Saint Amour

Saint Amour
Titre original:Saint Amour
Réalisateur:Benoît Delépine, Gustave Kervern
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:02 mars 2016
Note:

Tous les ans, Bruno fait la route des vins… sans quitter le salon de l’Agriculture ! Mais cette année, son père, Jean, venu y présenter son taureau champion Nabuchodonosor, décide sur un coup de tête de l’emmener faire une vraie route des vins afin de se rapprocher de lui. Et s’ils trinquent au Saint-Amour, ils trinqueront bien vite aussi à l’amour tout court en compagnie de Mike, le jeune chauffeur de taxi embarqué à l’improviste dans cette tournée à hauts risques entre belles cuvées et toutes les femmes rencontrées au cours de leur périple…

Critique de Mulder

Découvrir un nouveau film écrit et réalisé par les trublions Grolandais revient à vivre une réelle expérience cinématographique. Loin de concevoir le cinéma comme un média de masse, ces deux humoristiques abordent plutôt celui-ci comme une manière libre et sans limite d’exprimer leur vision de notre monde actuel. De leur premier film Aaltra (2004) à Saint Amour pratiquement douze ans se sont écoulés. Le message social de leur film reste pourtant le même et donne la voix à des personnages représentatifs de nos campagnes éloignées, des personnages lunaires, des laissés pour compte. Cette volonté d’aller contre le système actuel donne à leur filmographie une véritable fluidité et surtout un véritable style aussi bien visuel que jouissant d’une tonalité véritable. Toujours fidèles à leur volonté de provoquer les spectateurs plutôt que de leur livrer des films prémâchés, Benoît Delépine et Gustave Kervern ont réussi à se créer une véritable famille dans l’univers du cinéma. Pour Saint Amour, ils retrouvent ainsi dans les deux rôles principaux Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde et leur permettent de donner vie à deux éleveurs agricoles (un père et son fils).

La première scène du film nous présentant les deux personnages principaux attablés dans un bar du salon de l’agriculture capte notre attention par cette volonté d’appréhender le cinéma avec un réalisme cru. Suite au décès de sa femme Jean (Gérard Depardieu) tient donc son élevage de bovins avec son fils (Benoît Poelvoorde). Prenant de l’âge, il aimerait que celui-ci reprenne en main l’affaire familiale et surtout construise une famille. Loin de jouer sur les clichés de la France profonde les scénaristes dressent plutôt des portraits attachants de personnages fatigués par la vie. Si le personnage de Bruno est alcoolique c’est qu’il n’arrive pas à l’approche de la quarantaine à trouver un véritable sens à sa vie. En faisant comme chaque année la route des vins, c’est-à-dire de passer de stand en stand sur le salon de l’agriculture, Bruno et son oncle (Gustave Kervern) oublient la monotonie de leur vie à la ferme et rêvent ainsi de voir leur vie prendre un réel sens. Le père de Bruno se rend compte du malaise persistant de son fils et va l’embarquer dans une véritable quête pour se rapprocher et appréhender d’une certaine manière leur futur. Sans aucune fioriture, les deux réalisateurs nous livrent un film maîtrisé de bout en bout et porter par deux grands comédiens Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde. Leurs nombreux échanges donnent au film toute sa valeur et son sens. A les écouter parler de la vie, du passé, de leurs erreurs on pense irrémédiablement aux autres. Si Bruno n’a pas encore trouvé sa compagne et a sombré dans l’alcool c’est qu’il pense qu’il n’est pas assez bien, assez présentable pour conquérir la femme qui voudra bien de lui.

Saint Amour est d’abord le nom d’un vin rouge au goût fruité et floral. Si le film porte son nom c’est qu’il est comme celui-ci fruité, savoureux et malgré tout pas un millésime. C’est un vin de table traditionnel qui est simple mais qui a sa propre touche. Les deux réalisateurs donnent ainsi à leur film une manière de fêter les petits moments de bonheur de la vie. Dans leur virée Jean et Bruno sympathiseront avec leur chauffeur de taxi qui les mène de ville en ville. Mike (interprété par le jeune comédien Vincent Lacoste) a également comme eux des soucis persistants. Cette longue route des vins va non seulement les rapprocher mais aussi leur permettre de faire des belles rencontres féminines telles Jennifer, la serveuse d’un restaurant (Solène Rigot, magnifique de sobriété), deux sœurs jumelles (Ana Girardo dans un double rôle), une patronne d’une baraque à frites (Chiara Mastroianni) , Vénus (Céline Sallette) , une fille d’une agence immobilière (Ovidie) et l’ex de Bruno (Izia Higelin). Cette succession de rencontres donne à Saint Amour le moyen de nous étonner et de retenir toute notre attention. Les réalisateurs et scénaristes ont ainsi pu réunir dans leur nouveau film un casting féminin intéressant et surtout reposant sur des interprétations solides. Certes la fin du parcours pourrait en choquer certains et se demander si le film ne pourrait pas être vu comme un conte moderne. Il reste surtout un film porté par deux réalisateurs aguerris et de plus confirmer tout le bien que l’on a pour Benoit Poelvoorde.

Vu le 19 janvier 2016 au Club Marbeuf

Note de Mulder: