Eternité

Tran Anh Hung s’est imposé dès ses premiers films comme un des réalisateurs soignant autant la forme que le fond de ses oeuvres. Ainsi dès son premier film, l’Odeur de la papaye verte (1992) il s’était non seulement imposé comme un des réalisateurs à suivre de près mais aussi comme un scénariste intéressant et cherchant constamment à proposer des fondations solides à ces créations. Cyclo (1995) et surtout A la verticale de l’été (2000) avaient confirmé un véritable talent de conteur mais surtout de scénariste et une direction de comédiens harmonieuse et convaincante. Six ans après son dernier film en date La Ballade de l’impossible, Norwegian Wood il revient donc à la réalisation et au scénario et nous propose un film contemplatif sur la vie d’une famille à travers différentes générations. En adaptation le roman d’Alice Ferney L’Élégance des veuves (1995), il livre tout simplement ici son meilleur film  et surtout une histoire passionnante sur la généalogie, la naissance et surtout la maternité.

A travers ce portrait de femmes parfaitement interprétées par trois des meilleures comédiennes françaises actuelles Audrey Tautou (Valentine), Bérénice Bejo (Gabrielle), Mélanie Laurent (Mathilde), le film nous propose une vision passionnante de la ramification du temps qui s’écoule, sur plusieurs générations au sein d’une même famille. Chaque scène de son film parfaitement chorégraphiée créée un véritable envoûtement visuel et surtout donne aux trois comédienne principales la possibilité de livrer une de leur meilleure interprétation. Comment ne pas tomber sous le charme du personnage de Valentine (magnifique Audrey Tautou) ou de ne pas être conquis par ces deux portraits de femmes de Gabrielle et Mathilde. La structure du film aussi intelligente que subtile revient totalement à nous proposer un autre langage cinématographique en prenant des risques intéressants et fonctionnels. Ainsi, il n’y a pas de véritables scènes mais plutôt des situations comme des tableaux visuels qui s’offrent au regard des spectateurs. Pari réussi pour le réalisateur qui nous livre une histoire forte en émotions et surtout un véritable regard sur la maternité, le transfert générationnel et les difficultés familiales.

En sortant de la structure traditionnel d’un cinéma conventionnel et de masse, le réalisateur prend constamment une vision d’ensemble et nous livre ainsi une histoire fragmentée, passionnante et surtout une relecture réussie d’un livre qui a dû totalement le captiver. Cela se ressent à chaque plan du film avec cette volonté de ne pas trahir l’œuvre originelle et surtout d’en proposer une interprétation cinématographique mûre, brillante comme le fut ces précédents films. Certes ce film ne plaira pas à tous car il nécessite une attention totale et permanente et surtout de se laisser guider par un réalisateur aussi attaché à son histoire que de la manière de la filmer. Les comédiennes principales se sont totalement laissées guider par le réalisateur et cela se ressent aussi constamment au fil du récit conté. Le réalisateur ainsi semble utiliser ses comédiens comme des couleurs qu’il appliquerait sur une toile pour donner vie à des nombreux tableaux. Eternité s’impose ainsi comme l’une des bonnes surprises de l’année, un film fragile, complexe mais totalement passionnant et envoûtant. Pour ces raisons, nous vous conseillons de tenter cette expérience cinématographique dès sa sortie en salles.

Vu le 4 juillet 2016, à la Salle Pathé Lamennais

Note de Mulder: