Crimson Peak

Crimson Peak marque à ce jour une date dans l’histoire du cinéma, un film d’une richesse visuelle et scénaristique d’une ampleur importante. Il s’agit également de la réalisation la plus aboutie d’un virtuose réalisateur qui a su arriver à donner vie à son œuvre. Depuis son premier film Cronos (1993), Guillermo Del Toro n’a de cesse d’explorer la noirceur de l’âme humaine et redonner une certaine beauté et force aux monstres qui hantent son univers gothique. Ainsi après avoir adapté des personnages de comics Dark Horse et Marvel sur grand écran (Blade 2 (2002), Hellboy 1&2 (2004/2008)), donner vie à des robots géants (Pacific Rim (2013)), Crimson Peak lui permet de revenir au concept du film gothique par excellence.

Derrière l’hommage aux films des années 70 qui se dessine aux contours de Crimson Peak, on pense inévitablement aux films de Mario Bava mais également à La Maison du diable de Robert Wise (1963). Le réalisateur a également cherché à donner une réelle épaisseur romanesque à ses personnages principaux. Ainsi, le personnage d’Edith Cushing nous renvoie aux grandes héroïnes de la littérature classique (Charles Dickens, Jane Austen..). Cantonner Crimson Peak uniquement à un film d’horreur serait en limiter réellement la forme. Il s’agit avant tout d’un conte gothique avec des fantômes non pas uniquement malfaisants mais cherchant à communiquer avec les vivants. On retourne ici une des thématiques fortes du réalisateur montrant que la véritable horreur n’est pas extérieure mais relative à la noirceur de l’âme humaine.

Le film ainsi se divise clairement en deux parties. La première permet de découvrir les personnages principaux et de dresser un portrait de la bourgeoisie new-yorkaise du siècle dernier. On y découvre ainsi l’héroine, Edith Cushing (Mia Wasikowska), romancière en herbe qui travaille avec son père dans une banque. Hantée par la mort de sa mère, elle possède la faculté de voir certaines formes fantomatiques. Cette partie permet également de présenter les personnages Lady Lucille Sharpe (Jessica Chastain) et son frère Sir Thomas Sharpe (Tom Hiddleston). Ces derniers sont à la recherche d’apports financiers pour développer leur entreprise familiale. La seconde se déroule exclusivement à Crimson Peak dans un manoir lugubre. Guillermo Del Toro témoigne d’ un véritable soin aux détails aussi bien dans les costumes que dans les différents lieux où se situe l’action. A cet effet, le manoir de Crimson Peak en devient presque un lieu vivant dans lequel des événements lugubres se sont déroulés (nous ne vous en dirons pas plus). Les nombreux rebondissements font tout simplement de Crimson Peak une expérience envoûtante, un train fantôme dans lequel le spectateur aura réellement peur et se cramponnera à son fauteuil. Le réalisateur a tout à fait assimilé pour qu’ un film d’ambiance fonctionne ce n’est pas en diffusant des scènes horribles baignées de litres de sang mais plutôt créer une véritable ambiance gothique et jouer aussi bien sur les images que sur les effets sonores. Crimson Peak est à ce titre un des films les plus angoissants que nous avons pu découvrir depuis longtemps en salle. Ce film nous rappelle par son ambiance certaines œuvres d’Edgar Allan Poe et de Stephen King. Les différents niveaux de lecture qui ressortent du film en font non seulement une œuvre d’auteur mais également une réussite exemplaire.

Le réalisateur s’appuie également sur trois excellents comédiens, Mia Wasikowska (Alice au Pays des Merveilles (2010), Jane Eyre (2011)..) représente l’innocence dans sa plus belle forme. Jessica Chastain est une nouvelle fois impressionnante dans un rôle angoissant (Zero Dark Thirty (2012), Interstellar (2014)). Enfin, Tom Hiddleston (remplaçant Benedict Cumberbatch initialement prévu pour le rôle) est une nouvelle fois parfait et donne à son personnage une véritable épaisseur et une dualité permanente.

Alors qu’Halloween était associé depuis longtemps à l’œuvre de John Carpenter, Crimson Peak est le film parfait pour partager un 31 octobre mémorable sous le signe de l’effroi.. On ne peut que vous conseiller de ne pas rater en salles cet excellent film, l’un des plus importants de cette année, un chef d’œuvre gothique inoubliable.

Vu le 28 septembre 2015 UGC Ciné Cité les Halles, Salle 33, en VO

Note de Mulder: