Conference-de-Presse - Me and Orson Welles

Par Mulder, Deauville, 06 septembre 2009

Q : Bonjour, j’aimerais savoir pourquoi avoir choisi cette période de 1937, soit sa période théâtrale, savoir si pour vous, cette période est une période charnière dans sa carrière ? J’aimerais savoir aussi comment vous avez sélectionné Christian McKay ? C’est sa grande ressemblance qui a retenu votre attention ? J’ai aussi une question pour Christian McKay : comment vous êtes-vous mis dans la peau de Orson Welles et qu’est-ce qu’il est pour vous maintenant ? Pour tous les cinéphiles, c’est quelqu’un de très important.

Richard Linklater : Tout d’abord pour ce qui est du choix de cette partie de la vie d’Orson Welles, c’est que j’ai été séduit par le roman, qui avait été à l’origine du film, que j’ai lu il y a longtemps. J’ai trouvé que c’était très intéressant de mettre en lumière une partie de la carrière et de la vie d’Orson Welles, qui reste assez obscure pour le public. Il constitue un mythe : il a d’abord été un homme de théâtre, d’abord à Dublin et ensuite à New York. A partir du moment où il a commencé à fabriquer ces grands films, il est devenu la figure de cinéma que l’on connaît. Je pensais que c’était intéressant car le théâtre étant par excellence l’art de l’éphémère, qu’il était intéressant de capter, de capturer des instants et des épisodes de sa vie créative, qui était moins connue que les films qu’il a laissés. Il est de notoriété publique qu’il a été un grand directeur de théâtre. A partir du moment où je caressais le projet de faire ce film, je ne pouvais rien faire tant que je n’avais pas trouvé mon Orson Welles, la personne adéquate pour interpréter ce personnage. J’ai rencontré Christian McKay un peu par hasard dans un petit théâtre de New York, où il faisait un one man show. Les choses ont commencé à être plus concrètes et il est venu me rendre visite là où je vis et là le projet a pris corps. Cela a été un cadeau du ciel pour ce film qui m’a donné envie de le faire.

Christian McKay : Je pense qu’il ne faut pas considérer Orson Welles comme un monstre. Il faut regarder un personnage comme un être ordinaire, l’abaisser de son piédestal pour pouvoir l’incarner. Pour pouvoir me mettre à son niveau, je l’ai vu comme un jeune homme de 22 ans, arrogant, égocentrique, égoïste, perdu et je me suis tout à fait identifié à ce jeune homme de 22 ans, car moi-même, j’ai été un jeune homme de 21 ans, qui essayait de trouver sa voie dans la musique et j’avais autant de mal que lui et j’avais la même personnalité. Dieu merci, j’ai changé depuis, je ne suis pas resté un homme perdu et très occupé par lui-même, mais j’ai connu le même cheminement. Cet homme de 21 ans, qui avait une audace folle, qui rêvait de monter son propre théâtre, qui rêvait d’aller voir de mauvais acteurs incultes et de leur rendre Shakespeare accessible. Il a poussé la porte de CBS, il a rêvé de construire un théâtre fédéral, et il l’a fait. Il a rencontré une personne qui l’a aidé à construire ce théâtre Mercury. Il avait cette audace et cette confiance en lui qu’il appelait une audace donnée par l’ignorance, et je pense que c’est cela qui a impulsé sa créativité et qui a fait de lui un personnage extraordinaire.

Q : Comment s’est fait votre travail sur l’apparence de l’image de votre film et du travail du son ?

Linklater : Ce qui a fait tout le charme et le délice de ce film, c’est de faire un film d’époque. Il y avait une reconstitution et le fait de devoir recréer comme cela cette atmosphère créatrice d’une scène de théâtre, c’est quelque chose que l’on a fait à travers un travail de recherche. On est parti de photos de cette scène, de mémoires des personnes ayant vécu cette époque et on s’est basé sur ces données d’archives qu’on avait. Le rôle de la lumière a été prépondérant. Avoir à reconstituer minutieusement, cela a été quelque chose de complexe. On s’est attelé à cela avec mon chef-opérateur et on a essayé de recréer cette atmosphère de création. Ensuite est venu s’ajouter à la dimension visuelle la question de la musique, qui était aussi une question fondamentale dans le travail de Welles en tant que metteur en scène et on essayé d’incorporer cela à notre reconstitution.

Q : Une question pour Richard Linklater : la plupart de vos films sont assez originaux, soit dans la narration, soit visuellement et il y a seulement quelques films qui sont très classiques. Pour Me and Orson Welles, vous avez fait un choix plutôt classique. Pourquoi ne pas avoir été plus audacieux ?

Linklater : Je pense que faire du cinéma, c’est raconter des histoires. Chaque histoire appelle, suggère une façon précise d’être décrite. C’est le fond qui fait émerger une certaine forme, qui est la bonne forme pour cette histoire-là. Le compte tenu de cette histoire est vraiment une idée d’initiation, pas seulement pour le personnage central, mais aussi pour Orson Welles. C’est vraiment une étape de maturation, ce sont de jeunes hommes, qui se trouvent dans la vie et qui deviennent des hommes. Ce schéma là, qui est un schéma assez classique en littérature et en cinéma, cela imposait une forme assez classique, assez linéaire.

Q : Zac Efron a un rôle inhabituel pour lui dans ce film. Dans quelle mesure a-t-il eu un rôle important notamment pour réunir les fonds pour faire ce film et comment s’est fait son choix pour incarner son rôle ?

Linklater : Il se trouve qu’une fois que j’avais mon personnage, que j’avais Christian pour interpréter le rôle dans ce film, ma question restait de savoir quel était le jeune homme que nous allions trouver pour l’autre rôle important. Zac Efron s’est imposé parce que je l’ai rencontré, j’ai pensé à lui, au bout de cinq minutes j’étais sûr que c’était l’acteur qu’il me fallait. Je n’avais pas vu ses comédies musicales High School Musical. J’avais vu par contre Hairspray. J’avais une vague idée de qui il était. Quand j’ai pensé à lui, il a fallu que je le rencontre pour me rendre compte que c’était la bonne personne. Son nom ne m’a pas du tout aidé à financer le film. Puisque à Hollywood on a beau savoir qui il est, à partir du moment où il joue dans un film d’auteur, on dit que le public de ses films commerciaux ne le suivra pas dans un choix que lui fait. J’ai dû trouver mon financement ailleurs, en Angleterre. Ce film n’est donc pas un pur produit Hollywood. Je pense que pour lui-même, cela correspondait à un tournant important dans sa carrière. Il voulait passer à un autre type de rôle. Ce film lui a donné l’occasion d’offrir de lui une image nouvelle extrêmement brillante et pertinente dans sa carrière. Je pense qu’il a devant lui une grande carrière d’acteur.

Q : C’est quand même fabuleux que vous avez trouvé ce théâtre Mercury absolument mythique sur cette île perdue. Comment s’est fait ce choix et dans quelle mesure cela s’est complété, quand vous avez trouvé votre Orson et votre théâtre ?

Linklater : Ce qu’il faut savoir, c’est qu’aujourd’hui, c’est étonnant de voir qu’aucun plan n’a été tourné à New York même. Si vous allez sur la 41ème rue, vous verrez qu’il ne reste plus rien de ce théâtre. Nous avons reconstitué ce décor. A ce moment, le monde entier s’ouvre pour vous comme des décors potentiels. Je me suis donc dit pourquoi pas cette petite île, pourquoi pas l’Irlande ou l’Europe. Une fois que je suis allé su cette île, ce théâtre existait déjà. C’était un théâtre du début du siècle, qui était très beau. On a donc pas eu à le fabriquer et il se trouve que c’était le lieu parfait. La scène ressemblait beaucoup. Là aussi, on s’est basé sur les photos du Mercury de l’époque. La scène ressemblait beaucoup, il y avait une trappe, un niveau inférieur, qui permettait ces ouvertures. Le lieu était le lieu parfaitement adéquat. Une fois que j’avais trouvé mon acteur et ce théâtre, je me suis dit que la configuration était bonne. C’est ainsi que le film s’est fait. Le fait que cela soit dans un vrai théâtre est quelque chose.

Q : Cette adaptation de Jules César est une adaptation politique. Est-ce aussi une dimension qui vous intéressait ?

Linklater : Orson Welles a politisé réellement le propos de Jules César et cela a marqué les esprits que l’on continue à en parler tellement. Cela peut paraître banal aujourd’hui, de faire une représentation en costumes modernes de Shakespeare, mais à l’époque d’en faire un pamphlet n’était pas chose facile. En habillant les personnages de la pièce en gangster était nouveau pour l’époque et cela a donné un spectacle dépouillé. Cette pièce à petit budget a marqué beaucoup de personnes par son inventivité et son côté avant-gardiste. Je ne suis pas un spécialiste de Shakespeare. J’ai donc travaillé avec un dramaturge et on a pris réellement le texte original et la façon dont il a déconstruit la pièce pour proposer ses propres adaptations. Vous voyez donc dans ce film le génie à l’œuvre et cela m’a beaucoup épaté. Cet homme était un grand spécialiste de Shakespeare et voir comment il a procédé et comment il s’est approprié le texte de Shakespeare en s’appropriant des choses, en rendant le personnage de Brutus un personnage considéré comme un héros. Pour moi, il y a eu aussi une résonance personnelle, car il se trouve qu’à l’age de douze ans, j’avais mis en scène aussi Jules César à l 'école. C’était une sorte de clin d’œil assez drôle avec ma vie personnelle. Cette pièce et cette histoire me revenaient avec une production aussi unique.