Conference-de-Presse - Shirley MacLaine

Par Mulder, Deauville, 04 septembre 2011

Shirley MacLaine Q : Tout d’abord, c’est un grand honneur pour nous de vous accueillir ici. Je voulais savoir : vous avez exercé le métier de présidente des Etats-Unis à l’écran et j’aimerais avoir votre opinion, comme vous avez été militante pour le droit des femmes, sur le président américain actuel, ce qu’il a apporté et n’a pas apporté ?

Shirley MacLaine : Je pense que le président Sarkozy est mignon et cela le sert bien, je crois, dans sa politique et j’aime beaucoup son épouse et ses chansons et son état d’esprit. Je pense pareil pour le président des Etats-Unis.

Q : Vous avez dansé, chanté, joué la comédie, écrit des livres et réalisé. J’aimerais savoir dans ce mixte incroyable de cette carrière fabuleuse, ce qui vous donne toujours autant de plaisir actuellement, voire ce qui vous a donné le plus de plaisir à exercer ?

MacLaine : Je dois vous dire que pour faire toutes ces choses, il faut beaucoup voyager, donc le plus grand plaisir pour moi, c’est de me retrouver dans un avion et de voyager facilement, car je trouve cela difficile et une des autres grandes joies de ma vie est mon chien. Pour pouvoir doubler mon plaisir, j’ai pris deux chiens. A mon âge, c’est important.

Q : C’est un grand honneur et un rêve de vous rencontrer ici, puisque vous avez joué avec de très grands acteurs au cours de votre carrière. J’aimerais savoir quel est votre meilleur souvenir de collaboration, le plus grand acteur avec lequel vous avez tourné et apprécié sa présence, celui qui embrasse le mieux et a contrario celui avec lequel vous avez eu la pire expérience. Moi en qualité de journaliste, ce fut Anthony Hopkins. J’ai cru comprendre que vous non plus, vous ne vous êtes pas non plus beaucoup amusé avec lui. Pouvez-vous nous en parler ?

MacLaine : Je vous dirais pour moi que mon meilleur souvenir est le plus récent, car c’est pour le dernier film dans lequel j’ai tourné, Bernie, avec un acteur qui s’appelle Jack Black, que vous devez connaître. Il a été adorable ! Se réveiller chaque matin à 5h30 était un vrai régal, car je savais que j’allais passer la journée avec lui. Pour ce qui est des plus mauvais, je ne sais pas. Vous faites allusion à Sir Anthony Hopkins. Je ne sais pas à quel moment de sa vie et de sa carrière vous avez eu affaire à lui. Effectivement, j’ai eu des démêlés avec lui, car quand on a tourné ensemble, ce fut une période difficile pour lui, il venait d’arrêter de boire. C’était une période délicate de sa vie, mais depuis on s’est rabibochés. Il ne ressemble pas vraiment à Hannibal Lecter.

Q : Appréciez-vous le cinéma français, si oui plus particulièrement lequel ? Je vous avais vu à Paris au Casino de Paris et ce fut un grand moment.

MacLaine : Oui mais tous ceux que j’aimais sont morts ou à la retraite.

Q : J’aimerais savoir si vous croyez encore en la réincarnation ?

MacLaine : Je ne vais pas répondre à cette question à la légère, car c’est pour moi une question importante, sur laquelle nous devrions nous pencher. Nous devrions vraiment nous interroger à cet effet sur la mémoire de notre âme. Je pense que si tout le monde le faisait, le monde dans lequel nous vivons serait plus paisible. Je dirais que de toutes les expériences de conférences de presse que j’ai eues à travers le monde, la plus intelligente a eu lieu en France. Je crois qu’en France, on a une certaine appréciation de la vérité charismatique. Si cela vous intéresse, on peut approfondir cette question. Je me souviens de deux conférences de presse sur deux films dans lesquels je participais qui sont passé de conférences à l’état de séminaires. Cela vous tente ? Je crois que ce sont mes livres qui intéressent les gens.

Q : Que pensez-vous du cinéma américain actuel ?

