L'Hermine

L'Hermine
Titre original:L'Hermine
Réalisateur:Christian Vincent
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:18 novembre 2015
Note:

Michel Racine est un Président de cour d'assises redouté. Aussi dur avec lui qu'avec les autres, on l'appelle " le Président à deux chiffres ". Avec lui, on en prend toujours pour plus de dix ans. Tout bascule le jour où Racine retrouve Ditte Lorensen-Coteret. Elle fait parti du jury qui va devoir juger un homme accusé d'homicide. Six ans auparavant, Racine a aimé cette femme. Presque en secret. Peut-être la seule femme qu'il ait jamais aimée.

Critique de Mulder

L’hermine marque les retrouvailles vingt-cinq plus tard entre le réalisateur et scénariste Christian Vincent et le comédien Fabrice Luchini. La discrète (1990) son premier film avait lancé sa carrière de réalisateur et surtout donné au comédien Fabrice Luchini l’un des rôles les plus importants de sa longue carrière commencée en 1969 (Tout peut arriver de Philippe Labro). L’hermine comme ses onze précédents films témoigne de la volonté du réalisateur et scénariste de faire reposer ses films sur un scénario travaillé et permettant de donner une réelle épaisseur à ses personnages. Aussi à l’aise dans le registre de la comédie (Beau fixe (1992), Les enfants (2004), Quatre étoiles (2006)..) et la dramatique (La séparation (1994), Sauve moi (2000)..) Christian Vincent a su imposer son propre langage cinématographique. Le réalisateur est passionné par l’étude comportementale des relations humaines et L’hermine son meilleur film à ce jour se présente comme une œuvre clé de sa carrière et témoigne d’un sens du rythme infaillible.

L’histoire est assez simple. Dans une petite ville du nord, le Président de cour d'assises Michel Racine est redouté et également reconnu par son sens de la justice. Sans attache réelle, séparée de sa femme, son métier occupe le centre de sa vie. Le hasard fera que lors d’une affaire pour infanticide d’un jeune bébé, ce personnage va rencontrer de nouveau une femme médecin qui l’avait soigné lors de son passage à l’hôpital six ans auparavant. et qu’il avait aimé en secret. Cette nouvelle rencontre va non seulement changer sa vie mais surtout le faire sortir de ses habitudes quotidiennes. Le réalisateur Christian Vincent connait parfaitement le comédien Fabrice Luchini et comme les retrouvailles de ses deux personnages principaux, Michel Racine et Ditte Lorensen-Coteret ce sujet l’a complètement passionné. Le soin pris à l’écriture et au choix des scènes présentées magnifie deux thèmes centraux du cinéma, celui de la seconde chance et celui de la rencontre. Le procès présenté dans le film n’a pour objet que de présenter les personnages dans leur fonction et surtout témoigner des maux de notre société Le lieu parfait d’une salle d’audience est comme le dit l’un des personnages comme celui d’une scène de théatre (avec ses trois coups pour annoncer le début de le représentation) avec son public, ses apparences trompeuses et une véritable dramaturgie.

Le réalisateur a su une nouvelle fois percevoir l’âme de ses personnages et surtout créer entre les spectateurs et ceux-ci un véritable lien fort. Loin de ses personnages extraordinaires dignes de grands romans, le réalisateur préfère de loin ceux qui s’inscrivent dans une normalité avec leurs blessures, leurs échecs et surtout une réelle conscience. Ce président de cour d’assise plutôt solitaire et peu doué en relations humaines apparait comme un être froid et obnubilé par un véritable sens de la justice. A contrario le personnage de Ditte Lorensen-Coteret est une femme attentive, chaleureuse à l’écoute des autres qui impose naturellement le respect et réussit à écouter et analyser avec soin son entourage. Cette jeune mère élève seule sa fille lycéenne avec laquelle elle s’entend parfaitement. Pour interpréter un tel personnage il fallait une excellente comédienne pouvant créer une véritable alchimie avec Fabrice Luchini. Le scénariste et réalisateur a su trouver en la magnifique Sidse Babett Knudsen (Birgitte Nyborg Christensen dans la série Borgen, une femme au pouvoir (2010-2013) et également vue dans l’excellent The Duke Of Burgundy (2014) l’actrice parfaite pour ce rôle. Les deux comédiens sont ainsi parfaits dans leur rôle. L’autre grande révélation du film comme le fut Judith Henry dans La discrète est la jeune comédienne Eva Lallier qui interprète la fille de Sidse Babett Knudsen dans le film. Chacune de ses apparitions et le lien unissant cette mère séparée Ditte Lorensen-Coteret à sa fille Ann donne au film un charme digne des grandes comédies américaines portées par un casting de haute volée.

La réussite indéniable du film vient ainsi non seulement d’un scénario propice à des situations intéressantes et à des dialogues savoureux mais surtout au lien fort entre son directeur et son casting. Lors de la 72ème Mostra de Venise ce film a obtenu le prix très convoité du meilleur scénario et celui du prix d’interprétation masculine. Ces deux prix amplement mérités montrent que le cinéma d’auteur a sa place dans notre paysage cinématographique à côté des grosses productions hollywoodiennes. L’hermine est l’un de nos coups de cœur du mois et nous le soutenons et nous vous encourageons à le découvrir au cinéma à sa sortie.

Vu le 13 novembre 2015 au Pathé Beaugrenelle, Salle 10

Note de Mulder: