Crazy Amy

Crazy Amy
Titre original:Crazy Amy
Réalisateur:Judd Apatow
Sortie:Cinéma
Durée:122 minutes
Date:18 novembre 2015
Note:

Depuis sa plus tendre enfance, le père d’Amy n’a eu de cesse de lui répéter qu’il n’est pas réaliste d’être monogame. Devenue journaliste, Amy vit selon ce crédo – appréciant sa vie de jeune femme libre et désinhibée loin des relations amoureuses, qu’elle considère étouffantes et ennuyeuses ; mais en réalité, elle s’est un peu enlisée dans la routine. Quand elle se retrouve à craquer pour le sujet de son nouvel article, un brillant et charmant médecin du sport nommé Aaron Conners, Amy commence à se demander si les autres adultes, y compris ce type qui semble vraiment l’apprécier, n’auraient pas quelque chose à lui apprendre.

Critique de Mulder

Parmi les nombreux films découverts lors du festival du cinéma américain de Deauville, l’un de mes préférés est bien le nouveau film du surdoué Judd Apatow. Ce grand cinéphile et passionné de cinéma a su retrouver toute la force des grandes comédies américaines des années 80. On pense ainsi fortement à Risky Business (1984), Un Fauteuil pour deux (1983), Quand Harry rencontre Sally (1989). Mais le film est surtout la rencontre entre une jeune comédienne formidable Amy Schumer et un réalisateur expert en comédie américaine intelligente et efficace. Ainsi pour la première fois, Judd Apatow n’écrit pas le scénario et adapte celui de cette comédienne qui y tient le rôle principal. La plupart des comédiens américaines sont écrites actuellement par des hommes et du point de vue de ceux-ci. La première grande qualité du film est la sincérité et la volonté de rester dans un réalisme concret. En oubliant des effets inutiles et surtout porté par des situations cocasses et des échanges vocaux plein d’ironie, le film trouve très rapidement son rythme et réinvente à sa manière toute simplement la comédie américaine.

Loin des carcans des tops modèles ornant de nombreuses comédies, le personnage d’Amy est une jeune américaine comme beaucoup d’autres. Comme sa sœur Kim (Brie Larson parfaite une fois de plus) elle est marquée dans son enfance par leur père qui les informe que la monogamie n’est pas une normalité en soi. La première scène du film dans laquelle leur père leur explique la conception de l’amour est non seulement jubilatoire mais également donne le tempo pour ce qui va suivre . Ainsi adulte, Amy tient à rester libre, à multiplier les conquêtes d’un soir tandis que sa sœur elle, a trouvé le parfait équilibre avec un homme divorcé et père d’une jeune enfant. Pourtant la rencontre que va faire Amy avec un jeune médecin du sport va non seulement lui donner à reconsidérer sa vie sentimentale mais aussi à revoir sa manière de vivre. Les nombreuses scènes du film permettent de retrouver des personnages parfaitement campés et une véritable ambiance de comédie à l’ancienne. Chaque remarque d’Amy provoque constamment une salve de rires caustiques et jubilatoires, sa manière de se comporter en société est également irrésistible. Le film oublie constamment et volontairement de rester dans le libre chemin des comédies aseptisées. Il ose parler ainsi crûment de sexe sans phare ni tabou mais tout en restant juste et non provocateur. On reconnaît ainsi toute la force du cinéma de Judd Apatow qui depuis son premier film culte 40 ans, toujours puceau (2005) permettait de dresser un constat réel de la société américaine des quarantenaires. On retrouvera le même ton dans les autres films écrits et réalisés par Judd Apatow (En cloque, mode d'emploi (2007), 40 ans : mode d’emploi (2012)).

Les comédiens Amy Schumer et Bill Hader sont issus du monde de la télévision et possède une véritable aura naturelle de comique. La première a ainsi commencé dans de nombreuses séries humoristiques (30 rock, Girls, Inside Amy Schumer) avant de trouver ici son premier rôle et de dévoiler une présence indéniable et un don digne des plus grandes comédiennes de stand-up. Il en est de même pour Bill Hader qui issu de l’émission culte Saturday night live a ensuite trouvé de nombreux seconds rôles solides dans des comédies (Hot rod (2006), En cloque mode d’emploi (2007), La Nuit au musée 2 (2009), Paul (2011)..). Le film fonctionne à plein régime par le couple que ces deux comédiens réussissent à créer. On retrouve ainsi la même force que ces buddy movies des années 80. Chaque scène du film leur permet de donner le meilleur d’eux-mêmes et de nous émouvoir et faire rire pleinement.

Derrière l’histoire principale contée se cache également une vision acerbe du cinéma indépendant. Le film ainsi que regardent Amy et Steven au cinéma, un film d’auteur en noir et blanc avec Daniel Radcliffe et Marisa Tomei semble montrer que le cinéma d’auteur est souvent vide, terne et ennuyeux et surtout surestimé. Cette manière de regarder le cinéma renforce les nombreuses scènes réussies du film qui elles semblent démontrer qu’un bon divertissement repose sur un scénario et des comédiens convaincants ayant matière réelle à jouer.

Certes la comédie Amy Schumer s’est construite via son scénario un rôle sur mesure mais il fallait la vision d’un réalisateur maîtrisant le rythme d’un film, sa portée réaliste et surtout la direction de comédiens pour la magnifier. A ce titre, la jonction de ces talents donne au film Crazy Amy une puissance comique tout simplement irrésistible. Le réalisateur a ainsi trouvé avec cette comédienne une liberté totale de ton et nous livre l’un de ses meilleurs films. Il en profite ainsi pour régler ses comptes avec cette presse américaine souhaitant donner à leurs lecteurs la manière de se comporter sans réellement la suivre. Il fallait donc oser le pari de vouloir casser les règles hollywoodiennes établies et trouver le juste mélange entre film d’auteur et un cinéma commercial.

Crazy Amy peut largement trouver une place de choix parmi les nombreuses comédies américaines proposées cette année. Drôle, frais et parfaitement interprété, le film est non seulement le tremplin parfait pour une carrière internationale pour Amy Schumer mais aussi un vecteur parfait pour repenser la platitude des comédies américaines actuelles. Pour cela, on ne peut que défendre ce film et attendre avec impatience novembre pour le revoir en salles

Vu le 12 septembre 2015 au CID, Deauville, en VO

Note de Mulder: