Conference-de-Presse - Lily

Par Mulder, Deauville, 04 septembre 2013

Q : Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour ce film qui nous concerne tous plus ou moins soit que nous sommes atteints par cette maladie (le cancer) soit que nous ayons des proches qui ont vécu tout cela. J’ai admiré dans votre film ce regard et le respect que vous portez sur les personnes qui sont atteintes de maladie. Ce regard très libérateur montre qu’il faut respecter aussi la vie de ces gens-là. C’est ce que j’ai ressenti dans votre film. Ayant eu pas mal de personnes autour de moi qui ont vécu cela, c’est vrai que c’est le regard des autres qui est très difficile à prendre quand on vit de telles situations. J‘aimerais donc savoir si cela a été difficile pour vous de faire ce film et si justement cela a été le fait que l’on n’en parle pas de cette façon-là. Pour vous, Amy, qui avez vécu cela est ce que c’est une façon de dire qu’il y a de l’espoir et qu’il est toujours là même si c’est une maladie difficile à combattre. On s’est rendu compte que les gens pouvaient vivre plus longtemps lorsqu’ils étaient en phase terminale car ils avaient cet espoir, ce combat d’un entourage qui leur faisait vivre des choses. C’est cela qui donne à votre caractère l’envie de continuer.

Matt Creed : pour moi, ça n’a pas été difficile de monter et d’écrire ce film et de le faire car c’est un film qui parle surtout de la vulnérabilité avant tout. Je n’ai pas voulu faire un film de plus sur le cancer, c'est-à-dire un film sur la maladie, la mort comme on a déjà dû en voir. Je n’ai pas voulu faire un film de plus. J’ai plutôt essayé de m’approcher au maximum du côté : et maintenant qu’est-ce que l’on fait, que va t-’il y avoir après. C’est surtout cet aspect de la maladie que j’ai voulu traiter. C’est un film assez différent dans ce sens. C’est vraiment un film sur la vulnérabilité. Le personnage Lily dans le film arrive dans le film à un moment où elle est en traitement pour ce cancer. Elle est très vulnérable. Je voulais vraiment faire en sorte que les spectateurs puissent ressentir une connexion avec ce personnage avec cette situation. Je voulais vraiment parler de l’aspect incertain du futur et donc une nouvelle fois de la vulnérabilité. Moi-même, j’étais très vulnérable au moment où j’ai écrit le scénario et que c’est ce que j’espère qui est passé dans le film. Je n’avais jamais moi-même pensé à ce genre de maladie et à ce genre d’expérience comme celle du personnage principal dans le film. C’est une maladie qui est potentiellement mortelle. C’est quelque chose à laquelle on ne pense pas tous les jours. Cela m’a intéressé d’explorer cet aspect également de la maladie et de tout ce que cela entraîne pour les personnes qui sont plongées là-dedans. C’était quelque chose de très intéressant de pouvoir parler des radiations qui provoquent des brûlures, des choses vraiment auxquelles on ne pense pas tant que on n’est pas plongé personnellement dans ce genre de situations. C’était pour moi un aspect intéressant à traiter dans ce film.

Amy Grantham : Dans ce personnage de Lily que nous avons créé tous les deux (le réalisateur et elle ont co-écrit le scénario), nous avons voulu faire voir cette idée d’espoir mais un espoir différent de ce que on pourrait en attendre dans le sens où que peut-on vraiment avoir soi-même comme espoir quand on a ce genre d’expérience, que l’on passe par ce genre d’épreuves. Ce n’est pas quelque chose de très léger. Quand on passe par ce genre d’épreuves et que l’on s’en sort, il y a une énorme responsabilité qui est posée sur vos épaules. Cela veut dire que là maintenant vous avez une nouvelle vie, une nouvelle chance et qu’est-ce que vous allez faire maintenant de votre vie. On a une grosse responsabilité et quelque part c’est cela aussi que j’ai essayé de faire passer au travers de ce personnage de Lily.

Q : J’ai une question sur l’écriture du film. Entre le moment où vous avez commencé à l’écrire et le moment où le film est tel qu’il se présente aujourd’hui, est ce que l’écriture a beaucoup évolué ? il n’y a pas que le scénario, il y a aussi une écriture assez visuelle et peut être qu’au montage il y a aussi des choses qui ont été écrites. Est-ce qu’ au final le résultat correspond à ce que vous vous étiez donné comme but ?

Creed : Tout d’abord, c’est une bonne question et merci de me l’avoir posée. La réponse à votre question est donc oui. C’est vrai que le résultat final, le film que vous avez découvert aujourd’hui est assez différent de ce que l’on avait écrit au début. Sur ce point-là, c’est différent mais en terme d’émotion, d’images, de visuels et de ressentis cela correspond exactement à l’image que nous nous étions faites du film lorsque nous l’avons développé et écrit. Ce qu’ on voulait finalement, c’est qu’à la fin, il n’y a plus qu’une émotion qui transparaîsse et celle-ci je crois transparaît au travers du film aujourd’hui et cette émotion est encore une fois cette vulnérabilité. Nous avions envie de dépeindre le portrait d’une personne qui était très vulnérable. Je crois que le but est atteint. C’est vraiment ce que nous avions en tête au moment de l’écriture et lors du montage et c’est ce que l’on retient à la fin et qui est tout à fait conforme à la vision de ce qu’on en avait au départ.

Q : tout d’abord, je voudrais vous remercier mademoiselle car j’ai trouvé que vous nous avez renvoyé une fragilité qui me renvoyait aussi des choses et j’ai trouvé que c’était excellent. Par rapport au réalisateur, en termes de silence et de bruits, du mélange des deux c’était selon moi aussi important car je pense que dans la tête de Lily tout est mélangé. L’envie d’être seul, de ne pas l’être, l’envie du bruyant. Merci encore pour ce film.

Creed : merci tout d’abord. J’ai une amie à Paris qui est venue voir le film. Elle l’a vu pour la première fois. Elle a vécu à New York pendant très longtemps et elle a vécu des choses assez dramatiques. Il faut savoir qu’une ville comme New York c’est une ville dans laquelle il est difficile de vivre lorsque on a des moments difficiles. C’est une ville dans laquelle les moments difficiles sont encore plus difficiles. Il y a beaucoup de gens, de bruits, d’agitation et qui vous isolent encore plus. Quelque part, quand on vit à New York, il faut se laisser aller ou en tout cas laisser les choses venir à soi. Ce n’est pas forcément facile. Vous parliez des sons, du bruit, de l’environnement sonore. A New York, l’environnement est très important et très présent, presque vivant et organique. Parfois, on a même du mal à dormir dans la nuit à cause de tous ces sons incessants.

Q : Tout d’abord bravo pour votre film. Vous parlez beaucoup de vulnérabilité et c’est cela qui m’a frappé également et qui est porté par le caractère de Lily, c’est la vie, c’est la fraîcheur, ses projets de création qui sont là .Pouvez-vous nous parler de cet équilibre entre fragilité et la vie et tous ces moments que l’on sent très fort.

Creed : en tant qu’artiste, c’est justement quand on est vulnérable que l’on peut réussir à faire de belles choses. C‘est quelque part un environnement presque idéal pour travailler. Quand on est aussi vulnérable et que l’on sent comme cela que tout est très clair. On voit les choses avec beaucoup plus d’acuité que dans d’autres moments dans lesquels on ne se rendrait pas forcément compte. Lorsque l’on accepte cette vulnérabilité et que l’on n’essaye pas de la combattre, on voit toutes les idées de manière très claire. Tout est vraiment très clair. Tous les projets sont plus clairs et on sait comment arriver au but que l’on se fixe. Quelque part de cette vulnérabilité on peut retirer beaucoup de joie et beaucoup de bonheur à condition de pouvoir faire face de la manière la plus claire possible à cette vulnérabilité. C’est ce que fait le personnage de Lily avec beaucoup de succès de son côté. En même temps, cela vient avec beaucoup de crainte car en face de vous c’est aussi l’inconnu. Il y a donc quelque part cette crainte, cette petite anxiété.

Grantham : Lorsque l’on est dans ce genre de moment et qu’on se réveille et que nos cheveux tombent, on se sent vraiment vulnérable. On sort alors dans la rue, le ciel est bleu, quelqu’un nous sourit et tout d’un coup la vie est belle. Quelque part, cela peut sembler étrange mais en même temps c‘est extrêmement naturel. Cela coule de source et va de soi. C’est vraiment important d’avoir ces moments quand on est dans une situation qui est très lourde à soulever, à porter sur l’épaule, il y a ces petites éclaircies, ces petits moments qui nous soulèvent l’espace d’un instant. C’est cela qu’on a essayé de faire avec ce film.

Q : Bravo pour votre film. Je crois que la question que je vais poser vous y avez répondu mais je ne le perçois pas comme cela. J’ai ressenti effectivement beaucoup d’émotions mais à travers votre interprétation, j’ai senti une très grande distance par rapport à la souffrance, à la maladie allant presque au déni de la maladie puisque votre personnage répond toujours que tout va bien. Lily ne prend pas trop soin de son corps. La scène de la relation amoureuse montre que le corps de Lily est sensible. On ne le voit pas du tout. Est-ce que je suis proche de ce que vous avez voulu montrer ? La vulnérabilité de votre caractère passe par votre voix, votre visage. C‘est comme si vous ne la ressentiez pas.

Grantham : le personnage du film est en traitement. On le comprend assez rapidement. Cela fait pas mal de temps qu’elle est en traitement. Le temps comme vous le savez c’est ce qui nous fait accepter tout assez rapidement et ce qui que chaque évènement qui peut sembler à tout à chacun incroyable, quelque chose d’inhabituel devient habituel justement à cause de l’habitude. Le fait de perdre ses cheveux, de mettre une perruque fait que l’on vit avec cette maladie. Personnellement, j’ai suivi deux opérations, de la chimiothérapie, une biopsie, des radiations. Ce fut un traitement assez lourd. Cela a duré si longtemps que cela crée une espèce de distance avec le ressenti. On apprend à vivre avec cela. Cela devient comme une barre de votre vie de manière complète même si cela peut sembler bizarre, habituel. C’est comme mettre ses vêtements le matin, comme aller acheter de la nourriture au supermarché. Cela fait partie de vous, de votre vie, de qui vous êtes. Quelque part la relation avec le petit ami cela semble tout à fait habituel car une nouvelle fois ce que l’on comprend dans le film c’est qu’ils sont ensemble depuis quand même longtemps et que lui aussi a vécu toutes ces choses. Finalement, tous les traitements, la maladie, c’est de nouveau presque devenu habituel. C’est quelque chose avec laquelle elle est habituée à vive. Il y a cette distance qui se crée effectivement. Vous avez raison. Il y a effectivement une distance qui est encore une fois bizarre quand on le dit comme cela qui fait du cancer une routine de la vie. Cela fait partie de la routine de tous les jours.

Q : Bravo à tous les trois pour ce film émouvant. J’aurai trois questions. Ma première question est pour Amy et consiste à savoir à quel point vous vous retrouvez dans ce que vous avez vécu, dans le film quand vous le voyez ? Pour Matt, j’aimerai savoir si cela a toujours été évident de choisir Amy qui avait vécu cette expérience ou si vous vous êtes posés la question. Enfin Amy, quelle a été la relation avec la réalisateur et les acteurs et autres personnes pendant la création du film ?

Grantham : j’ai rencontré Matt peu de temps après avoir été diagnostiqué avec cette maladie et nous avons discuté et avons commencé à écrire l’histoire du film lorsqu’elle avait cette première séance de radiation. Lorsque j’ai vu le film, j’ai vraiment pensé que le film était vraiment conforme à mon vécu, à mon expérience. Cela est aussi dû au fait que Matt a été très présent pendant toute cette période. Il a été une des premières personnes à m’avoir vu sans ma perruque. Ce genre d’évènements est très important dans cette histoire. Lorsque j’ai eu ma dernière séance de radiation, j’ai été directement de l’hôpital au bureau pour pouvoir continuer les séances d’écriture et de travail avec Matt. C’est vraiment un travail intensif de collaboration et quelque part quand on passe à travers ce genre d’expériences on n’est plus la même personne. C’est vrai que tout autour de nous, il y a beaucoup de gens qui de très bonne volonté nous disent que c’est super que tu es guérie et maintenant continues ta vie comme avant. Certes mais enfin, cela demande du temps, de l’adaptation, un peu de temps pour pouvoir retrouver ses marques, ses repères. Je pense que c’est aussi quelque chose que l’on ressent dans le film et que nous avons réussi à faire passer dans le scénario, dans le film.

Creed : Lorsque j’écris, je n’ai généralement pas une personne particulière en tête pour le rôle. Mais, c’est vrai que pour ce film, le fait que j’ai écrit avec Amy et le fait que cela soit inspiré en très grande partie de sa vie à elle. Elle était très naturelle, en étant elle-même. Quelque part, cela coule de source. Quand on a écrit le scénario, il arrivait à Amy de jouer en blaguant telle ou telle scène juste pour les voir. C’était tellement naturel. Je ne savais pas alors que Amy voulait être une actrice et de jouer des rôles au cinéma. Lorsque je l’ai su, je lui ai demandé si elle voulait jouer son propre rôle dans le film. Elle a accepté. Mais une fois qu’elle a accepté, c’est tellement devenu une évidence que quelque part je peux dire maintenant que je n’aurai pas fait le film avec une autre actrice. Je n’en aurai pas eu envie. De toute façon, une autre comédienne n’aurait pas pu apporter autant de naturel, autant de crédibilité, de véracité dans le rôle de Lily. Amy a vraiment pu apporter des silences lourds de sens avec beaucoup d’émotions. Elle a vraiment pu apporter cela ce qu’une autre comédienne aurait eu du mal. Elle a joué avec tellement de naturel. Le fait qu’elle est co-écrite l’histoire a fait qu’elle a pu entrer dans le personnage très vite et de manière très crédible. Je précise malgré tout que Lily reste un personnage. Ce n’est pas un documentaire. Elle reste un personnage qui est basé sur Amy mais ce n’est pas Amy. Cela a été un point qui a été très important pour moi car en tant que réalisateur, j’ai vraiment fait tout mon possible pour faire en sorte que ce personnage que j’étais en train de créer avec Amy ne soit pas elle pour avoir cette distance. I jamais le personnage était trop près d’Amy, quelque part, elle aurait aussi perdu ce naturel dans son jeu. Il fallait garder sa distance qui permettait à Amy de pouvoir la jouer avec le plus de naturel possible.

Izabella Tzenkova : Je connais Matt depuis l’école. On se connaît ainsi depuis très longtemps. Je connaissais aussi Amy avant que la maladie ne l’atteigne mais je n’ai appris qu’elle avait cette maladie qu’une fois que j’ai lu le scénario. Cela a été assez nouveau mais je connaissais déjà tout le monde. Ce fut une belle expérience de tournage parce que la plupart des membres de l’équipe se connaissaient entre eux ou se sont connus très vite. Il y avait vraiment un vrai soutien de la part de l’équipe pour toutes les épreuves que nous avons traversées ensemble et nous avons réussi à créer un environnement de confort agréable pour que tout se passe bien. Encore une fois, le fait que nous nous connaissions plus ou moins avant le tournage a donné une atmosphère presque familiale sur le plateau de tournage.

Propos recueillis par Mulder, le 04 septembre 2013.
Avec nos remerciements à toute l’équipe de Le Public System Cinema
Vidéo et photos : Mulder