Conference-de-Presse - On the ice

Par Mulder, Deauville, 04 septembre 2011

Andrew Okpeaha MacLean Q : Pour quelle raison avez-vous eu envie de travailler avec des adolescents de cette région, près du cercle arctique ?

Andrew Okpeaha MacLean : Pour moi, la région de l’Alaska est quelque chose qui m’a toujours fasciné et les jeunes aujourd’hui de cette région sont tiraillés entre deux choses qui peuvent paraître contradictoires, c'est-à-dire à la fois la tradition et les nouvelles technologies (internet). Ce peuple des Inuits est un peuple qui a de très anciennes traditions (plusieurs fois centenaires), qui font partie de leur entité. Pour ces jeunes, internet est une nouvelle donne, un accès à la musique et à la culture urbaine. A l’époque, internet, avec tout ce que cela implique, a modifié leur vie. Tous ces jeunes adolescents mélangent ces deux choses et les utilisent pour exprimer qui ils sont vraiment.

Q : Pouvez-vous nous dire pour quelle raison cette histoire, comme vous l’avez dit, vous touche personnellement, comment l’avez-vous reçue ?

MacLean : Le film n’est pas autobiographique. Je n’ai tué personne. Mais c’est un film évidemment par le lieu, les personnages qui sont plus ou moins basés sur des gens que je connais moi-même, qui m’est proche. De part des éléments autobiographiques, des éléments inspirés par la réalité, je voulais faire un film qui soit aussi réel que possible, un film où l’on puisse ressentir ce que c’est de vivre en Alaska de nos jours. J’ai vu beaucoup de films qui ont été tournés dans le cercle arctique, mais ils n’étaient pas réalistes à mon sens. L’histoire n’est pas basée sur un élément en particulier, mais sur plusieurs petits morceaux d’histoires qui se sont passées. Il y a eu des meurtres en Alaska et je m’en suis inspiré pour ce film. Par exemple, il y avait cette personne que je connaissais au lycée et qui, plusieurs années plus tard, a fini par tuer quelqu’un. Pour moi, ce fut une grande surprise, car à l’époque, personne n’aurait pensé que cette personne aurait pu tuer quelqu’un. Il y a donc eu un meurtre et les protagonistes ont caché le corps et en fait quelque part les amérindiens ne les ont pas retrouvés, car ils se sont cachés. La culpabilité, un an plus tard, l’a fait se rendre et ils l’ont retrouvé ainsi.

Q : Par rapport au cinéma amérindien, qui est un cinéma beaucoup plus développé qu’on le pense, avez-vous des contacts avec les autres réalisateurs ? Il y a toujours le poids de la tradition dans ce cinéma-là et en même temps une certaine modernité, qu’en pensez vous ?

MacLean : Effectivement, il y a un film en particulier qui me revient à l’esprit par rapport aux cinéastes amérindiens, c’est Fast runner qui a été présenté en 2001 au festival de Cannes et le réalisateur nous a aidés pour notre film. J’ai en effet rencontré beaucoup d’autres réalisateurs amérindiens et indigènes du cercle arctique dans différents festivals, comme Sundance. Tous ces réalisateurs et tous ces films ont eu une influence sur mon travail, que cela soit de manière consciente ou inconsciente.

Q : J’aimerais savoir comment s’est déroulé le casting de votre film ? Vos acteurs sont-ils de l’Alaska ?

MacLean : Concernant le casting, tous les acteurs dans le film jouent pour la première fois. Ce ne sont pas des acteurs professionnels et je savais que cela serait comme cela, car il y a très, très peu d’acteurs avec une grande expérience de la comédie de cet âge-là en Alaska. C’était aussi important pour moi de travailler non pas avec des acteurs professionnels, mais plutôt avec des gens, des adolescents qui connaissent la région, les enjeux, la vie dans cette région de l’Alaska. C’était pour moi le plus important. Pour cette région, mes producteurs, mon équipe technique et mes cameramen avons voyagé pendant assez longtemps un peu partout sur le cercle arctique, au Canada, en Amérique du Nord, en Alaska et avons trouvé tous les acteurs les uns après les autres dans la rue, des supermarchés. On les a fait venir, on leur a fait des lectures. On a rencontré des centaines et des centaines de gens et quelque part pour nous cela a été très bénéfique, car nous avons discuté avec eux et cela nous a nourri pour fabriquer le film. Il y a un seul acteur dans le film qui vient du Canada, tous les autres viennent de l’Alaska. Je connais depuis très longtemps les deux acteurs principaux. Travailler avec ces acteurs non professionnels a été une expérience parfois difficile, mais très intéressante et sûrement le meilleur moment de fabrication de ce film. On a fait des répétitions pendant un mois et cela a été l’élément déclencheur de l’alchimie qui a pu se créer entre les acteurs et moi de manière à ce qu’ils soient le plus détendus possible.

Q : Avez-vous rencontré des difficultés climatiques particulières pour le tournage ?

MacLean : Effectivement, le tournage a été difficile à cause des températures très basses, soit des fois moins trente degrés, mais je savais que ce sera comme cela et je m’y étais préparé. Par contre, on a rencontré deux autres problèmes de taille. Le premier, c’était le fait de tourner sur un océan gelé, qui change tout le temps et il fallait faire attention notamment aux vents, à la force du vent, tout le décor pouvait se retrouver très proche de la Russie, cela pouvait être très dangereux, il fallait toujours tenir compte de ce genre de choses, savoir à quel moment tourner. Ce fut quelque chose de contraignant. L’autre problème fut la présence des ours polaires, car il y en avait beaucoup sur les lieux de tournage. On avait toujours quelqu’un pour jeter un œil aux alentours et ils devaient être armés afin de pouvoir intervenir si un ours polaire aurait eu l’idée de venir manger un membre du tournage.

Q : Pourquoi ce film vous est très personnel ?

MacLean : J’ai grandi dans une ville qui s’appelle Barrow en Alaska et c’est une communauté qui est très étroite et très soudée. La moitié de la ville sont parfois les membres d’une même famille. On est ainsi tous les membres de la même famille. Ma mère avait ainsi cent-vingt-cinq cousins au premier degré. Chacun de ces cousins ont eux-mêmes des familles très, très importantes. Quelque part, c’est assez amusant, lorsque je voyage dans le monde et que je croise des gens qui viennent d’Alaska, la première chose que l’on se demande, c’est de savoir si on est de la même famille. Après en avoir discuté avec la plupart de ces personnes, on se rend compte que bien souvent, on est en effet de la même famille. On est tous reliés aux uns et aux autres. Ces liens, même si on est éloigné, restent assez forts. Le film a été tourné dans la ville dans laquelle je suis né et à chaque fois qu’il y avait des scènes dans lesquelles j’avais besoin de figuration, des scènes de foule, il me suffisait de passer quelques coups de fil.