MacLaine : Je dirais vraiment que le cinéma américain, celui des studios hollywoodiens maintenant ce n’est plus qu’une affaire de marketing. Je crois que l’époque des histoires audacieuses, qui nous faisaient réfléchir, qui apportaient un peu de fraîcheur et de pensée font partie d’un temps révolu. Aujourd’hui, il s’agit tout simplement d’utiliser le dernier outil technologique. J’en ai marre personnellement d’aller m’asseoir dans une salle de cinéma pour voir quel est le dernier objet qui va me sauter à la figure, grâce à la 3D. L’âge d’or du cinéma était celui des histoires qui réveillaient les consciences des spectateurs.

Q : J’ai beaucoup aimé vous voir dans des rôles de femmes de caractère, bourgeonnes, râleuses. Quelle est la dernière chose qui vous a mis en colère ?

MacLaine : C’est le dernier sujet qui m’a mis en colère.

Q : C’est la deuxième fois que vous êtes honorés lors du festival américain de Deauville. Avez-vous eu un droit de regard sur le film projeté lors de cet hommage ? L’avez-vous choisi ? Auriez-vous préféré voir un autre film lors de celui-ci ?

MacLaine : Le film que j’aurais voulu voir ici est Tendres passions, mais il y a eu des problèmes sur les termes de la disponibilité de la copie, je ne sais pas exactement quoi. Je n’ai pas été consultée véritablement. Je suis heureuse du choix.

Q : Par rapport à vos chiens, pensez-vous comme mon père que ce sont vos seuls et uniques amis ? Mon autre question est de savoir si par rapport à la réincarnation, est-ce pour changer le cheminement de votre âme et comment on peut combiner la quête du changement et en même temps être une vedette à Hollywood ?

MacLaine : Je fais assez peu de différences entre la création du réel au cinéma et la création de notre réalité. Je pense que c’est la même chose. Les deux sont les fruits de notre imagination qui est selon les dires d’Einstein le talent le plus précieux que nous avons tous et finalement nous faisons la même chose. Quand vous faites un film, chaque jour, une journée de tournage qui s’annonce est une journée pour laquelle vous devez créer un costume, une coiffure, un maquillage, un comportement, des dialogues et finalement vous faites la même chose dans votre vie. Chaque jour, vous faites des choix qui émanent de votre souhait de voir cette journée se défiler dans votre vie. Les choix que nous faisons dans une vie ou dans plusieurs vies sont pour moi un objet d’études absolument passionnantes. Je crois que si nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles nous créons nos vies sur ce modèle-là, cela nous permettrait de mieux comprendre ce que vous désignez justement comme la trajectoire de l’âme. Les chiens comprennent mieux cette trajectoire de l’âme que les hommes à mes yeux. Pour moi, il suffit de regarder un peu autour de moi, quand je regarde les gens qui m’entourent que cela soit le commun des mortels ou de grands scientifiques, des mathématiciens ou des hommes politiques. Je remarque qu’ils ont tous une quête commune, celle de Dieu. A partir du moment où l’on observe cette communauté-là, pourquoi n’aurait-on pas un examen plus scientifique et plus objectif de cette question-là et de cette quête-là. Il est incontestable que toutes les guerres que nous voyons autour de nous sont souvent déclenchées et menées sur cette question-là, sur une différence d’interprétations de Dieu. Vous remarquerez que le mot chien en anglais et à l’envers signifie Dieu.

Q : Par rapport à tout ce que vous venez de dire, comment préparez-vous un rôle au cinéma ou sur scène ?

MacLaine : A vrai dire, je ne prépare pas, je lis le scénario et c’est tout, car je ne veux pas négliger les éléments essentiels de mon interprétation à venir, que sont les gens avec qui je travaille les autres acteurs, le metteur en scène, l’éclairagiste. Ce sont eux qui vont déterminer mon jeu. A ce titre, il y a quelque chose d’assez intéressant que je peux vous dire. Je reste à la base une danseuse. A la base même quand j’apprends mon texte, je l’apprends avec des mouvements du corps. Si j’associe un dialogue à un mouvement, cela me permet de me le remémorer. Ma technique est encore une technique corporelle, même pour réciter mes textes. C’est pour cela que je ne peux pas préparer, car tous mes mouvements sont conditionnés par les gens qui m’entourent à l’instant du tournage. Il faut que tout le monde soit là pour travailler. J’ai la démocratie en moi.

