Asphalte

Asphalte
Titre original:Asphalte
Réalisateur:Samuel Benchetrit
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:07 octobre 2015
Note:

Un immeuble dans une cité. Un ascenseur en panne. Trois rencontres. Six personnages. Sternkowtiz quittera-t-il son fauteuil pour trouver l’amour d’une infirmière de nuit ? Charly, l’ado délaissé, réussira-t-il à faire décrocher un rôle à Jeanne Meyer, actrice des années 80 ? Et qu’arrivera-t-il à John McKenzie, astronaute tombé du ciel et recueilli par Madame Hamida ?

Critique de Mulder

Parmi les nombreux films traitant de la banlieue sortis en salles ces dernières années Asphalte du réalisateur Samuel Benchétrit est sûrement l’un des plus originaux et des plus attachants . Chacun des personnages principaux de cet immeuble qui tombe en ruine présente ses propres fêlures. Dès la première scène du film représentant une réunion de colocataire au sujet notamment d’un ascenseur en panne, le personnage Sternkowitz (Gustave Kerven parfait) personnifie cette volonté du réalisateur de dresser le portrait de gens atypiques. Les autres personnages sont également atypiques tels ce jeune adolescent Charly livré à lui-même et dont la mère semble avoir déserté leur appartement et encore le personnage de Madame Hamida représentative à elle seule de la richesse de cœur d’une étrangère confrontée à un moment difficile dans sa vie (son fils est en prison). Loin des comédies pré-formatées prêtes à être avalées sans discernement, Asphalte est une œuvre riche en sensations intelligente et reposant sur un scénario captivant.

Le réalisateur Samuel Benchetrit a trouvé matière à réflexion en adaptant deux de ses nouvelles écrites en 2005 dans le roman Chroniques de l’asphalte,il a abordé des thématiques qui lui sont chères tels l’anachronisme, l’art (la photographie, le métier d’acteur), la solidarité et l’insertion sociale. Le film Asphalte repose également sur une volonté d’interloquer constamment les spectateurs. L’exemple de ce cosmonaute qui atterrit en pleine banlieue et qui se retrouve hébergé par une femme seule algérienne ayant gardé intact ses coutumes et habitudes de repas héritées de son passé. Asphalte jongle donc constamment entre ses personnages de manière gracieuse. On oublie ainsi le contexte de sketchs sous-jacents à cette description de personnages. Dès son premier film en qualité de scénariste et réalisateur (Janis et John (2002)), Samuel Benchetrit a toujours su s’appuyer sur un scénario solide élaboré par ses soins mais également sur des comédiens parfaitement investis dans leur personnage. Asphalte repose ainsi sur la présence d’Isabelle Huppert dans le rôle de Jeanne Meyer une comédienne ayant connu le succès et tentant de le retrouver mais aussi sur Valeria Bruni Tedeschi, Michael Pitt et son propre fils Jules Benchetrit.

Le rythme du film aurait pu devenir problématique par cette galerie de personnages secondaires mais malgré tout l’originalité des propos, la tonalité pessimiste et cette volonté permanente de proposer une histoire originale ressortent de ce cinquième film. Le réalisateur brouille volontairement les cartes et nous ne savons pas réellement quand se passe cette succession de scènes aussi cocasses que tendres. Les produits high tech ne sont pas ainsi clairement présentés, une affiche de Piège de cristal orne la porte de la chambre de Charly. Le temps semble donc s’être arrêté voire abandonné ce quartier d’une banlieue qui se meurt. Le soin apporté aux détails se ressent constamment à l’image par une minutie exemplaire (choix musicaux, choix des lieux, des paroles des personnages).

Enfin, Asphalte est porteur d’un message d’espoir et semble nous dire que même dans des milieux difficiles, l’espoir reste encore comme un moteur de survie. Comme le personnage de Jeanne Meyer ivre après une journée frustrante d’audition pour elle et trouvant un réconfort en la présence de ce jeune adolescent Charly, le film nous montre que seul l’entraide peut nous aider à survivre, à continuer à avancer et à prendre plaisir à la vie. En ce sens le film est une bouffée d’oxygène salvatrice et puissante à laquelle nous ne pouvons qu’adhérer.

Vu le 24 septembre 2015 au Club Marbeuf

Note de Mulder: