Conference-de-Presse - Naomi Watts

Par Mulder, Deauville, 09 septembre 2011

Naomi Watts Q : Après Shirley MacLaine et Francis Ford Coppola, ne vous trouvez-vous pas trop jeune pour recevoir un hommage totalement mérite, ici à Deauville ?

Naomi Watts : C'est toujours bon de s'entendre dire qu'on est jeune, cela n'arrive pas tous les jours. Je suis très honorée et j'accepte avec beaucoup d'humilité cet honneur qui m'est fait ici.

Q : Tout d'abord merci d'être là, car vous avez été très occupée récemment. J'ai une question sur les deux films que vous avez tourné cette année : pouvez-vous nous parler de ces films que nous n’avons pas pu voir ? Quel regard avez-vous sur cet hommage ?

Watts : Moi non plus, je ne les ai pas encore vus ces films, mais ce dont j'ai envie de vous parler, ce sont mes expériences de tournage : le travail avec Clint Estwood a été un moment vraiment mémorable de ma carrière. C'est un vrai tournant, les journées ont été extrêmement remplies, tellement courte en fait, Clint est un homme d'un talent immense que j'admirais déjà auparavant. Il a une idée extrêmement précise de ce qu'il attendait des uns et des autres. Il est entouré d'une équipe très présente et très professionnelle, qui arrive presque à réagir avant qu'il murmure. Chacun fait son travail de manière consciencieuse. On y apprend énormément. J'avais six heures de maquillage par jour et pourtant, j'ai eu l’impression de beaucoup apprendre et que le temps passait vite. Ce fut un petit rôle dans une grande histoire et cela représente beaucoup pour moi. Pour ce qui est du film de Jim Sheridan, je connais aussi bien Rachel Weisz que Daniel Craig et cela a été un très beau projet sur lequel j'ai pu travailler.

Q : J'aimerais savoir ce que c’est pour vous d’être comédienne ? Quelle est l'évolution que vous-même vous sentez que vous avez pu prendre ?

Watts : Je crois qu'avant tout, un film est un outil entre les mains d'un réalisateur, c’est son moyen d'expression. En qualité d'actrice, je prends un grand plaisir à faire partie de cette démarche-là. Je pense que ce que j'essaye de faire, c’est de permettre aux réalisateurs d'atteindre ce qu'il y a de plus vrai, de plus authentique au plus profond de moi. Si cette vérité-là qu'un réalisateur arrive à extirper de vous permet aux spectateurs de créer un lien avec d'autres ou mieux encore d'avoir accès à une part inédite d'eux mêmes, j'estime alors que ma mission est atteinte. Ce que je cherche en ce métier-là est cette ambition. En tant que spectatrice, c'est aussi ce que j'attends d'un acteur ou d'une actrice : c'est de me permettre de mieux me comprendre moi-même. C'est cela qui m'a fait appréhender ce métier-là. Avec l'âge, avec l'expérience, ce qui change est l'approfondissement de ce processus. L'âge vous apprend à avoir une vision plus profonde des choses. Sur le plan personnel, ce qui a changé par rapport à l'approche à mon travail est la naissance de mes enfants. Je crois qu'à partir du moment où vous avez des enfants, votre focalisation change, vous êtes beaucoup moins intéressé par vous-mêmes. Votre attention se porte alors sur d'autres. Concernant votre travail, les questions ne sont plus les mêmes, la première question est de savoir où l'on va tourner réellement le film et combien de temps cela va durer. Ce qui est le plus important pour moi, c’est d’être présente pour ma famille.

Q : Vous avez déjà tourné avec beaucoup de grands acteurs et de grands réalisateurs et vous avez eu l'honneur de rencontrer le plus fameux grand gorille de l'histoire du cinéma. J'aimerais savoir s’il y a encore des acteurs et des réalisateurs avec lesquels vous aimeriez tourner ?

Watts : Il y a un grand nombre de réalisateurs avec lesquels je rêverais de tourner, des vivants et des morts, hélas. Je ne peux pas commencer à vous faire une liste des personnes avec lesquelles j'aimerais travailler, car cela risquerait de prendre toute la journée. J'ai réellement envie de travailler avec Tomas Andersen et Wes Andersen. Comme actrice, j'aimerais travailler avec Cate Blanchett et avec Annette Bening. J'ai eu la joie de travailler avec elle sur un film, mais malheureusement nous n'avions pas de scènes communes. Il y a aussi Meryl Streep. Surtout ce dont il s'agit pour moi est de prouver à moi et aussi aux autres, que la croyance selon laquelle à partir de quarante ans les actrices lèvent le pied et se voient proposer de moins en moins de projets n'est pas fondée. Je pense que le chemin est encore long et riche devant moi.

Q : J'aimerais savoir ce qui, à un moment donné de votre carrière, vous a poussé vers la production ? Qu'est-ce que vous en avez appris et où en êtes-vous par rapport à cela aujourd'hui ?

Watts : Je crois que ce qui m'a le plus intéressé et motivé sur les quelques projets sur lesquels j'ai travaillés, cela a été de participer de la façon la plus réactive aux prises de décisions artistiques, de savoir quelles étaient les bonnes personnes qui avaient une envie commune autour du film, et de les réunir et de les faire travailler ensemble. C'est ce qui m'importait le plus et qui a été le plus gratifiant pour moi. Ma vie personnelle actuelle et le fait d'avoir deux enfants de bas âge fait que je n'ai plus la disponibilité nécessaire pour choisir ce plan-là du métier qui demande beaucoup de disponibilités et de temps. Ce que j'adore aussi dans la production est le fait de chercher des histoires, de les lire et de trouver de belles matières. Je passe mes journées comme je peux, entre travail et famille. Pour l'instant, je me contente donc d'être là où l'on m'attend.

Q : On a eu le droit de voir une rétrospective de vos films. Quel est le film que vous chérissez de manière sentimentale pour des raisons personnelles ?

Watts : Répondre à ce genre de question me met dans une situation assez délicate. En effet, beaucoup de réalisateurs, avec lesquels j'ai travaillé sont devenus des amis chers, presque des membres de ma famille. Je ne voudrais en froisser aucun. Nombreux ont été les rôles, les expériences de tournage, les films qui m'ont profondément marqué, qui m'ont donné des ailes en tant qu'artiste et qui m'ont fait aimer le métier. C'est vraiment difficile d'établir une hiérarchie de mes films préférés. Pourtant, si je veux être honnête, il y a en effet un film qui se distingue des autres, c'est le film de David Lynch. J'ai tourné ce film, quand j'ai essayé pendant dix ans de me faire une place à Hollywood et d'exister. C'est ce film qui m'a permis de percer et de me faire connaître. Ce film a permis de faire évoluer ma carrière. Ce n'est pas seulement le film en soi ou sa signification dans la carrière, c’est le rôle en soi. Il y a en effet des carrières dans lesquelles vous ne pouvez pas trouver de rôle aussi opposé que les deux qui m'ont été offerts à moi dans un seul film. Ce fut une expérience extraordinaire pour moi, d'incarner ces deux femmes-là dans ma vie d'actrice. Je dois aussi dire que David Lynch est un homme que je porte dans mon coeur et dans mon âme, parce qu'il m'a tendu cette main-là. Il a rendu cette aventure extraordinaire possible. Peu de temps après s'est produit l'autre miracle, qui a été de jouer dans le film 21 grammes de Alejandro Gonzalez Iñarritu et là se trouver à jouer avec des acteurs comme Sean Penn et Benicio Del Toro, c’est quelque chose qui ne vous est pas donné tous les jours. Je me suis senti bénie de démarrer avec ces deux grands films.

Q : Je suis un peu déçu car vous n'avez pas cité Charlotte Gainsbourg, ni Vincent Cassel. Alors j'aimerais savoir quel rôle vous entretenez avec le cinéma français ?

Watts : J'aime beaucoup le cinéma français. Cela fait des décennies que je m’y plonge et que je me régale en regardant des films français. Il se trouve que Charlotte Gainsbourg et Vincent Cassel sont deux acteurs que j'aime beaucoup. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus, mais il est prévu que l'année prochaine je tourne avec deux réalisateurs français. Cela se présente très bien et j'en suis ravie. Je ne vais pas en dire beaucoup plus, mais par ailleurs mes films sont beaucoup appréciés ici en France.

Q : Quelle est la partie de la création du film que vous préférez ? Est-ce que c'est de lire le scénario, de découvrir votre personnage ou le résultat final ?

Watts : J'aime beaucoup cette question. En fait, c'est très variable : à partir du moment où vous avez pris connaissance d'un scénario que vous jugez bon, vous pouvez commencer le travail avec le réalisateur. Une phase que j'adore est celle de la préparation, le fait de commencer à habiter réellement un personnage ou à en élaborer la face cachée qui n'apparaîtra pas forcément dans le film. C'est un travail de recherche pour faire en sorte que le personnage arrive à prendre corps, c'est cela que j'adore et qui me terrifie à la fois. Pour ce qui est du tournage, c'est assez variable : à la fois un tournage peut être très amusant ou très ennuyeux. Ce que j'aime réellement, c'est apprendre, mais parfois cela peut être aussi barbant dans la mesure où cela est très morcelé. Certaines circonstances peuvent faire en sorte que vous ne pouvez pas vous concentrer sur votre personnage. Pour ce qui est du résultat final, je dois vous dire que pour moi, c'est une horreur et c'est très souvent décevant. Je trouve cela très difficile de se regarder. C'est toujours très perturbant et très difficile de se reconnaître dans l'histoire de la manière dont vous l'avez absorbé. Ce que vous avez pu percevoir pendant la première lecture ne s'aperçoit que très difficilement à l'écran. Tout cela est très variable d'un film à l'autre.

Q : Comment pouvez-vous décrire votre relation avec Clint Eastwood pendant le tournage de votre dernier film ?

Watts : Pour vous dire comment Clint Eastwood m'a dirigé, je dois dire qu'il ne m'a pas dit grand-chose. Il est entouré de personnes qui travaillent avec lui depuis plus de vingt ans et ils n'ont pas besoin de se parler beaucoup. Je ne l'ai rencontré que le premier jour du tournage et il m'a appelé pour faire ce rôle. Je suis allé un peu morte de peur sur le tournage. On m'avait dit que je verrais avec lui, c'est au maximum une ou deux prises pas plus. Le premier jour, on tournait dans un tout petit wagon et il ne dit même pas action. Je me contente juste de dire mon texte et il dit, super on passe à la suivante. Je n'en revenais pas. Du coup, je n'ai même pas eu le temps d'avoir le trac, puisque la scène avait déjà été tournée. En tout et pour tout, je n'ai eu que trois semaines de tournage. Ce n'est qu'à la fin de la seconde semaine que j'ai eu le courage de demander une seconde prise. Je ne me voyais pas le demander plus tôt, car d'une part cela ne se faisait pas, car c'était sa façon de travailler et il fallait bien que je m'y plie, et d'autre part, je me sentais en confiance, car c'est un grand réalisateur qui a fait bon nombre de bons films. Il sait donc ce qu'il fait et je dois le laisser faire.