Q : En tant qu’adoratrice des chiens, que pensez vous des chats ?

MacLaine : J’adore aussi les chats, car je les trouve extrêmement mystérieux et ils savent en fait être sournois sans se sentir coupable. J’adore voir les jeux entre les chiens et les chats.

Shirley MacLaine Q : Vous avez évoqué tout à l’heure le nouveau cinéma américain en disant que vous n’aimiez pas l’évolution technologique. Ne pensez-vous pas que cette évolution a rendu plus bête l’être humain et a abaissé son niveau de création et donc que les bons scénarios sont rares ?

MacLaine : Je crois que la technologie est en train de pervertir la communication émotionnelle. D’une part, cela facilite les échanges et par ailleurs cela les perverti totalement. Je suis effarée parfois, quand je rencontre de jeunes gens. Nous avons rendez-vous pour parler de la vie, de l’amour, de la recherche du bonheur et pendant qu’ils sont en train de discuter avec moi, ils envoient aussi des textos ou quand je vais au cinéma avec l’espoir de découvrir un film qui va me plaire, je les vois, eux, qui ont un œil sur leur I-phone et sur l’écran du cinéma. Je pense qu’il y a vraiment une dimension presque schizophrène de la vie, qui est induite par ces outils-là. Moi, j’aime bien prendre mes notes sur des papiers et savoir qu’il suffit de tourner la page pour les retrouver. J’en suis restée à cela et je ne veux pas du tout me laisser entraîner dans cette furie de vitesse, qui est censée faciliter l’échange entre les êtres, mais qui finalement rend la connaissance de l’autre un peu vaine et un peu insignifiante. Je pense que ce qui compte vraiment, c’est la connaissance émotionnelle et que sous prétexte de rendre les relations pour les échanges plus rapides, on les rend plus vides. Il faut aussi que l’on ait des codes pour communiquer. Cela ressemble presque à une démarche attentionnelle pour maintenir les gens à l’écart des uns et des autres. On perd même les réactions suscitées par la voix, on ne sait plus ce que c’est qu’une intonation, qui dénote une humeur ou une intention dans le discours. On ne sait plus ce que sont ces silences entre les mots, qui sont plein de sens. On se contente pendant que l’on mange ses épinards d’envoyer un texto pour en rendre compte. La seule chose que je puisse approuver, ce sont les livres virtuels, car au lieu d’abattre des arbres pour faire du papier, on a trouvé un moyen plus écologique de permettre aux gens de continuer à lire. Je pense vraiment que l’enjeu est très sérieux. Ce n’est pas juste de l’ordre de l’anecdote. C’est qu’à partir du moment où le geste de l’intention de la communication des personnes avec lesquelles vous êtes censées établir un échange se limite au fait d’appuyer sur un bouton, on ne sait même plus si la communication a eu lieu. Vous ne savez pas si on ne vous répond pas parce qu’on n’a pas l’intention de vous répondre ou juste que l’on n’a pas appuyé sur le bon bouton. On perd le sens même de la vérité. On ne sait plus où est la vérité. J’ai du mal à croire que ce n’est pas intentionnel.

Q : Il y a dix ans, le 11 septembre, un acte inqualifiable a eu lieu. J’aimerais avoir votre sentiment sur cet événement et sur son impact sur le cinéma et l’Amérique.

MacLaine : C’est une question immense que vous me posez là. J’ai du mal à savoir si les Américains sont allés encore plus loin dans la peur ou alors est-ce qu’ils sont encore plus sur la voie de l’évitement. En tout cas, je pense que les attitudes se sont encore exacerbées davantage et j’ai beaucoup aimé ce que le Dalai Lama a dit : ne réagissez pas avec violence et émettez autant de lumière que vous pouvez envers celui que vous désignez comme votre ennemi. Je pense que c’est la bonne façon de réagir à cet événement. Récemment, on m’a fait part d’une citation d’Einstein que j’aime beaucoup. Il dit que le hasard c’est le nom que se choisit Dieu quand il décide de se déplacer incognito. Un ange passe.

Q : Vous avez fait part de ce que vous pensez de la nature animale envers les chats et les chiens. Avec votre expérience hollywoodienne, que pensez-vous de la nature humaine ?

MacLaine : Je crois qu’à partir du moment où les gens ont une soif de gloire et où leur activité consiste en une incarnation de la nature humaine, en une description de la vie humaine, finalement la seule chose à laquelle ils aspirent c’est une reconnaissance, c’est une forme d’amour. Les formes que cela peut prendre sont dues à une dépravation. En raison de cette dépravation, cela peut devenir cette jungle que l’on décrit, où l’on se bat à coups de couteau. Moi, je me dis qu’à partir du moment où cela est question de personnes qui ont la reconnaissance à laquelle ils aspirent et qu’ils ont des modes d’expression et des domaines dans lesquels ils peuvent s’exprimer, ces couteaux ne sont pas si aiguisés que cela. Mais cela reste aussi paradoxalement le territoire où la vérité est révélée, où l’on traite de la vérité humaine bien plus qu’on le fait ailleurs et bien plus qu’on le fait à Washington, car la matière dont on traite est celle de l’émotion humaine. Je suis persuadée que les services secrets les plus pointus, les plus redoutables pour des raisons obscures seront toujours plus honnêtes vis-à-vis de Hollywood qu’ils le seront vis-à-vis de la Maison blanche ou de Washington, car ils savent que le cinéma, c’est par excellence le lieu de la transmission de la culture et cela est un sujet qui leur tient à cœur. Je m’insurge vraiment contre cette tradition du récit qui est fait de la vie extraterrestre dans les films hollywoodiens, car je trouve que la question est prise à la légère. Je pense que l’on a beaucoup à rendre de ce qui nous viendrait de la vie telle qu’elle est menée en dehors de la Terre et il faudrait en donner une vision plus juste. C’est sans doute plus convivial de façon à ce que l’on puisse se préparer à cet échange le jour où il aura lieu d’être.

Q : Est-ce que vous pensez que les rôles qui vous ont choisis vous ont donné une tribune pour prendre opposition sur des questions qui vous tenaient plus à cœur ?

MacLaine : Il se trouve aussi que je suis fille d’enseignants et c’est de ce terreau-là que je viens. La réponse est oui à votre question.

Q : Je vois régulièrement votre téléfilm qui s’appelle « These old broads » et je me demandais si vous avez gardé un souvenir de ce film et si vous avez eu plaisir à le faire ?

MacLaine : Ce dont je me souviens, c’est quand le film La Garçonnière venait de sortir, il y a eu une critique dans le New York Times qui disait que Billy Wilder, Jack Lemmon et moi n’arrivions pas à nous décider dans ce film pour savoir si nous faisions une comédie ou un drame. Ce critique n’avait rien compris, car tout le sujet du film était de dénoncer les manipulations dans le monde de l’entreprise et à propos, je me permets de signaler que si aujourd’hui à Hollywood la seule valeur qui tienne est celle du marketing et du commerce, c’est que les grandes entreprises ont la main mise totale sur Hollywood et que ce sont eux qui font la loi du cinéma américain. A l’époque, c’était cet enjeu-là qui était assez nouveau et que l’on a voulu décrire dans le film et le public l’a très bien compris. Les critiques sont passées à côté, mais le film a trouvé son public, ce qui prouve que très souvent le public a d’avantage accès aux subtilités d’une histoire et d’une narration que les critiques dont c’est la spécialité. Pour ce qui est de vous raconter des histoires ou des anecdotes, il y en a à l’infini, la plus savoureuse peut-être, c’est la toute première projection au public, c’était dans une grande salle où toute la crème du métier était présente. On a assisté à la projection du film et à la fin, dès que les lumières se sont rallumées, je me suis précipitée pour ne pas être là pour le verdict de la salle et je me suis rendu dans le couloir et là j’ai vu Marylin Monroe en face de moi, enveloppée dans son manteau de fourrure et très gentiment elle a fait un geste pour que je m’approche d’elle. Je suis allée la voir, je l’ai saluée et elle m’a dit que c’était un merveilleux film et à ce moment là elle a écarté son manteau de fourrure et elle était toute nue. C’est ce que j’appelle la vérité tout nue : the naked truth. C’est la plus belle histoire qui me reste de ce film-là.