Entretiens - Interview de Pascal Laugier

Par Mulder, Paris, 24 novembre 2012

Certains entretiens contiennent une sorte de magie à l’état pur. Celui-ci est celui qui m’a donné l’envie de continuer ma route d’intervieweur junior de réalisateurs. Pascal Laugier est non seulement un des plus grands jeunes réalisateurs avec trois films au compteur, mais surtout un réalisateur passionné par son métier et qui en parle avec des mots reflétant sa passion véritable. Le cadre de cette interview restera aussi très fort, car après mon entretien déjà en ligne du réalisateur Xavier Gens et faute de temps (la projection du film The Body allait commencer), l’attachée de presse me demanda de revenir pour cette interview après le film. Seuls deux journalistes furent conviés à revenir et, la première interview de Pascal Laugier finie, je me retrouvais seul avec ce grand réalisateur et l’attachée de presse dans une grande salle très accueillante, mais un peu bruyante, pour faire mon interview. En général, une interview dure une dizaine de minutes, voire moins. Celle-ci dura en tout 18 bonnes minutes et fut à mes yeux rempli de magie. Pascal Laugier parla de son œuvre et de ses projets dans plus grande intimité, se livrant totalement sans aucune langue de bois. J’avais vu tous ses films et adoré Martyrs (à ce jour, le meilleur film d’horreur français). J’avais aussi vu The Secret et apprécié ce film dont la fin est des plus originales et réussies. J’appréciais son œuvre, je suis ressorti de cette interview avec la fierté d’avoir rencontré un réalisateur passionnant ! Pouvez-vous nous parler de la conception du film Martyrs ?

Martyrs est un film qui est arrivé dans des circonstances qui arrivent souvent à des metteurs en scène. Ce n’était pas un film prévu à la base. Le film qu’on voulait faire, on ne pouvait pas le faire et puis on se rabattait sur un autre projet. En fait, c’est venu de Canal + qui était très en recherche de petits budgets, de petits projets de genre. Il se sont aperçus qu’en diffusion de télé, cela marchait beaucoup mieux ces films français-là que les films d’auteur et tout cela. Comme ils avaient co-financé et aimé Saint Ange, ils ont demandé à mon producteur de l’époque Richard Grandpierre si j’avais un projet de film d’horreur que l’on pouvait tourner très vite et nous, on avait du mal avec Richard à monter un autre film qui s’est appelé ensuite The Secret. Il s’est ainsi tourné vers moi en me demandant si on pouvait improviser un film et cela c’est excitant parce que quand on fait cela, on a la garantie quelques mois plus tard de se retrouver sur un tournage physiquement et de faire enfin ce film. J’ai donc écrit Martyrs très, très vite en quatre ou cinq mois, ce qui est vraiment rapide pour un scénario et puis, moins d’un an plus tard, on était avec Richard en train de faire le film. Cette rapidité et cette liberté étaient dues au fait qu’il s’agissait d’un tout petit budget. Martyrs était presque mon deuxième film, mon premier film fait après mon premier. Saint Ange avait été un film mieux produit, en termes de grille d’échelle financière. J’ai l’impression que Martyrs était mon premier film, pourtant fait en deuxième. Ce fut un tournage très difficile, très ingrat, un inconfort financier, donc un inconfort de tournage total. Comme j’étais à l’époque dans un certain état d’esprit, très désespéré de l’incompréhension qu’avait suscité mon premier long-métrage, très désespéré de plein de choses personnelles de ma vie, j’avais décidé de mettre aucune distance entre mon état émotionnel et affectif et le film que je voulais faire. J’avais vraiment instinctivement, sans trop y réfléchir, décidé que ce film serait un témoignage direct du garçon que j’étais, un peu malheureux à l’époque, et je crois que j’ai tourné Martyrs d’une manière aussi désespérée, presque nihiliste. Ce fut un processus très douloureux, presque ingrat. Je n’avais pas du tout envie d’être sur le plateau pour faire ce film et à la fois cela a participé à cette énergie bizarre, un peu morbide, qui est celle du film lui-même. C’est un film sur lequel j’ai vraiment beaucoup appris, sur lequel je me suis beaucoup moins caché, planqué que sur le film précédent. C’était beaucoup moins un objet de geek qu’un objet de fan de cinéma, qu’une sorte d’expression directe et très personnelle. J’ai tourné ce film comme un mélodrame.

Dans votre troisième film The Secret, l'actrice Jessica Biel tient l'un de ses meilleurs rôles à ce jour. Comment s’est passé votre collaboration sur ce film ?

Avec Jessica, l’approche a été très, très rapide. On était tous au courant de la difficulté qu’il y a pour les Français, et même pour les Américains, et encore plus quand on est de Paris, que l’on est français de faire un film américain, ne serait ce que pour avoir accès aux stars américaines. Cela a été facilité par le fait qu’après Martyrs, j’ai eu un agent à Hollywood et cela m’a permis de gagner du temps et ensuite cela a été quasi miraculeux. Le lundi, Jessica recevait le script, le mercredi son agent me rappelait en me disant qu’elle l’avait aimé et qu’elle voulait me rencontrer, le jeudi-vendredi, j’étais en train de la voir à Los Angeles et le samedi, elle disait oui. En fait, ce que j’avais un peu sous-estimé, c’est que les actrices américaines du système hollywoodien ne reçoivent pas autant de rôles aussi ambigus, aussi ambivalents et aussi riches que le personnage que je lui proposais. Je crois qu’elle a été très touchée qu’on lui propose un personnage si différent de ce qu’elle faisait avant, un personnage qui ne joue pas sur sa beauté physique, sur son côté sexy, de jouer un rôle de mère de famille, un rôle de personnage plus mature peut-être que ses rôles précédents. Cela lui a beaucoup plu en tant qu’actrice. Elle s’est dit qu’elle allait jouer des choses qu’elle n’avait pas encore faites. C’est pour cela que c’est allé aussi vite. Cela a été une merveilleuse nouvelle pour nous.

Quelles ont été les différences notables entre l'élaboration (montage, tournage) de Martyrs et de The Secret ?

Pour moi, ce n’est jamais bien différent d’un film à l’autre, parce que j’essaie vraiment d’avoir une espèce de rôle de chef d’orchestre, j’essaie d’infuser toute l’équipe de mon énergie. C’est en cela que je me sens un réalisateur très européen, très français, même quand je suis exilé là-bas. J’essaie de ne pas subir un système nord-américain que je n’aime pas et au contraire d’orienter tout le plateau, toute l’équipe vers ma méthode de travail. Je dis cela très modestement, mais c’est ma façon de travailler parce que j’ai ma propre façon de travailler qui me correspond. J’aime bien que les plateaux soient un peu bordéliques, un peu italiens, un peu méridionaux, un peu latins. Je n’aime pas le côté très rigoureux des tournages nord-américains où chaque acteur doit être dans ses marques, que le caméraman ait répété trois ou quatre fois avant que l’on puisse tourner la première prise. Cela m’ennuie, car ce n’est pas ma façon de travailler, ce n’est pas ma nature. Donc au départ, l’équipe a un peu été résistante à ma façon plus européenne, plus empirique de vouloir travailler et après ils se sont aperçus que cela leur plaisait beaucoup, car à chacun cela donnait une plus grande liberté. Par exemple, quand le cadreur ne sait pas ce que l’acteur va faire, il est de toute façon beaucoup plus investi, beaucoup plus concentré au cadre, car il faut qu’il fasse vraiment corps avec l’acteur. Tout cela, j’ai mis quelques jours à l’imposer sur le plateau et après, cela s’est fait et quand cela s’est fait, tout le monde a été au diapason. Ce fut un vrai bonheur de tournage et les gens ont été très heureux de faire ce film, de la même façon que les comédiens, auxquels je demandais beaucoup d’improvisation, ce que Jessica n’avait jamais fait. Cela, je l’ai fait dès Saint-Ange. Je l’ai renforcé dans Martyrs. J’avais entièrement tourné Martyrs comme cela. Le matin, je ne savais pas trop où j’allais mettre mes caméras, alors que Saint-Ange est un film qui avait entièrement été storyboardé. Je trouve que le film est trop contrôlé, trop froid, trop obsédé par la forme. Cela est une erreur de premier film classique. Je m’étais juré dans mon âme et conscience de ne plus jamais la refaire. Plus je fais de films, plus cela m’intéresse effectivement d’essayer de remettre en question la structure très rigoureuse d’un film de genre, de remettre en question par la méthode de travail qui, au contraire, est d’apporter un peu de chaos, d’empirisme, d’improvisation à l’intérieur d’une structure très rigoureuse pour essayer de donner de la vie au film.

Pouvez-vous nous parler un peu de votre projet avorté Hellraiser ? Que pensez-vous de l'œuvre de Clive Barker et de la saga Hellraiser ?

J’y serai, car je suis un énorme fan de Clive Barker. Je n’aurais jamais accepté de développer pour Hollywood une nouvelle version de Hellraiser, si je n’avais pas été fan et de Clive Barker, de son univers et de Hellraiser. C’est un type que j’aime énormément depuis très longtemps, depuis que je suis adolescent. Il est un des grands génies de l’horreur contemporaine. Je le mets au même niveau que Lovecraft, que Stephen King, sachant qu’ils sont tous très différents et qu’ils poursuivent des obsessions très personnelles et très différentes. Clive Barker a inventé quelque chose de nouveau dans l’horreur. C’est quelqu’un qui me bouleverse, car comme tous les gens que j’aime, ce sont des gens qui se sont servis du genre non pas pour s’y soumettre, mais pour exprimer quelque chose de très personnel. Clive parle évidemment de son homosexualité, de toute la culture gaie cuir s/m, qui le fascinait et de la sexualité déviante. Quand on le rencontre dans la vie, on se rend compte à quel point il ressemble à son œuvre. Je l’aime en tant qu’écrivain et je le trouve très sous-estimé en tant que cinéaste. Je trouve qu’il a fait trois films passionnants. C’était tout naturel pour moi, ayant cette opportunité que Hollywood me propose, de faire Hellraiser, d’accepter pour tenter le coup. J’ai très vite compris après que Hollywood ne produirait pas un vrai Hellraiser. Ce qu’ils me demandaient, c’était de trahir Clive Barker et d’en faire une sorte de slasher pour adolescents. Pour moi, Hellraiser ce n’est pas tellement cela, car c’est de l’horreur adulte, évidemment transgressive. La version que j’ai écrite était très respectueuse de tout cela. Elle prenait beaucoup de liberté avec le film original, mais était très respectueuse de la cohérence et de l’univers de Clive Barker. Tout le staff de Clive Barker a eu ma version du scénario et m’a dit qu’ils avaient beaucoup aimé et que le problème était qu’ils étaient certains que Hollywood ne me laissera jamais tourné cette version. C’est à peu près ce qui s’est passé. Quand j’ai compris qu’on me demandait de tout changer, de tout trahir, j’ai préféré partir.

Quels sont vos films fantastiques et d'horreur préférés ?

J’en ai vraiment beaucoup. L’un qui a vraiment cimenté ma fascination, presque mon obsession à une époque pour le cinéma fantastique est L’Exorciste de William Friedkin. Je ne vais pas être très original, mais c’est un film qui m’a profondément inspiré et qui continue de me fasciner. C’est un film que je n’arrive pas à épuiser, que je regarde une fois tous les deux ans. A chaque fois, j’ai l’impression de découvrir un nouveau film. Ce qui me fascine au-delà de l’idée géniale du film, cette petite fille possédée par le diable, est le traitement, l’œuvre de mise en scène qu’il y a tout autour. C’est le fait aussi qu’un tel film serait aujourd’hui impossible. Il y a tellement de choses inexpliquées dans L’Exorciste original, notamment la scène de l’introduction en Irak qui est une scène complètement incompréhensible, totalement impressionniste, sublime, qui fait peur, mais elle n’est pas du tout expliquée par le scénario. C’était à une époque où les films pouvaient être plein de trous narratifs, plein de mystère. Certaines choses restaient sans explication. Il n’y avait pas cette obsession que tout le monde comprenne bien tout ce qu’il y a aujourd’hui dans un scénario et tout cela évidemment avec le génie de William Friedkin, la perfection du casting, de l’écriture, de la mise en scène. Pour moi, ce film est une des grandes œuvres parfaites du cinéma d’horreur. Sa modernité me fascine aussi. Son extraordinaire modernité.

Avez-vous envie de revenir en France pour faire des films ? Plus généralement, quels sont vos projets en cours ?

Je me sens un cinéaste très français. Même quand j’étais au cœur du tournage de The Secret avec Jessica Biel et l’équipe nord-américaine, une grosse équipe, de gros moyens, je me sentais totalement frenchie, profondément européen dans mes goûts, dans ma sensibilité, dans la manière d’aborder mon travail. C’est un pis-aller pour moi d’être obligé de tourner mes films ailleurs. J’adorerais filmer mon pays, ma culture, mes comédiens. On a des comédiens merveilleux en France. J’adorerais travailler avec des techniciens français qui sont parmi les meilleurs au monde. Il faut bien avoir conscience que comme je ne suis pas attiré par le cinéma classique français, aujourd’hui je n’ai pas envie de faire une comédie avec une star de la télévision, avec un comique. Je n’ai pas envie de faire une petite histoire d’amour sociologique et tourné dans le 8ème, cela m’ennuie. Le cinéma français est totalement asservi à un certain esprit qui n’est pas le mien. Je fais toujours des films qui sont presque infaisables en France, donc j’ai déjà la chance d’avoir trouvé mon producteur et mes financiers qui sont comme moi intéressés à l’idée de faire des co-productions en anglais. Mais si demain j’arrive enfin à monter un film qui me ressemble, tourné en français, un peu comme j’ai fait avec Saint-Ange … J’ai été obligé de le tourner en Roumanie, car je n’ai pas trouvé assez d’argent en France. Les Roumains ont mis de l’argent. Il s’agit toujours de co-productions compliquées, ce qui fait que je n’ai jamais tourné à Paris, mais que j’y vis depuis plus de vingt ans. Paris est chez moi et j’adorerais enfin y filmer un film. Vraiment loin de moi l’idée de me vendre comme une espèce de franco-américain, absolument pas. J’ai refusé d’aller vivre à Los Angeles. Je vis à Paris. Toute ma vie et ma famille sont à Paris. Mon enfant est né à Paris. Je suis très français.

Quels conseils donneriez-vous a un passionné de cinéma qui aimerait passer à la réalisation ?

Il doit tourner ses films. Aujourd’hui, il n’a plus aucune excuse. Les caméras digitales numériques coûtent deux mille euros à la Fnac, des fois même moins. Il n’y a plus qu’à convaincre quelques amis proches, à écrire son scénario, à ne pas attendre de producteur, à ne pas attendre d’argent, à tourner ses courts-métrages. Ensuite, c’est un travail de longue haleine. Cela prend du temps pour trouver son style. Cela prend du temps de trouver ce qui nous tient réellement à cœur de raconter. Aujourd’hui, je déconseillerais de faire une école de cinéma. Cela ne sert strictement à rien. De mon temps, ce n’était pas si mal, car cela permettait d’avoir accès au matériel. A mon époque, c’était la pellicule. J’ai fait tous mes courts-métrages en super 16. C’était extraordinairement lourd. C’était très cher, très inabordable comme matériel. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’ère du digital, ce qu’elle a de génial, c’est qu’elle est très démocrate. C’est l’accès à un matériel de qualité extraordinaire qui coûte que dalle. Les jeunes gars comme j’ai été moi-même n’ont plus aucune excuse pour ne pas faire leur court-métrage. Il faut qu’ils tournent.

Quel effet cela vous fait-il d'être membre du jury au PIFFF ? Que pensez-vous de la sélection ?

Je suis très heureux d’être membre du jury. C’est la première fois de ma vie que je suis membre d’un jury d’un festival. C’est très exaltant, car en un temps très court, très condensé, on voit tout un tas de films très différents. Cela donne en dernière analyse quand même une espèce de cartographie instantanée de l’état des lieux mondial du cinéma de genre, donc un état des lieux de l’époque du monde dans laquelle on vit. Le cinéma de genre a toujours été très lié à l’époque à laquelle il a été tourné. Quand on voit les westerns italiens, cela parle des années 1960, ‘70, les gallios aussi. C’est cela qui est passionnant dans le cinéma de genre, quand on regarde un vieux Argento, on voit Rome à l’époque ce que c’était. On voit l’idéologie de Argento, l’extrême gauche, les brigades rouges italiennes. Je prends note aujourd’hui en étant au PIFFF et en ayant fini de regarder tous les films en sélection officielle de l’état du monde. C’est intéressant. Il y a des choses qui m’ont plu, d’autres qui m’ont fortement déplu. Ce qui était assez frappant c’est qu’il n’y avait pratiquement pas de films fantastiques. C’était quasiment que des films d’horreur, des films plutôt réalistes. Cela en dit long sur l’effondrement des utopies et du merveilleux, des croyances, ce qui caractérise l’époque dans laquelle on vit. En ce sens, les films que nous avons vus ont été très fidèles à cela. C’est parfois un peu déprimant. Ce sont des films très durs, très noirs, très violents. Ce qui m’a parfois un peu dérangé, c’est qu’un certain nombre de ces films étaient du côté de l’ordre. Ce sont toujours des films de droite, qui avaient tendance à préserver la famille, la normalité des choses. Je pense non pas par conviction des metteurs en scène qui les ont faits, mais par manque de réflexion parfois. Pour citer un exemple précis, quand je vois Citadel qui a été très aimé par le public ici et qui a pesé, me concernant, c’est un film qui m’a révolté au possible. C’est un film qui est bien fait, par un réalisateur qui a du talent et dont je suis convaincu qu’il fera d’autres bons films. Mais quand je vois Citadel, je me demande ce que l’on m’a raconté pendant une heure et demie, car en gros, le metteur en scène nous dit que les gamins des cités défavorisées sont devenus tellement déliquants qu’ils sont devenus des démons qu’il faut gazer, qu’il faut annihiler de la surface de la Terre. Mais qu’est-ce que l’on m’a raconté ici ? Pour moi, le cinéma d’épouvante m’a complètement séduit, car il était à l’inverse, il disait le contraire. Il défendait les monstres, les défavorisés, les perdants, les loosers, le geek que j’étais moi-même quand j’étais adolescent. C’est pour cela que je me suis totalement identifié à ce cinéma-là. Il parlait de moi. Il parlait de ma fragilité, de mes échecs, du côté monstrueux que je ressentais quand j’avais treize ans. J’ai aimé le film Frankenstein, car le metteur en scène était du côté du monstre, pas du côté des villageois qui voulaient le brûler. Aujourd’hui, le cinéma d’épouvante est passé du côté des villageois aux flambeaux qui veulent brûler le monstre. Cela me pose vraiment un problème dans ma sensibilité personnelle, pour les raisons pour lesquelles j’ai aimé l’horreur.

Quels ont été les derniers films qui vous ont marqué et le plus inspiré ?

Le dernier film qui m’a vraiment impressionné est le dernier film de Peter Weir, Les Chemins de la liberté, qui est sorti il y a deux ans et qui a été un énorme échec en salle partout et qui a été pris de haut par la presse française. Ce réalisateur fait partie de mes préférés. C’est un metteur en scène australien. J’ai été bluffé. Ces derniers temps, j’ai plutôt aimé les vieux films de vieux maîtres, de vieux cinéastes. J’ai adoré l’avant dernier film de Roman Polanski, The Ghost writer, qui est tourné d’une façon brillantissime. C’est ce que j’aime au cinéma. J’ai aimé aussi le dernier film de David Fincher, Millenium, cela m’a beaucoup impressionné dans la façon dont un metteur en scène peut reprendre à son compte un genre, en l’occurrence celui du tueur en série, et d’en faire quelque chose de complètement personnel et intellectuel. Cela m’a beaucoup plu, ce déploiement de la mise en scène tout à fait fascinant. Je continue à aimer les films de metteurs en scène qui croient au cinéma, au primitivisme du cinéma, à la toute puissance du cinéma classique. J’aime les metteurs en scène qui écrivent et qui ont un rapport aussi un peu littéraire au cinéma et qui se coltinent les règles classiques de dramaturgie, qui ont envie de raconter des histoires. Ce qui m’a aussi frappé cette semaine, c’est le fait qu’on a vu pas mal de films d’horreur qui n’avaient strictement rien à raconter, qui partaient de situations. Une fille torturée par des bourreaux qui doit se sauver et les tuer tous, j’ai du mal à penser que cela fait un film. Il m’a manqué parfois des histoires, des écritures de personnages. Souvent résumer son projet à une petite situation qui au départ est un archétype me parait un peu insuffisant. Je trouvais que c’était parfois un petit peu court sur un certain nombre de films que j’ai vus cette semaine.

Propos recueillis par Mulder, le 24 novembre 2012, au Gaumont Opéra Capucines.
Avec nos remerciements à Blanche Aurore Duault et Nathalie Iund.
Photos : Boris Colletier