Conference-de-Presse - Jess + Moss

Par Mulder, Deauville, 06 septembre 2011

Clay Jeter Q : Pour moi, ce film qui ne montre pas beaucoup de choses montre et fait ressentir. Je pense qu'il faut avoir vécu plusieurs choses pour ressentir cette histoire. J'aimerais que vous nous disiez d'où vous venez, de la photographie peut-être ? Cette histoire de la mémoire est quelque chose de très important, car c'est quelque chose qui est refoulé. Ce film est peut-être une thérapie pour certaines maladies ? Quant aux pratiques de l'autohypnose et de l'autosuggestion, elles sont suggérées dans votre film.

Clay Jeter : Par rapport à mon expérience avant de faire ce film en termes de lieux, je suis né dans le Kentucky, qui est l’endroit que vous voyez dans le film. Ma famille avait une ferme de tabac, c'est d'ailleurs dans la ferme que le film a été tourné. C'est l'endroit précis de mon enfance que vous venez de voir dans ce film. Quand j’étais jeune, je voulais devenir un acteur et c'est pour cette raison-là que j'ai étudié dans l'université de Los Angeles dans laquelle j'ai étudié la cinématographie et la photographie. Pour moi, le thème de l'image a toujours été important. Lorsque je suis sorti de l'université, pendant quatre ans j'ai pas fait grand-chose, je dirais. Il y a un an environ, j'ai rencontré Sarah et on a décidé de faire ce film ensemble. C'est vrai qu'il s'agit d'un film qui parle de mémoire, du cerveau humain. Bien sûr, comme vous l'avez précisé, il demande de la part des spectateurs d'apporter beaucoup de choses, leurs propres expériences. Quelque part pour moi, c'est très important ici, quelque chose à quoi j'ai pense dès le départ, car je voulais faire un film sur la mémoire, sur le thème de la mémoire et c'est donc vrai de la part des spectateurs, il faut qu'ils apportent des choses de l'enfance, des étés qu'ils ont pu passer ensemble, des relations qui ont pu se nouer à ce moment-là. Je n'ai pas voulu dans ce film montrer le passé de ces personnages, leurs expériences, je voulais montrer la façon dont ils ressentent les choses, comment ils gèrent ces douleurs qui proviennent du passé. Pour moi, c'est quelque chose qui est formidable, quand je parle avec les différents spectateurs dans les festivals, des gens qui ont pu voir mon film, c’est que ces personnes me disent justement, moi, tel passage dans le film m'a rappelé que moi-même, quand j'étais enfant, j'avais eu des expériences similaires avec un copain, un cousin, on était dans le même genre d'endroits et c'est important de faire un film qui soit suffisamment ouvert pour que beaucoup de spectateurs lui apportent des choses qui leur sont propres. Ils voient ainsi le film différemment à chaque fois et c'est vrai que quelque part, c'est aussi à chaque spectateur d'apporter quelque chose comme cela : ses propres secrets, ses propres thématiques et les mélanger avec ce film. Ils remplissent ainsi avec leurs propres expériences les zones d'ombre du film. C'était une intention que l'on avait dès le départ. C'est vrai que dès le départ quand on a voulu faire ce film, on savait que l'on n’aurait pas beaucoup d'argent, mais je savais qu'il y avait beaucoup de choses positives qui allaient m'aider à faire ce film. La première chose est qu'il y avait des gens formidables autour de moi. Sarah et moi, on était déjà ensemble depuis un an et je savais qu'elle allait faire partie du film. Je voulais vraiment faire quelque chose avec elle. Je voulais aussi tourner dans la ferme de mes parents et dans ce domaine qui était en fait la maison de ma grand-mère, décédée en 1998, qui me rappelle beaucoup de choses. Je savais que j'avais cette formidable maison dans laquelle je voulais tourner mon film. Je voulais aussi filmer ce film sur pellicule et non pas sur du numérique. Nous avons un amour organique de la pellicule, mon directeur de la photographie et moi, et cela fait depuis très longtemps que nous faisons la collection de bobines de films de différents types. Des bobines de films qui sont parfois très récentes et parfois aussi très anciennes. Le film que vous avez vu a été filmé sur une trentaine de pellicules différentes et sur certaines de ces pellicules, la date limite d'utilisation était périmée depuis trente ans. Lorsqu'on filme avec ce genre de pellicule, on ne sait vraiment pas ce qui va se passer. Il y avait cette part de mystère par rapport au résultat qu’on allait obtenir. On revient encore sur le thème de la mémoire, c'est-à-dire que certains souvenirs sont encore très clairs. On se souvient encore de la moindre respiration de tout, les pellicules qui sont récentes ne sont pas faites pour cela. Il y a encore certains souvenirs que l'on se ressasse encore et encore. De ce fait, les souvenirs peuvent se délaver dans le temps et prendre une couleur, une texture qui est propre dans notre cerveau. Pour cela, utiliser certains films qui étaient très anciens c'était intéressant. On ne pouvait pas savoir qu'il y aurait ce changement de la saturation des couleurs, qui allait servir ce thème de la mémoire, cette fois-ci de manière très visuelle. J'ai toujours été fasciné par ce thème de la mémoire, car c'est à mon sens ce qui fait d'un être humain un être humain. Ce lieu était très important pour moi, c'était celui où mon grand-père a vécu dans le passé et où ma mère a vécu avec ses frères. Il s'agit aussi d'un endroit où j'ai passé beaucoup de temps avec mes amis. C'est aussi un endroit générationnel, qui me rappelle beaucoup de choses.

Q : Comment avez-vous présenté le rôle à Sarah ? Comment a-t-elle pu travailler avec peu de choses ? Avez-vous joué sur le côté émotionnel ?

Sarah Hagan : En fait, c'était difficile pour moi, car déjà au départ, le film devait être un court-métrage, puis tout d'un coup, c'est devenu un long. Ce fut difficile pour moi d'apporter quelque chose. J'ai commencé par avoir un petit peu peur de la préparation pour ce personnage qui était difficile, mais avant de tourner, on a beaucoup discuté pendant un an avec Clay. Cela m'a aidé petit à petit à savoir qui serait ce personnage. Clay m'a donné quelques clefs et j'ai aussi apporté beaucoup de mon passé. J'ai mélangé mon passé et le passé fictif de mon personnage tel qu'il était écrit pour pouvoir apporter cette texture à mon personnage. Pour moi, il y a aussi quelque chose qui est très important à l'écran, c'est l'alchimie qu'il y a entre les personnages de Jess et Moss. Cela a été aussi difficile pour moi. Pour ma préparation en tant qu'actrice, le fait de rencontrer uniquement une journée avant le début du tournage l'autre acteur principal, pour apprendre à se connaître, ce fut difficile. Pendant le tournage et les étapes de préparation, à chaque fois que le réalisateur sortait avec le chef de la photographie pour établir quelle serait la marche à suivre pour le prochain plan, je partais avec Austin et on discutait beaucoup ensemble. On a ainsi appris à se connaître pendant le tournage et l'alchimie a pris.

Sarah Hagan

Jeter : C'est vrai, on a parlé un peu avec Sarah de quelques éléments traumatiques spécifiques qui auraient dû se passer dans sa vie, mais très, très vite on a décidé de ne pas les faire voir à l'écran. Mon objectif n'était pas de faire un film pour choquer les gens avec quelque chose qui aurait pu se passer de manière très traumatique. Je voulais garder cette part de mystère et garder le ressenti de ces personnages. Je ne voulais pas donner de conclusion. Je voulais que tout cela reste très ouvert. Je voulais garder cette alchimie qui existe entre les deux personnages, sachant que pour moi, ce fut également très difficile, car les deux acteurs étaient en train d'apprendre à se connaître. Avant cela, j'ai fais passer beaucoup d'auditions et j'ai décidé de ne pas les faire connaître trop vite. J'ai décidé de mettre l'acteur principal et l'actrice principale dans une même maison et tout ce qu'ils ont pu faire, c'était de se parler.

Q : Pouvez-vous approfondir votre préparation ? Puisque vous êtes ensemble dans la vie, était-il difficile de travailler ensemble pour vous sur ce film ? Étiez-vous toujours d'accord ? Avez-vous eu des différents pendant le tournage ? Comment les avez-vous résolus ?

Jeter : En fait, il a été formidable pour moi de travailler avec Sarah, car c'est une superbe actrice. Pour elle, cela n'a pas été très facile, car c'est une actrice qui a déjà une bonne expérience, est habitué à des tournages avec des caravanes pour les acteurs, des toilettes ou de l'eau. Nous, on n’avait pas tout ce luxe. Par exemple, la maison dans laquelle on a tourné est une maison qui est vraiment abandonnée. En plus dans le Kentucky en été, il fait très chaud. Il fallait en effet que l'on attende plusieurs heures le bon moment de tournage. Le scénario n'était pas écrit dès le départ. Sarah était habituée à avoir dès le départ un scénario qu'elle apprend, mais nous tous les soirs, avant d'aller nous coucher, on était en train de réfléchir à ce que l'on pourrait inventer le lendemain. Pour elle, cela a été très compliqué, mais elle s'y est fait très rapidement. On était surtout en train de chercher l'inspiration avec le paysage par exemple. On était toujours prêt à tourner quelque chose qui pourrait servir de fil conducteur en fonction des événements. Par exemple, si le matin, il y avait une tempête, on écrivait une scène qui se passait dans une tempête. Si par exemple, on était en train de rouler avec la voiture et qu'on passait devant un champ très beau, on s’arrêtait et on prenait un plan. Ce fut en quelque sorte un processus expérimental, qui était difficile à travailler. De son côté, Sarah s'est beaucoup préparée, on a beaucoup discuté. Je savais que Sarah allait réagir de la meilleure manière pour son personnage. On ne s’est donc pas vraiment disputé pendant le tournage, car elle était très préparée et savait précisément ce que j'attendais d'elle. De plus, nous n'avions pas non plus le temps de nous disputer, car, comme vous le savez, le film était tourné sur pellicule, cela coûte donc très cher. L'équipe était aussi très réduite, ce qui a fait que tout s'est très bien passé sur le tournage. Parfois sur certaines séquences, nous n'étions que trois. C'est-à-dire que dans certaines scènes, il n'y avait que moi, Sarah, et Austin qui étions présents sur le tournage. Ce fut un tournage intimiste. Par moments, il y a eu effectivement quelques petites disputes, comme cette séquence qui se passait sous la pluie et où il faisait très froid. C'était au mois de mars. J'étais habillé avec un grand manteau et Sarah était en t-shirt et devait apparaître frigorifiée. Elle l’était vraiment et en plus, je lui balançais des seaux d'eau sur la tête.