Frantz

Frantz
Titre original:Frantz
Réalisateur:François Ozon
Sortie:Cinéma
Durée:114 minutes
Date:07 septembre 2016
Note:

Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.

Critique de Mulder

Le réalisateur et scénariste François Ozon ne cesse de nous surprendre et surtout de nous proposer des films parfaitement maitrisés et surtout envoûtants. Ainsi après s’être imposé comme un des grands réalisateurs du thriller intimiste (Swimming pool (2003), Dans la maison (2012)), proposer des comédies surprenantes (8 femmes (2001), Potiche (2010)..) et des comédies dramatiques originales (Sitcom (1998), Ricky (2008), Une nouvelle amie (2014)), Frantz constitue une nouvelle étape dans sa maturité de réalisateur. Il fallait ainsi une certaine audace et un véritable savoir-faire pour replonger les spectateurs dans une période d’après la première guerre mondiale dans une Europe encore marquée par de nombreuses blessures. Il fallait encore une véritable volonté de placer l’action aussi bien dans une petite ville allemande et en France. Surtout, il fallait oser proposer un film alternant des flashbacks (en couleur) et des scènes au moment présent de l’histoire dans un noir et blanc somptueux.

On découvre ainsi un jeune soldat français en exil dans une petite ville allemande qui se rend chaque jour sur la tombe d’un soldat allemand. Dans un contexte dans lequel les français et les allemands gardaient en eux une certaine haine réciproque et crainte grandissante, l’amitié naissante entre une jeune allemande habitant chez les parents de ce soldat décédé et Adrien ce jeune militaire donne au film une certaine volupté. Loin de vouloir nous proposer un nouveau film de guerre, le réalisateur et scénariste donne vie à des personnages romanesques maudits. L’un pour avoir un lien trouble avec Frantz, ce soldat allemand, André, et une jeune allemande partagée entre haine et amour envers lui. François Ozon se révèle encore une fois l’un des maitres pour donner vie à des personnages torturés et blessés pris dans une spirale haine-amour. Certes, il revisite le film d’Ernst Lubitsch, Broken Lullaby (1932) mais il donne un nouveau point de vie au récit et ainsi le réinvente.

Passionnant, Frantz montre une nouvelle fois que le réalisateur François Ozon continue à vouloir développer son univers cinématographique et ne se contente pas de livrer des films basés sur des recettes à succès. Son cinéma envoutant s’impose comme étant l’un des meilleurs actuels. Le réalisateur sait parfaitement comment jouer sur les nerfs des spectateurs, les envoyer sur des fausses pistes et surtout les étonner en permanence. Une nouvelle fois après avoir dirigé deux jeunes comédiens Romain Duris et Anaïs Demoustier dans Une nouvelle amie (2014) il réussit à recréer un duo fonctionnant parfaitement à l’écran. On retrouve une nouvelle fois Pierre Niney (l’un des meilleurs comédiens actuels) et Paula Beer (la révélation du film) qui donnent au récit toute sa force. La grâce de la jeune comédienne Paula Beer appuyée par un noir et blanc somptueux invite non seulement au voyage mais à la réflexion. Une telle présence donne au film toute sa force et l'impose aisément comme l’un des films événements de cette rentrée. En signant un film sur le mensonge et le pardon, le réalisateur marque non seulement notre mémoire de cinéphile passionné mais aussi livre une lettre d’amour à tout un pan du cinéma ancien dans lequel le scénario, les comédiens et la réalisation étaient sincères et ne se cachaient pas derrière des effets spéciaux pour masquer un vide scénaristique immense.

Le réalisateur donne à son dernier film une véritable épaisseur et reprend des thèmes chers à celui-ci. Le deuil, l’amour naissant s’imposent comme thématiques profondes et romanesques et trouvent en ces deux comédiens parfaits les plus beaux représentants possibles. En tournant ce film en allemand et en français, le réalisateur prend un risque certes mais trouve justement le parfait équilibre et le contraste nécessaire pour faire de Frantz le film à découvrir d’urgence. Le film permet surtout de découvrir aussi une jeune comédienne Paula Beer que l’on espère revoir plus souvent au cinéma. Elle représente la fragilité et la force d’une héroïne attachante et surtout faisant de Frantz le meilleur film à ce jour d’un réalisateur captivant et passionnant.

Vu le 1er septembre 2016 au Club Marbeuf

Note de Mulder: