Table-ronde - Epic : la bataille du royaume secret avec Chris Wedge

Par Mulder, Paris, Hôtel Le Bristol, 21 février 2013

Chris Wedge, réalisateur du film Epic : la bataille du royaume secret

Q : Pourquoi avoir attendu huit ans après « Robots » pour faire ce film ?

Chris Wedge : Il y a probablement deux réponses à cette question. D’abord, j’étais entrain de travailler sur ce film pendant plus de dix ans et cela a pris autant de temps pour avoir la technologie suffisante pour que nous puissions le faire. J’étais aussi entrain de développer d’autres projets pendant ce temps. Il faut dire aussi la vérité, il me fallait le feu vert pour pouvoir le faire. Cela fait maintenant quatre ans que je suis dessus.

Q : Vous êtes vous inspiré du film Les aventures de Zak et Crysta dans la forêt tropicale de FernGully ?

Wedge : Vous savez, c’est très difficile de faire un projet qui soit totalement distinct de tout ce qui a été fait auparavant. L’idée d’ origine pour ce film est venue après avoir regardé des peintures victoriennes de ces vies dans la forêt, de ces petites civilisations, des mariages , des funérailles que les peintres victoriens faisaient. C’est ce qui m’a amené à penser à ce film et j’ai travaillé avec un ami William Joyce qui partageait aussi cette même fascination. Cette histoire est venue du fait qu’ on voulait être dans ce monde et donc on a emprunté le concept des hommes- feuilles du livre de William Joyce qu’il a écrit dans les années 90. On a créé une histoire et des personnages qui pourraient peupler ce monde. Il n’y avait pas vraiment de film d’inspiration sauf peut- être si je me souviens bien du film dont j’ai oublié le titre, quelqu’un a rétréci … (le film en question semble être Chérie, j'ai rétréci les gosses). Rien de tout cela ne nous a influencé profondément. Je voulais avoir des humains dans cette histoire pour pouvoir montrer le point de vue des humains. J’aime l’histoire entre la fille et son père. C’est très poignant.

Q : La 3D est- elle indissociable du développement d’un dessin-animé ?

Wedge : Vous savez la 3D n’est pas nécessaire évidemment mais c’est tellement facile pour nous de le faire avec alors pourquoi nous en priver. On a énormément de contrôle dans la manière dont on contrôle vraiment la 3D pour montrer de la profondeur. On peut vraiment se rapprocher de l’écran par ce procédé. Il n’y a aucune raison de s’en priver. Je dois dire que la 3D que nous avons fait dans ce film est probablement la meilleure que l’on ait jamais faites.

Q : C’est vrai vous avez dit qu’ en terme de technologie, mais aussi l’histoire était quelque chose de très nouveau pour vous.

Wedge : J’espère que les extraits que vous avez pu voir vous ont donné une idée ce qu’est vraiment un film d’aventure et d’action. Nous avons fait ce film d’une manière beaucoup plus cinématographique que nous l’avions fait par le passé et j’ai choisi de raconter une histoire d’une manière un peu plus réelle. Ce film se rapproche par sa conception à un film d’action.

Q : Le film est plus sérieux que L’âge de glace. N’avez-vous pas peur de décevoir les amateurs de vos comédies ?

Wedge : Dans les films que j’ai dirigés chez Blue Sky Studios, il y a toujours une partie très émotionnelle et très forte. Dans l’Age de glace, la maman meurt et il y a un tigre qui veut manger un bébé et notre héros meurt. Ce n’est pas que de la comédie. Mon expérience avec ce film c’est que on ne peut pas avoir trop de tout. Il ne faut ni trop de comédie, ni trop de dramaturgie, ni trop de tristesse. Dans ce film ce n’est pas qu’il n’y a pas de comédie car il y a beaucoup de blagues entre les personnages. L’aspect comédie n’est pas aussi répandu que dans mes précédents films. Je pense qu’il y a quand même de la comédie car cela nous emmène où ne nous sommes pas encore allés. C’est un film vraiment très magique.

Chris Wedge, réalisateur du film Epic : la bataille du royaume secret

Q : L’escargot et la limace sont ils les personnages les plus drôles ? Et qui a eu l’idée de ce duo ?

Wedge : Nous avons toujours eu la notion qu’il devrait y avoir des personnages qui s’occupent vraiment des bourgeons et cela devait être des personnages bas et l’idée des limaces est arrivée très vite quand on était entrain de concevoir le film. Les limaces ne sont pas seulement drôles à développer mais elles sont aussi les personnages les plus difficiles à faire et techniquement c’est un défi parce que leur corps peut faire pratiquement tout. Il y a tellement de distorsion qu’elle peut faire avec leur corps. Elle requiert énormément de contrôle. La matière de leur corps est peut être la chose la plus complexe que on ait pu faire.

Q : Quelle scène du film vous a demandé le plus de temps à travailler ?

Wedge : Vous avez vu de petits extraits de certaines des scènes les plus difficiles. Il y a beaucoup plus de détails dans ce film qu’avant. Il y a beaucoup plus de scènes d’action que ce que on a fait avant. Il y a vraiment des scènes d’action à grande échelle qui sont très complexes. C’est la première fois que nous faisons des grandes fouilles de personnages. La chorégraphie de ces scènes d’actions nous ont probablement pris beaucoup plus de temps qu’ avant. Quand on fait une scène d’action, on ne peut pas le faire simplement pour faire beaucoup de bruit et de l’action, il faut vraiment garder en tête le personnage et il faut toujours garder le public bien engagé dans l’action. Il y a donc cette interaction entre les deux et c’est ce qui prend le plus de temps.

Q : Les humains sont prédominants dans le film. C’est une évolution logique d’aller vers des personnes à l’aspect humain ?

Wedge : Oui, je pense que c’était un défi d’avoir des personnages humains et le plus grand défi c’était que plus votre dessin se rapproche de la réalité plus le public est beaucoup moins facile. Je voulais un personnage assez réaliste mais quant même stylisé. Je ne voulais pas qu’ils aient l’air de cadavre ou de zombi. C’était très difficile et cela nous a pris beaucoup plus de temps car à chaque fois que quelque chose va mal ou que quelque chose ne va pas, il faut être très attentif du moindre mouvement. C’était un vrai défi sur le plan technique.

Q : La stéréoscopie a-t’elle un impact sur l’histoire et le storyboard ?

Wedge : En fait, nous sommes entrain d’introduire de plus en plus tôt ce processus dans le film. On fait toujours des storyboards en 2D. On commence le processus en deux dimensions et après on l’introduit à ce moment là. On regarde l’action le cadre mais non seulement aussi la profondeur. On a trouvé qu’ on pouvait presque diriger la 3D indépendamment de la 2D. il y a un certain nombre de choses que nous utilisons pour pouvoir vraiment suivre le regard d’une scène à l’autre et d’une séquence à l’autre. C’est une chose au moment de la composition du montage où l’on doit faire très attention à la profondeur. Quand on passe d’un personnage à un autre et que celui-ci parle, il faut s’assurer que cela ne saute pas de très loin à très près pour que cela fonctionne. En fait, on peut pratiquement tout faire à n’importe quel moment avec la 3D. C’est vraiment plan par plan. On contrôle les effets.

Q : Comment avez-vous travaillé pour la conception de la musique ?

Wedge : Je voulais une grande musique de film. Je voulais qu’ on ait la sensation de quelque chose de grand. J’ai eu la chance de pouvoir avoir Danny Elfman dans le projet et c’est lui qui a écrit la musique. C’est une très très belle et luxuriante musique. On a beaucoup discuté ensemble au sujet de la musique. Il est un compositeur très versatile. Il a écrit une magnifique musique pour ce film. C’est aussi une musique extrêmement versatile pour ce film. Merci d’être venu et j’espère que cette présentation, vous a donné une idée de ce vers quoi nous tendons et j’espère que vous ressentez que c’est vraiment un nouveau film et que c’est une évolution. J’ai travaillé longtemps et je suis impatient que tout le monde le découvre.

Propos recueillis par Mulder, le 21 février 2013.
Avec nos remerciements à Michael Frouin et Léa Ribeyreix de l’agence Cartel-com.
Photos : Boris Colletier