autre frère Barry qui a quitté le Missouri pour tenter sa chance à Los Angeles, Rick ne trouve plus ses repères. Les nombreuses femmes qui ont partagé sa vie l’ont façonné au fils des années et l’ont inspiré. Loin de suivre un schéma traditionnel de comédies dramatiques, le film ressemble réellement à un rêve éveillé. Cette impression se ressent dans la manière de filmer un Los Angeles idyllique (studios de cinéma, Santa Monica, Venice Beach) et surtout qui semble vider de ses habitants par moments.

Par plusieurs côtés le cinéma de Terrence Malick nous rappelle celui de Stanley Kubrick. La beauté de plusieurs plans du film témoigne de l’attachement du réalisateur à donner à son œuvre le même éclat que certains tableaux de grands maîtres. Comme Stanley Kubrick, Terrence Malick est un directeur d’acteurs hors pair. Il donne à ceux-ci un espace réel d’improvisation et surtout le moyen de transmettre le meilleur d’eux-mêmes. Pour l’occasion de ce film, le réalisateur retrouve Christian Bale qu’il avait déjà dirigé dans le film Le Nouveau monde (2005) et bénéficie de la présence éphémère de grandes comédiennes pour les seconds rôles féminins (Natalie Portman, Cate Blanchett, Imogen Poots) mais aussi des comédiens Antonio Banderas, Jason Clarke, Wes Bentley et Brian Dennehy. Christian Bale une nouvelle fois parfait dans son personnage troque donc son costume de Bruce Wayne pour revenir à un personnage plus humain et plus faillible. Rick son personnage n’arrive pas à trouver le grand amour et même si Elizabeth (magnifique Natalie Portman) est enceinte de celui-ci, les doutes existentiels restent persistants.

En préférant rester dans un cinéma indépendant et malgré les demandes des grands studios que l’on sait très intéressé par son style, Terrence Malick préfère garder un contrôle total envers ses œuvres, choisir les personnages avec lesquels il souhaite collaborer et cela de manière très libre. Certes l’absence d’un scénario évolutif peut perturber un peu notre réception mais une fois cette nouvelle forme de raconter une histoire assimilée le film devient aussi addictif que bouleversant d’humanité. Le regard que porte le réalisateur sur Hollywood n’est guère flatteur en nous présentant des studios de cinéma vidés de toute vie (le film semble avoir été tourné aux studios Paramount) dans lequel le personnage principal ère et continue à réfléchir sur ce qui le motive réellement dans la vie. De la même manière le réalisateur semble nous montrer que l’homme s’éloigne de plus en plus de la nature et se perd ainsi dans des méandres obscures d’une vie monotone. Knight of Cups est donc non seulement un film intelligent, différent et soigné mais aussi un vecteur de réflexion sur notre devenir. Un film à découvrir d’urgence en salles.

Vu le 02 septembre 2015 à la Salle Metropolitan, en VO

Note de Mulder: