Visit (The)

M. Night Shyamalan fait partie de ces très rares réalisateurs et scénaristes à avoir pu créer leur propre univers et surtout marquer nos mémoires par des films inoubliables, intelligents et parfaitement écrits. Dès son troisième film Sixième sens (1999) il a pu réaliser un film audacieux et sensible. La formule qu’il appliqua avec succès (Incassable (2000), Le village (2004), La jeune fille de l’eau (2006)) ou non (Phénomènes (2008), Le Dernier maître de l'air (2010), After Earth (2013)) fait que chacun de ses films furent non seulement scrutés avec une extrême minutie mais aussi finirent par perdre de leur force. A la manière d’un magicien faisant le même tour, les spectateurs ne reçurent pas avec la même attente ses anciens films que ces nouveaux. Cela explique ainsi après l’échec que fut After Earth (2013) la volonté du réalisateur de tenter de nouvelles expériences à la télévision (l’excellente série Wayward Pines dont il signa le pilot) et de réaliser une production nettement plus modeste avec comme co-producteur Jason Blum (Blumhouse Productions).

The visit est non seulement le premier film pour lequel le réalisateur recourt à la technique du found footage mais également pour lequel il souhaitait revenir à un contrôle total sur son œuvre. Oubliant des œuvres de science fiction pure, il souhaite à travers ce film retrouver son genre de prédilection, celui d’un climat angoissant et intriguant. En plongeant ces deux jeunes enfants dans la Pensylvanie profonde, dans la ferme de leurs grands-parents qu’ils n’ont jamais rencontrés, il revient aux racines véritables du thriller. De la même manière, son scénario parfaitement élaboré qui tire partie des lieux réduits de l’action (la plupart des scènes du film se déroule dans cette ferme) provoque une réelle peur. Ne sachant pas si The visit est un énième film d’horreur avec maison hantée et autres monstres ou tout simplement un thriller horrifique, le réalisateur nous livre un de ces meilleurs films depuis Incassable (2000). The visit apparaît comme un hommage véritable à ces thrillers des années 60. On pense ainsi à plusieurs reprises au classique d’Alfred Hitchcock, Psychose (1960) et on ressent réellement de la peur pour ces deux jeunes enfants livrés à eux-mêmes face à ces deux vieillards à l’apparence calme.

On reconnaît ainsi une nouvelle fois les qualités de conteur du réalisateur et sa capacité à parfaitement diriger ses comédiens. Les deux jeunes comédiens inexpérimentés Olivia DeJonge et Ed Oxenbould sont très convaincants malgré le fait qu’il s’agit ici de leur premier film. Si le film est aussi réussi et arrive à nous faire oublier cette manière de filmer à peu de frais, c’est non seulement en partie à un scénario intéressant mais surtout à leur présence. Le réalisateur leur donne ainsi une réelle amplitude pour laisser place à leur naturel mais également donner de l’épaisseur à leur personnage. Jouant en permanence sur les apparences trompeuses, seul le dénouement final nous expliquera mieux la raison des agissements de ce couple de retraités. On ne vous en dira pas plus pour laisser intact le plaisir de découvrir une fin intéressante et digne de ce grand réalisateur.

The visit pourrait s’apparenter par son approche à une manière audacieuse,adulte et inquiétante de revisiter le conte Hansel et Gretel , à un simple film d’horreur mais à mieux regarder il s’agit plutôt d’un thriller nous permettant de voir différemment ensuite les personnages âgées et surtout de revenir à l’essence même des grands thrillers reposant sur des scénarios solides et non un déferlement d’effets spéciaux. On regrettera seulement une fin pas assez audacieuse que celle de ces précédentes œuvres. Malgré tout, The visit constitue un bel exercice de style, un retour aux sources d’un savoir- faire unique. Il s’agit du film simple et efficace d’un réalisateur ayant retrouvé intact le plaisir de créer un univers qui lui est propre.

Vu le 31 août à UGC ciné-cité Les Halles, salle 7 en VO

Note de Mulder: