Conference-de-Presse - Welcome to the Rileys

Par Mulder, Deauville, 05 septembre 2010

Q : Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour faire votre deuxième film, qui est si différent du premier ? Est-ce que c’était pour explorer d’autres pistes, d’autres secteurs ?

Jake Scott : En fait, cela a pris du temps pour moi de trouver un projet dans lequel je crois suffisamment pour pouvoir me lancer dedans. Mon premier film a été très difficile à faire pour moi, j’ai eu beaucoup de dettes à rembourser. Sur les dix années qui viennent de s’écouler, j’ai cherché un projet qui me plaise. Une histoire au travers de laquelle je pouvais voir si j’étais capable de diriger des acteurs. Je voulais vraiment faire un film au travers des acteurs. C’est vrai, cela a pris dix ans pour trouver le projet qui allait me plaire. Ce projet a fonctionné.

Q : Pouvez-vous nous parler des inconvénients que vous avez rencontrés lors de votre premier film et avez-vous pu les contourner dans celui-ci ?

Scott : Pour le premier film que j’ai fait, tout a été difficile. Chaque chose représentait une difficulté. Le scénario par exemple n’était pas vraiment abouti. Les producteurs avaient un autre film en tête. Mon premier film a été un film sur lequel j’ai apporté plutôt trop d’attention sur le style que sur l’aspect dramatique. La raison pour laquelle cela a été ainsi, c’est que je viens du monde des vidéoclips, j’en ai réalisé beaucoup. Je pense avoir fait des erreurs classiques pour quelqu’un qui a cette expérience. Je n’avais pas assez d’expérience. J’étais aussi un peu immature à cette époque. J’ai fait des erreurs que j’ai passé dix ans à oublier. Pendant dix ans, j’ai essayé d’oublier l’expérience assez effrayante que j’ai eu avec mon premier film. J’ai vécu, j’ai eu des enfants. Comme j’aime les films, j’ai passé ces dix années à peaufiner mon expérience pour éviter de refaire les mêmes erreurs.

Q : Michael, dans ce film, il y a James Gandolfini, qui est absolument formidable. Est-ce que c’était un choix dès le départ ? Est-ce que plusieurs personnes se sont présentées pour ce rôle ?

Michael Costigan : En fait, depuis le tout début de l’élaboration du film, on savait que cela devait être James dans le rôle principal. C’est un de ces cas où la question ne se pose pas. C’est à la fois formidable et un peu effrayant pour nous, car cela signifie que si James ne voulait pas faire le film, on ne l’aurait pas fait. Ce fut quelque chose de crucial. Toute la responsabilité revenait à Jake : il devait aller le voir, discuter avec lui de ce projet de film, et le convaincre de faire ce film. Il y a un lien très fort qui s’est créé entre eux et que l’on retrouve dans le film. Il s’est passé à peu près la même chose avec Kristen. Elle a fait partie du film très, très vite. Ce fut un peu plus long pour Melissa, mais lorsqu’il s’est avéré qu’elle était libre pour faire le film, on a eu beaucoup de chance de tomber sur elle. Le casting fut parfait pour nous.

Q : Vous avez baigné depuis tout jeune dans le cinéma, votre père et votre oncle sont producteurs exécutifs de ce film. J’aimerais savoir si vous avez été conseillé ou coatché ?

Scott: Cette question, on ne me l’avait jamais posée avant. C’est vrai que j’ai grandi dans une famille qui était très portée sur le cinéma. J’ai toujours baigné là dedans. C’est quelque part un business assez familial. On est très liés, on est très proches dans la famille. Mais en tant que producteur, mon père et mon oncle ont été très respectueux. Ils ont gardé une distance, ils m’ont laissé faire à tel point que, par exemple avec mon oncle Tony Scott, on n’a jamais discuté du film. Il me laissait les coudés absolument franches. De temps en temps, il me demandait si tout se passait bien. Il n’a jamais vraiment porté une influence dans l’élaboration du film. Avec mon père, c’était différent : il a surtout apporté un peu de sa patte au moment du montage. Il a vu le premier montage (le rough cut) et a dit que c’était chiant et qu’il fallait rajouter de la musique, qu’il fallait changer ceci et cela. A ce moment là, j’ai ressenti la réflexion de mon père comme une victoire, comme un triomphe car je me suis dit que c’était mon film de toute façon. Mon père aurait fait un film différent. Je me considère très chanceux car mon père et mon oncle m’ont beaucoup soutenu tout au long de l’élaboration de ce film.

Q : Quelles sont vos influences en dehors de votre famille ?

Scott : Mes influences sont multiples : bien évidemment Bresson, Wenders (Paris, Texas), Kurosawa, Kubrick, Scorsese, Varda, Truffaut, Malle (Le Souffle au cœur). Tous ces réalisateurs, tous ces films ont été d’une influence multiple et diverse pour moi.

Q : J’ai une question sur les douleurs qui n’ont pas cicatrisé. Votre film est très sensible. Avez-vous été influencés par des expériences autour de vous ou d’enquêtes ? Comment avez-vous travaillé là-dessus, car c’est un sujet crucial du film ?

Scott : Ma mère s’est remariée avec un homme qui avait une fille, qui est décédée dans des circonstances assez tragiques lorsqu’elle a eu vingt ans. Elle a eu un destin qui est similaire au destin qu’aurait eu le personnage de Mallory dans le film, si elle n’avait pas rencontré Doug. J’ai vu par quoi mon beau père est passé. Ce fut pour moi une source d’inspiration pour ce film. Je n’ai pas écrit l’histoire, mais lorsque je suis entré dans le projet, lorsque j’ai commencé à m’approprier cette histoire, j’ai effectué un travail de réduction. Il y avait beaucoup de choses dans le scénario que j’ai réduites pour essayer d’en tirer l’essentiel, qui était pour moi une histoire plus vraie, plus authentique, plus simple pour me concentrer sur les personnages. Je n’ai pas rencontré des personnes qui ont perdu leur enfant dans la préparation du film, mais mes voisins, lorsque je préparais le scénario, ont perdu leur fils unique âgé de seize ans dans un accident de voiture et j’ai pu voir cette douleur de très près. Cette famille a été brisée d’un seul coup. Tout s’est figé dans le temps, c’est comme si le temps s’était complètement arrêté. Cette expérience m’a totalement bouleversé et a été profonde pour moi, très marquante. On a fait beaucoup de répétitions avec les acteurs. On a passé beaucoup de temps à discuter notamment avec James. Il faut savoir que James, comme nous, est parent et que nous nous sommes posé beaucoup de questions notamment ce que l’on ferait, comment on réagirait, qu’est-ce que l’on ressentirait, si nous perdions nos enfants. Quand on est parents, cette chose est impensable. Nous étions obligés d’imaginer le plus authentiquement possible ce que nous ressentirions, si nous étions plongés dans cette situation. Ces gens tout en étant brisés, tout en vivant avec cette douleur, doivent continuer à vivre et à aller de l’avant. Ils trouvent cette force pour continuer. En ce qui concerne le personnage de Mallory, j’ai passé beaucoup de temps moi-même à discuter avec des prostituées et l’actrice Kristen Stewart a elle aussi passé beaucoup de temps à discuter avec des stripteaseuses. Ce sont des filles qui travaillent à la chaîne, qui ne s’occupent pas forcément bien d’elles-mêmes. Elles restent enfermées en permanence, ne voient pas beaucoup de soleil. De la même manière, comme elle a forcément passé beaucoup de temps avec ces filles pour préparer son rôle, quand on la voit blafarde dans le film, pale et pas bien, il n’y a pas beaucoup de maquillage. Elle est devenue réellement comme cela pour ce film. Cette expérience en tant qu’actrice pour Kristen était assez difficile, parce que c’est une actrice qui est très instinctive. Elle fonctionne réellement avec ses tripes. Elle a été au plus profond du personnage et cela l’a marquée et bouleversée. Ce fut pour elle un rôle très difficile à faire. Sa performance est exceptionnelle.

Q : Avez-vous laissé les acteurs improviser pendant le tournage ? Notamment en ce qui concerne une scène au début avec James Gandolfini au lit, qui se retourne et qui tire les draps. En général, les avez-vous laissé improviser ?

Scott : Tout était écrit en ce qui concerne les dialogues, tout ce qui est dit est écrit, sauf en ce qui concerne le personnage de Mallory. Le personnage interprété par Kristen dit très souvent le mot « fuck », car c’est un vocabulaire récurrent chez certaines personnes. Le personnage devait parler comme cela. Comme elle était habitée par son personnage, elle disait ce mot tout le temps, à chaque coin de phrase, ce qui était très déstabilisant pour James Gandolfini, car il est un acteur très méthodique. A chaque fois que Kristen parlait, elle ajoutai beaucoup de choses qui n’était pas dans ses lignes de dialogues et donc lui était perdu. Cela a créé entre eux quelques petites tensions. Mais ce fait de le déstabiliser a servi le film. On peut parler d’improvisation aussi pour les autres personnages du film, pas dans ce qu’ils disent mais dans leur façon d’être, dans leur façon d’agir. Par exemple James Gandolfini a une démarche assez particulière dans le film, il a aussi un accent très particulier. Pour pouvoir parler avec cet accent, il a pris un des passants de son pantalon qu’il a détaché et qu’il s’est mis dans la bouche, coincé comme cela pour petit à petit développer un accent, développer un phrasé particulier. On entend souvent ce genre d’anecdote à propos des grands acteurs comme De Niro mais c’est quelque chose qu’il faut garder en tête. On peut parler d’improvisation en termes de gestuel. Melissa Leo, par exemple, est pour moi une des meilleures actrices et elle a vraiment en tête des gestuels particuliers pour jouer avec son corps. Elle est très douée. Toute la scène où elle essaye tant bien que mal d’arrêter la voiture est une improvisation. On peut dire que le film est très écrit, mais laisse une grande part à l’improvisation, grâce au talent de ses comédiens.