Le ciel attendra

Le ciel attendra
Titre original:Le ciel attendra
Réalisateur:Marie-Castille Mention-Schaar
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:05 octobre 2016
Note:

Sonia, 17 ans, a failli commettre l'irréparable pour "garantir" à sa famille une place au paradis. Mélanie, 16 ans, vit avec sa mère, aime l'école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Elle tombe amoureuse d'un "prince" sur internet. Elles pourraient s'appeler Anaïs, Manon, Leila ou Clara, et comme elles, croiser un jour la route de l'embrigadement… Pourraient-elles en revenir?

Critique de earina

Un film poignant et bouleversant sur le quotidien des familles brisées par la radicalisation des mineurs au sein de l’état Islamique.

Sonia est prisonnière. Dans son cœur, dans son corps, dans son esprit. Dans sa chambre. Le cerveau lavé par les messages de propagande de l’état islamique, par la pression des sœurs et des recruteurs. Arrêtée à temps avant de commettre un attentat, elle doit lutter contre son envie de tout quitter pour aller en Syrie et contre la vie qui renaît peu à peu en elle. Bien qu’entourée de sa famille et des groupes de soutien, Sonia pourra-t-elle se reconstruire?

Mélanie, elle, a soif de justice. Engagée, elle souhaite participer à la construction d’un monde meilleur. Repérée sur Facebook dans un moment de faiblesse émotionnelle, elle fait la connaissance de Medhi, celui qui deviendra son prince et qui, peu à peu, la mènera sur le chemin de l’obscurantisme, emprisonnant sa personnalité, son ouverture d’esprit, lui prenant jusqu’à sa liberté de penser puis la privant de sa liberté physique. Comment ses parents peuvent-ils agir ? Comment mener le combat contre ces recruteurs qui brisent des familles, dans le seul but d’apporter encore et toujours plus de chair à canon à Daech ? Comment endiguer ce flot de désinformations, ces contacts via les réseaux sociaux, si accessibles aux adolescents d’aujourd’hui ?

Ce film de Marie-Castille Mention-Schaar fait l’effet d’une claque. Véritable film coup de poing, il est, dans sa réalisation, subtilement et intelligemment mené ; le spectateur est le témoin du chemin de croix à la fois vers l’obscurantisme et vers un retour à la vie. Les destins croisés de ces deux jeunes filles, pas si différentes l’une de l’autre, qui peuvent être les enfants de n’importe quel parent, permet de comprendre ce cheminement vers la radicalisation, les moyens employés, cette pression, de plus en plus forte et virulente. Ce film permet de comprendre que cet embrigadement est sournois, pernicieux, qu’il se sert du mal être des adolescents et se fait dans une stricte discrétion. Par petites touches, au fur et à mesure, à force de patience, les recruteurs obtiennent ce qu’ils veulent : des soldats supplémentaires, l’esprit obscurci par une vérité contrefaite et arrangée, qui se veut, au moyen de films de propagande, percutante et convaincante.

La souffrance des parents est ici illustrée avec justesse, Clotilde Coureau et Sandrine Bonnaire sont touchantes en mères tourmentées, victimes collatérales de cet embrigadement. Les pères, plus pudiques, interprétés avec beaucoup d’émotion par Zinedine Soualem et Yvan Attal, n’en sont pas moins bouleversés et bouleversants. Dounia Bouzar, créatrice du Centre de Prévention de Déradicalisation et de Suivi Individuel (le CDPSI, qui est présente dans le film dans son propre rôle) nous époustoufle, dans des réunions plus vraies que nature, de par sa disponibilité, sa bonté et sa capacité à raviver cette flamme éteinte dans le cœur des adolescents.

Mais plus que tout, nous nous devons de saluer les incroyables performances de Noémie Merlant et de Naomi Amarger, convaincantes et convaincues dans leur rôle qui devient un message à très haute teneur pédagogique : le risque est réel, présent, partout et seule une totale communication et confiance avec les siens rend un retour à la vie possible.

Un film choc, bouleversant, tendre et sensible, qui offre à ses acteurs des rôles d’une composition toute en finesse, d’une émotion palpable, dont vous ne sortirez pas indemnes. Un film qui évite l’amalgame entre religion et radicalisation. Un film qui, urgemment, doit avoir sa place dans les programmes pédagogiques.

Vu à l’UGC Cité-Ciné, Paris 19ème, à 18h, le 02/10/2016

Note de earina: