Conference-de-Presse - Harrison Ford

Par Mulder, Deauville, 12 septembre 2009

Q : Félicitations pour votre carrière, qui est absolument magnifique. Vous êtes venu tellement de fois à Deauville que vous êtes l’invité d’honneur de cette édition du festival. En revanche, on est un tout petit peu surpris que vous ayez tourné deux films cette année, Crossing over de Wayne Kramer et Extraordinary Measures de Tom Vaughan, que vous avez également produit. Alors, j’aimerais savoir, si vous pouvez nous parler des personnages que vous interprétez dans ces film et si vous pouvez nous en parler ?

R Harrison Ford : En fait, les deux derniers films à proprement parler sur lesquels j’ai travaillé, c’est Morning glory avec Diane Keaton, qui est une vraie comédie, une comédie extrêmement intelligente et chaleureuse. C’est un film que j’ai eu beaucoup de plaisir à faire et je crois qu’il plaira. L’autre film est un projet sur lequel j’ai travaillé avec le producteur depuis cinq ans. C’est un projet de longue haleine. Il est actuellement en post-production et n’a pas encore de titre, mais il a un titre provisoire qui ne dit rien d’autre que c’est un travail d’équipe. Il y a une foule autour de ce film et ce film là traite de l’histoire d’un jeune père, qui a deux enfants qui sont atteints d’une maladie génétique incurable. Le père quitte son travail et il décide de s’engager auprès de l’industrie pharmaceutique pour essayer de trouver un traitement pour ses enfants et moi, je joue le rôle du scientifique qui s’associe à ce jeune père dans cette quête. C’est un jeune réalisateur anglais qui l’a réalisé.

Q : Au début de votre carrière, vous avez joué dans Star Wars et Blade Runner. Est-ce que c’est parce que vous avez des affinités avec ce genre là et pourquoi vous n’avez pas fait d’autres films de science-fiction depuis ? Est-ce que c’est parce que vous pensez avoir atteint le sommet ou pour quelle autre raison ?

R Harrison Ford : Même à cette époque, je n’avais aucune affinité particulière avec la science-fiction. Je crois que ce qui a toujours importé pour moi, c’est de travailler tout d’abord sur une belle histoire, une histoire qui me plait, de rencontrer un réalisateur qui a une vision au-delà de l’histoire qu’il propose et que je sens le potentiel de faire un bon film ensemble. A chaque fois que j’ai eu ce sentiment, je me suis engagé dans ce film, indépendamment de la question de son genre. A cette époque là, il se trouve qu’il y a eu des films de science-fiction. Quand l’opportunité de Star Wars s’est proposée à moi, j’avais déjà travaillé avec George Lucas sur American graffiti et c’était un réalisateur que j’apprécie. Il se trouve en fait que cela faisait depuis douze ans que j’avais mis le cinéma de côté, que j’étais charpentier et ce qui comptait pour moi c’était d’avoir tout simplement du boulot. J’avais une chance extraordinaire que non seulement on me proposait du boulot, mais également que l’on me proposait un beau rôle dans un beau film. Donc je ne pouvais pas laisser passer une si belle opportunité, je l’ai saisie. Ce n’était pas par goût pour la science-fiction et si encore aujourd’hui, on me propose une belle histoire de science-fiction et que je rencontre un réalisateur qui me semble avoir une vision intéressante, je l’accepterai de nouveau sans que cela soit un signe d’appartenance à ce genre-là.

Q : J’ai deux questions pour Harrison Ford. Tout d’abord, une question sur les films qu’il fait, pour savoir s’il regarde les rushs ? Et quel regard il a ensuite, lorsque les années ont passé, pour savoir s’il les regarde comme un spectateur ordinaire ou s’il arrive à se dégager de cela, de son image ? Mon autre question, qui n’a peut-être aucun rapport avec sa carrière, mais j’aimerais savoir, quand il va au cinéma, quel est le type de film qu’il aime voir ?

R Harrison Ford : En fait, j’aime beaucoup aller voir les rushs. Du moment où je travaille sur un film, je me contente uniquement de faire l’acteur. J’aime beaucoup aller voir les rushs, j’aime beaucoup les premières étapes du montage et travailler dans une collaboration étroite avec le réalisateur sur les choix qui se font pour m’assurer que ce que le film est en train de devenir correspond autant que possible à ce que moi, je suis en train de vivre intérieurement, à la façon dont j’ai l’impression que les choses se font et cela est un rôle, qui est pour moi très important. Il est très rare que je sois simplement acteur. C’est arrivé dans le film Crossing over, où j’ai été présent que pendant dix jours et où je n’ai fait que mon travail d’acteur. Je ne fus pas impliqué dans le processus de création du film. Le plus souvent, il arrive que d’une façon ou d’une autre, je participe à la production du film et que j’ai un rôle plus général et que donc dans ce cas, je me mêle de la façon dont le film se fait et cela suppose qu’à chaque fois c’est une expérience différente en fonction des personnalités, en fonction des personnes que l’on rencontre sur le film. Mais à partir du moment où ma présence est tolérable pour les autres instances en présence, je m’implique et je participe vraiment aux choix du film. C’est ce que je fais le plus souvent. Pour ce qui est de voir les films une fois qu’ils sont tournés, il me semble toujours qu’une fois que le film est fait, il ne m’appartient plus. Il appartient au public et je ne suis pas d’une nature nostalgique, donc je n’essaye pas de reconstituer ou de retrouver quelque chose qui est achevé. Je sens que je ne peux plus avoir d’influence sur le cours des choses, le film est fait, il est en boîte, donc il faut le laisser partir et il m’arrive accidentellement de voir des images, mais je ne peux jamais devenir un spectateur normal. On ne voit jamais un film de la même façon quand on le perçoit une fois qu’il est fini en tant que spectateur, que quand on est un professionnel, d’autant plus si ce n’est un film dans lequel on a été impliqué, pour lequel on a travaillé. Je ne vais pas voir des films, je dois le reconnaître. C’est extrêmement gênant et embarrassant pour moi de devoir le reconnaître. Il se trouve que je n’aime pas voir des films chez moi. Pour moi, un film se voit dans une salle de cinéma. J’ai un enfant de bas âge donc c’est comme cela. Pour quelqu’un qui est dans le cinéma, je devrais le faire peut-être plus souvent. Quand il m’arrive de voir un bon film, j’estime que j’ai vécu une expérience très enrichissante et j’en suis profondément reconnaissant. Je trouve que c’est quelque chose qui m’apporte beaucoup, mais c’est rare, très rare que je vois des films.

Q : Les films projetés dans le cadre de votre hommage ne comportent aucun Indiana Jones, ni aucun Star Wars. Est-ce que vous avez eu votre mot à dire et pouvez vous nous dire pourquoi ? Mon autre question concerne votre engagement contre la déforestation. Avez-vous une autre partie du corps à épiler, compte tenu de la publicité que vous avez fait récemment ?

Harrison Ford : Pour ce qui est du choix des films, je pense que l’idée était de proposer une rétrospective assez représentative du travail que j’ai fait, des différentes étapes de ma carrière. Je pense que les Indiana Jones et les Star Wars ont été tellement vus et revus que cela n’a pas d’intérêt particulier et qu’il valait mieux présenter des choses plus significatives et un peu moins connues. Je suppose que c’est l’esprit dans lequel le festival a fait son choix et j’adhère tout à fait à cette vision des choses. Un autre aspect est qu’il faut trouver des films qui soient dans des copies de 35mm, de bonne qualité et avec un sous-titrage français. Il y a aussi une dimension purement matérielle et technique. C’est comme cela que c’est établi la sélection des films. Pour ce qui est de l’allusion que vous faites à cette publicité, je suis fortement engagé depuis une quinzaine d’années sur cette question de protection de la forêt. Je suis membre de l’assemblée d’une association qui s’appelle Protection International et je suis très actif auprès d’eux. Il y a eu cette idée de tourner ce petit film avec une image extrêmement marquante, qui se démarque suffisamment pour que cela devienne une espèce de symbole choc de la question de la déforestation. J’ai offert ma poitrine comme symbole des effets de la déforestation.

Q : Vu qu’il y a ici ce regarde rétrospectif de votre grande carrière, quand vous-même vous regardez les trente ou quarante ans que vous avez vécu dans le cinéma, quel est votre regard sur l’évolution du cinéma pendant ces décennies ? Qu’est-ce qui a changé entre vos débuts et aujourd’hui ? Et vous, à titre personnel, est-ce qu’il y a des rôles que vous avez refusé et que vous regrettez ?

Harrison Ford : Quand je regarde en arrière et que je vois les trente ou quarante ans de carrière que j’ai, je me dis que j’ai été un homme extrêmement heureux et chanceux. Quand je repense aux opportunités de travail qui m’ont été données, aux projets auxquels j’ai pu prendre part, à tout ce qui a changé ma propre vie, et à tout ce que m’a apporté ce métier, je trouve que je fais un beau métier et que j’ai eu beaucoup de chance et que j’ai été un homme très privilégié et très chanceux dans ma vie professionnelle. Mais pour ce qui est de proposer une analyse sur l’évolution de ce métier, sur l’évolution du cinéma, je crois que je ne suis pas la bonne personne ou que je n’aurais pas une réponse courte et adéquate à donner à cette question. Je ne réfléchis pas en termes philosophiques ou abstraits sur l’évolution du cinéma. Pour ce qui est des rôles que j’aurai refusés, je n’ai pas de regrets. Quand je refuse un rôle, cela peut être pour différentes raisons. En général, c’est parce que je n’adhère pas émotionnellement au contenu du film, soit parce que je ne comprends pas les ambitions du film, soit tout simplement parce que j’ai l’impression que cela ne sera pas un bon film. Alors, il m’arrive très souvent de me tromper. Je ne pense pas avoir toujours raison, mais je pense qu’à partir du moment où je n’arrive pas à établir un lien affectif avec un projet, je ne suis pas la bonne personne pour interpréter les rôles qui me sont proposés. Je n’ai donc pas à le faire. Je refuse donc ces projets et a posteriori, je ne regrette pas.

Q : Jusqu’à maintenant, vous avez fait une longue carrière. Pouvez vous nous dire quel est votre meilleur souvenir de tournage ?

Harrison Ford : Mon cerveau ne fonctionne pas comme cela. Je ne classifie pas, je n’ai pas de moment préféré, de film préféré ou d’enfant préféré. Ce que j’aime, c’est l’instant. Ce sont ces instants dans lesquels je prends un plaisir immense. J’adore le métier que je fais, je m’amuse beaucoup dans la phase de création du film. J’aime le travail avec le réalisateur, j’aime le travail avec l’équipe. J’aime les tournages, j’aime ce qui se fait en amont du film, ce qui se fait après le film. Je prends un plaisir fou et cette dimension de plaisir est ce qui compte dans ma vie. Ce sont ces instants de plaisir, qui sont des délices pour moi. Je ne les classe pas.

Q : Vous êtes déjà venu plusieurs fois, cinq ou six fois, à Deauville et j’aimerais savoir, si vous avez un lien particulier et personnel avec ce festival ?

Harrison Ford : Pour moi, ce festival est un moyen important de présenter de nouveaux réalisateurs et de nouveaux films. Je suis venu à plusieurs reprises présenter de nouveaux films et j’ai toujours eu d’excellents moments ici. J’aime venir à Deauville, mais il n’y a pas de relation particulière entre moi et cette belle ville. Ce festival est un moyen excellent de présenter au public européen les films américains indépendants et il doit continuer à avoir cette importance.